Le baptistère de Parme  

• Italie    • Émilie-Romagne    • Article précédent    • Article suivant   


Ami lecteur, il est possible que vous ayez abordé notre site Internet en commençant par l'actuelle page. Vous êtes en droit d'être très surpris. Notre site est censé parler du Premier Millénaire. C'est-à-dire de la période temporelle |1 ap. J.-C. -  1000 ap. J.-C.]. Or un examen rapide ainsi que l'essentiel de la documentation nous font croire que le monument ici étudié est postérieur à l'an 1200. Même en rappelant que les dates limitant la période du premier millénaire doivent être estimées avec une large marge d'erreur, nous sommes obligés de reconnaître que, a priori, l'étude de ce monument devrait sortir du cadre que nous nous sommes fixés. Cependant, nous avons souvent constaté que nombre d'édifices estimés du Bas Moyen-Âge pouvaient avoir une origine nettement plus ancienne. Voire posséder des murs ou des structures plus anciennes. Nous avons aussi constaté que des questions posées lors d'une étude sur un monument ou une représentation iconographique du Premier Millénaire pouvaient avoir leurs réponses en un lieu distant de plusieurs centaines de kilomètres et pour une période différant de plusieurs siècles.

Mais commençons notre étude sur le baptistère de Parme.

La page du site Internet Wikipedia consacrée à cet édifice est très documentée et nous vous en conseillons la lecture. En voici des extraits :

« Le baptistère de Parme est un monument chrétien dédicacé à Saint Jean-Baptiste et destiné au rite baptismal ; disposant d’un autel, il est également une église. Il se trouve sur la place commune à la cathédrale et au palais épiscopal de Parme, dans la région italienne de l’Émilie -Romagne.

Il est l’œuvre de Benedetto Antelami et un magnifique exemple de la transition entre l’art roman et l’art gothique italien.

Histoire : L’auteur et la date de début des travaux du baptistère nous sont parvenus grâce à une inscription gravée sur trois lignes aux deux extrémités de l'architrave du portail septentrional, appelé le portail de la Vierge. Le texte est réparti de la manière suivante :

“Bis binis demptis annis de mille ducentis

In[c]epit dictus opus hoc scultor Benedictus”

Il s’agit de vers léonins qui signifient :

“Deux fois deux étant ôtés de 1200 [autrement dit : en 1196], le sculpteur appelé Benedetto [Antelami] a commencé cette œuvre.”

Cette date se trouve confirmée par les Annales de la ville.

L’ensemble des critiques s’accorde aujourd’hui à attribuer à Antelami la totalité de l’œuvre, c’est-à-dire le projet et sa réalisation. Mais la question est fort complexe car le monument subit diverses interventions et interruptions.

Une autre source d’informations nous est parvenue sous la forme des mémoires du franciscain Salimbene de Adam, témoin des faits.

Le chroniqueur nous informe que ses parents vendirent des maisons afin que le baptistère soit construit à leurs emplacements et son père, pendant la réalisation des fondations, y déposa des pierres commémoratives. Il nous indique aussi être né le 9 octobre 1221 et avoir été porté cette année-là sur les fonts baptismaux dans le baptistère de Parme qui était à côté de sa maison. Cette date est cohérente avec les Annales de Parme qui ont noté que l’on commença à baptiser au baptistère le samedi saint 9 avril 1216. Cela signifie qu’à cette date, le gros œuvre de la partie basse du baptistère était achevé. De plus, Salimbene rapporte une anecdote précieuse que sa mère lui racontait souvent : le 25 décembre de l’année 1222, alors qu’il était dans son berceau, il y eut un grand tremblement de terre. Sa mère pris ses enfants et courut vers la maison de ses père, mère et frères, car elle craignait que le baptistère ne lui tomba dessus puisqu’il était juste à côté de sa maison. Ce témoignage confirme qu’à cette époque, le baptistère n’était pas achevé et que les murs, probablement non encore bloqués par quelque voûte, étaient particulièrement instables et dangereux durant les séismes.

La chronique précise encore que durant la longue période d’hostilité (de 1229 à 1259) entre la Parme guelfe et Frédéric II, et au-delà même jusqu’à la mort de l’allié de l’empereur Ezzelino da Romano, maître de la Marche Trévisane, fut interrompue faute de matériel la réalisation du revêtement en marbre blanc et rose provenant des carrières de Vérone sous la domination de ce Seigneur.
»


Nous avons effectué une visite rapide de ce monument et la majorité des images de cette page ont été réalisées lors de cette visite. Voici une description de quelques unes de ces images.

Image 1 : Vue d'ensemble du baptistère.

Image 2 : Le portail du Jugement Dernier. Sur le linteau : la Résurrection des Morts.

Image 3.  Le portail du Jugement Dernier : le tympan. Sur le sommet de l'archivolte, deux anges sonnent la trompette du Jugement des Derniers. Au centre, le Christ en attitude d'orant. À droite, la Croix élevée vers le Ciel. Il s'agit d'une Croix faite à partir d'un tronc non dégrossi. Peut-être pour symboliser l'Arbre de Vie ?

Image 4 : Bas-relief posé contre le mur extérieur. Deux chevaux identiques sont face à face. Quel est le sens symbolique associé à cette scène ?

Selon la page « Dioscure » du site Internet Wikipedia :

« Iconographie antique : Les dioscures sont représentés portant une tunique blanche, une chlamide pourpre et le pilos, un chapeau qui a la forme d'une moitié d'œuf et rappelle les circonstances de leur naissance. Ils figurent souvent en compagnie des chevaux Xanthe et Cyllare, comme dans le célèbre groupe qui encadre actuellement la place du Capitole, à Rome.

Pour les Pythagoriciens, l'éternel chassé-croisé des Dioscures figurait l'harmonie de l'univers : on les compara aux deux hémisphères célestes qui, dans leur révolution, passent alternativement au-dessus et au-dessous de la terre, et leur union fraternelle symbolise l'harmonie de l'univers. La légende des Dioscures est en effet représentée sur les murs de la basilique pythagoricienne de la Porte Majeure ; elle figure souvent sur les sarcophages romains comme symbole d'immortalité ...

Un passage de Diodore de Sicile emprunté à Timée affirme que « les Celtes riverains de l'Océan ont une vénération particulière pour les Dioscures ». Selon Venceslas Kruta, cette mention se réfère à un culte des Jumeaux divins. Ces « Fils du Ciel diurne » sont chargés de ramener leur sœur l'Aurore et par conséquent la Belle saison de l'année. Ils sont liés au début de l'année agricole et au retour des beaux jours.
»


Image 5. Bas-relief posé contre le mur extérieur : on peut voir un lion, un chien et deux centaures affrontés. Centaures ? ou sagittaires ?

Image 6. Bas-relief posé contre le mur extérieur : on peut voir successivement deux oiseaux. La queue du second se retourne pour former un début d'hémisphère (évocation du ciel ?). Puis deux hybrides (des molosses ailés).


Image 7 : Bas-relief posé contre le mur extérieur. On peut voir successivement une sirène à une queue, un lynx ? Une femme aux pieds en forme de sabots de chevaux ?

Image 8 : Bas-relief posé contre le mur extérieur. On peut voir successivement un chat ? un chien ? un chat ? portant un casque.

Selon nous, ces sculptures datent de la première moitié du XIIIesiècle (an 1225 avec un écart de 40 ans). Il arrive souvent que des bas-reliefs insérés dans une façade soient des pièces en remploi. Mais il semblerait que cela ne soit pas le cas ici. En conséquence, nous devons envisager que l'assemblage de ces pièces ne soit pas le fait du simple hasard, qu'il existe une cohérence dans l'ensemble de ces représentations. Entendons-nous bien : nous ne sommes pas certains qu'une telle cohérence existe. Mais nous devons envisager cette hypothèse. Quitte à faire aveu de notre incapacité à résoudre le problème. Et c'est bien ce qui se passe ici. Les deux chevaux de l'image 4 font penser au deux chevaux des Dioscures, lesquels pourraient être identifiés aux Gémeaux du Zodiaque. De même, les deux centaures de l'image 5 pourraient être mis en relation avec le Sagittaire du Zodiaque. Mais qu'en est-il des autres figures dont le rapport avec le Zodiaque n'est pas établi ? Par ailleurs, n'y aurait-il pas eu dans le passé d'autres zodiaques que celui que nous connaissons ? Tout comme il existe un zodiaque chinois, y -aurait-il eu un zodiaque celte ? ou un zodiaque germain ? Ces bas-reliefs sculptés apparemment quelconques ne seraient-ils pas des témoins de croyances bien plus anciennes que le XIIIesiècle ?


Image 9 : Le Portail de la Vierge. Sur le linteau, sont représentées deux scènes : le Baptême du Christ et, très probablement; la décapitation de Saint Jean-Baptiste. Sur le tympan, l'Adoration des Mages. Alors que l'Adoration des Mages est souvent représentée, et à des périodes anciennes, des scènes comme la décollation de Saint Jean-Baptiste sont plus rares et plus tardives (XIIIesiècle).

Images de 10 à 16 : Intérieur de l'édifice.

Revenons au texte de Wikipedia :

« Enfin, l’analyse de la structure du bâtiment permet de définir trois phases constructives distinctes :

Une première phase des travaux, de 1196 à 1216 environ, conduite par Antelami, qui quittera le chantier à son issue (sans que l’on sache s’il fut appelé à d’autres tâches ou s’il décéda à cette époque). Le baptistère s’élève alors à environ 14 mètres de hauteur, c’est-à-dire jusqu’à la première galerie extérieure incluse et, à l’intérieur, au niveau de la corniche à la base de la coupole (à ce niveau un toit plat provisoire, avait été mis en place, en témoignent la présence de trous de boulin).

Entre 1260 et 1270, les Maestri campiones interviendront pour achever la coupole interne à nervures et les trois autres niveaux de galeries externes ...



... Au début du XIVe siècle, le bâtiment sera complété par l’adjonction de la cinquième galerie aveugle, la toiture sera refaite et seront ajoutés les clochetons (dont un médian qui sera ensuite déposé).

Le baptistère fut solennellement consacré le 25 mai 1270 en présence de tous les évêques de l’Émilie.

À l’époque médiévale, le canal Maggiore passait sous le baptistère et en alimentait la vasque baptismale.
»

Les auteurs de ce texte issu d'Internet ont fait un excellent travail de recherche. Ils ont certainement passé beaucoup plus de temps que ce que nous l'avons fait à la visite de ce monument. Nous sommes globalement d'accord aves ce qui est écrit. En particulier sur le fait qu'il y a eu plusieurs étapes de construction : la partie inférieure à l'époque romane, la voûte en coupole et les loggias à l'époque gothique.

Il est néanmoins un point sur lequel nous voulons attirer l'attention. La question que nous devons nous poser est la suivante :

Q : Pourquoi a-t-on construit des baptistères au XIIIesiècle ?

Cette question entraîne une série de questions-réponses :

R : À question stupide, réponse stupide ; mais voyons! pour baptiser !

Q : Pour baptiser qui ?

R : Les enfants de Parme.

Q : Et il fallait un baptistère pour les baptiser ?

R : Oui bien sûr. D'ailleurs, il n'y avait pas des baptistères qu'à Parme. Il y en avait aussi à Pise, à Florence.

Q : Et à Paris ? Rouen ? Toulouse ? Barcelone ?

R : Ah ça ! Je ne sais pas. Mais à coup sûr, il a dû y en avoir à l'époque paléochrétienne ?

Q : Oui mais moi, je ne parle pas de l'époque paléochrétienne. Je parle du XIIIesiècle ! Pourquoi a-t-on construit au XIIIesiècle des baptistères à Pise, Florence, Parme ou Crémone, alors qu'on n'en construisait pas (ou qu'on n'en construisait plus depuis longtemps) dans toute autre ville de la chrétienté ?

Comme on le voit, cette série de questions-réponses amène à une véritable réflexion.

Et selon nous, la vraie réponse est la suivante. On n'a pas construit de baptistère au XIIIesiècle car ces baptistères existaient déjà. On n'a fait que les réaménager, les rendre plus beaux, en faire des monuments dignes de ce nom. Nous aurons sans doute l'occasion de revenir là-dessus lors de notre étude des baptistères, mais nous pensons que dans le cas des baptistères, ce n'est pas la fonction qui a créé le bâtiment, mais le bâtiment qui a été utilisé pour la fonction du baptême. Nous sommes persuadés que ce type de bâtiment circulaire était utilisé par les peuples (barbares ou romains) pour les rassemblements politiques. Lorsqu'il a été question de faire participer les barbares à la vie romaine (vie religieuse comprise), il a été décidé d'officialiser cette introduction par une cérémonie faite à l'intérieur de ces édifices : le baptême.

Cela étant, en ce qui concerne le baptistère de Parme, rien ne prouve qu'il subsiste derrière les ajouts du XIIesiècle des restes du baptistère primitif. Aussi nous gardons la datation suivante pour le baptistère de Parme : an 1225 avec un écart de 50 ans.

Image 17 : Ces fonds baptismaux sont formés de deux piéces indépendantes. Le pied est probablement la base de pilier d'un porche (lion porteur de colonne dit
« stylophore » ; XIIIe siècle). Nous ne connaissons pas la datation de la vasque.

Image 18 : Très belle piscine baptismale. Datation ?