L'église Santissima Trinita de Venosa
Nous avons effectué une visite rapide de ce monument et la
grande majorité des images de cette page ont été réalisées
lors de cette visite.
Cette église est partagée en deux parties (images
1 et 2). Sur la vue aérienne de l'image
1, on
peut voir à droite un grand bâtiment. C'est la partie
ancienne de l'église.
À gauche, dans le prolongement de ce bâtiment, se trouvent
les restes d'un autre corps de bâtiment. Il s'agit d'une
nouvelle nef et d'un nouveau chevet qui auraient dû
remplacer le chevet du bâtiment ancien.
Venons-en à la partie la plus ancienne
qui a été conservée. Les images
de 7 à 13 nous font découvrir une nef triple. Les
trois vaisseaux sont charpentés. Les piliers porteurs du
vaisseau central sont à section rectangulaire de type R0000. Les arcs reliant
ces piliers sont simples. Nous remarquons sur l'image
9 l'absence d'imposte à la retombée de ces arcs.
Cela signifie-t-il une plus grande ancienneté que dans le
cas de leur présence ? Nous l'ignorons.
Deux grands arcs perpendiculaires à l'axe central traversent
le vaisseau central. Ces arcs ont été installés pour
soutenir la charpente de la toiture de ce vaisseau (images 12 et 13). Ces
arcs sont, quant à eux, soutenus par des impostes. Mais des
impostes à chanfrein tourné vers l'intrados de la courbe. Il
est manifeste, selon nous, que ces arcs transverses ont été
installés ultérieurement à la construction de la nef. Ce qui
signifierait que les impostes à chanfrein vers l'intrados
sont postérieures aux impostes multidirectionnelles ou
l'absence d'impostes. Cela confirme des constatations
analogues auparavant effectuées en France. Pour ce type de
nef à piliers rectangulaires de type R0000
et absence d'impostes, le modèle de référence est l'église
d'Ambon (Morbihan, France), église estimée antérieure à l'an
800.
Une belle mosaïque, probablement paléochrétienne, a été
conservée dans cette église (image
14). On y voit en particulier le nœud ou sceau de
Salomon, entrelacs en forme de croix.
Le chevet Est contient une seule abside,
à plan semi-circulaire. Elle est voûtée en cul-de-four (image 15). Nous
pensons que ce modèle de chevet à une abside située dans le
prolongement du vaisseau central a précédé le modèle à trois
absides. Cependant, dans le cas présent, le chevet a été
profondément modifié par le percement de grandes baies.
Passons à l'étude de la deuxième partie,
actuellement en ruines.
Il y a là pour nous un mystère : des deux églises (ou
parties d'une seule église), c'est la plus belle ... et la
moins bien conservée. En toute logique, c'est l'autre partie
qui devrait être en ruines. D'où cela vient-il ? Deux
options s'offrent à nous. Soit sa construction a été
entreprise, mais elle est restée inachevée. Et le fait
qu'elle soit inachevée a pu accélérer la destruction du
bâtiment. Soit elle a été achevée, mais il y a eu séparation
entre deux communautés au sein de l'abbaye, chacune des
communautés ayant son propre lieu de culte.
C'est cette deuxième hypothèse qui semble avoir été
privilégiée dans le livre Calabre
Basilicate Romanes du Professeur Chiarra Garzya
Romano. Selon ses explications, il y aurait eu des conflits
entre communautés de moines : « En
1297, ... le monastère tombé en ruine, et pas seulement
spirituellement, fut enlevé aux bénédictins et cédé … aux
hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem. La transmission
donna lieu, entre les moines bénédictins et le nouvel
ordre, à des controverses qui durèrent longtemps. Bien que
l'ordonnance papale admit que les bénédictins
continueraient à officier dans l'abbaye même après le
passage à l'ordre de Jérusalem, les moines refusèrent
cette possibilité et opposèrent sans doute une résistance
à l'entrée des hospitaliers ... » Bien que ces
événements soient postérieurs de plus d'un siècle aux
constructions, ils confirment l'idée selon laquelle deux
communautés monastiques pouvaient coexister dans un même
monastère, tout en étant en conflit entre elles. Dans le
même livre, l'auteure rappelle les sources de conflit qui
ont pu exister au XIeet au XIIesiècle.
Et parmi ces sources de conflits, il y a la présence des
Normands qui ont participé à la conquête de la Sicile à
partir de la Calabre et du Basilicate. Même si les siciliens
ont conservé un bon souvenir de l'intervention des normands,
il n'est pas douteux que l'arrivée de peuples étranges à la
région a dû provoquer des tensions. En tout cas il est
certain que, par son style, cette partie nouvelle
s'apparente plus aux créations du Nord de la France qu'à
celles, voisines et contemporaines, des Pouilles.
Il s'agissait d'une église à nef triple.
Les trois vaisseaux devaient être charpentés. Les piliers
porteurs du vaisseau central dont il reste des exemplaires
côté Sud sont cylindriques (de type C0000
), On ignore tout des arcs reliant ces piliers. Les
basiliques à colonnes cylindriques ont été présentes dès
l'antiquité. À leur sujet, nous nous sommes posés la
question : peut-on les dater comme on s'est employé à le
faire pour les basiliques à piliers rectangulaires ? Mais,
concernant les basiliques à piliers cylindriques, la réponse
est négative car ces églises ont très peu évolué au cours du
temps. Pour celle-ci, la datation peut être faite d'une
autre façon : elle a été construite après l'église ancienne
et probablement dans le but de la remplacer intégralement.
C'est une construction typiquement romane, hormis les
colonnes cylindriques.
Il pourrait y avoir eu deux campagnes
successives dans la construction de cette extension d'église
: en premier lieu, la nef aux colonnes cylindriques, puis le
chevet à déambulatoire et chapelles rayonnantes. Si nous
émettons cette hypothèse, c'est parce que nous avons vu deux
styles différents dans les sculptures des chapiteaux (ceux
qui sont accolés aux parois du chevet (images
de 23 à 28) et ceux qui surplombent les colonnes
(images de 20 à 22
)). Pour ces derniers, une question se pose : comment se
fait-il qu'ils soient tous identiques, et ce, contrairement
à ce que l'on voit habituellement dans l'art roman ?
Chapiteaux antiques en réemploi ? Renaissance carolingienne
? Renaissance italienne du XVesiècle ?
Quant au chevet à déambulatoire, nous estimons qu'il remonte
à la fin du XIesiècle en ce qui concerne la
France. À peine plus tard, lorsqu'il y a comme ici des
chapelles rayonnantes (an 1125 avec un écart de plus de 50
ans).
Nous présentons ici quelques chapiteaux
(images de 23 à 28
). Un seul est historié. Il représente un homme nu et assis
dont la tête est encadrée par deux volutes (image
23). On retrouve une tête encadrée par deux
volutes sur les images 25
et 28. Un aigle impérial est le thème du chapiteau
de l'image 27.
Nous n'avons pas la prétention de connaître tous les décors.
Surtout pour ceux fort éloignés de chez nous. Cependant,
ceux qui ornent les portes (images de 29 à 34) nous semblent antérieurs à l'an
mille et avoir subi une influence barbare. La main de Dieu
sortant des nues (image
33), l'Agneau Pascal accompagné de la croix
pattée
(image 34) sont
plus caractéristiques de l'art barbare venu du Nord (Goths,
Lombards) que de l'art roman.
Les bas-reliefs des images
35 et 36, représentant des lions ou des dragons
dont la queue passe entre les pattes, remonte sur le corps
et s'épanouit sous une forme de feuille, sont plus fréquents
dans l'art roman mais la représentation a très probablement
subi une influence barbare.
Des plaques sculptées ont été scellées dans le mur (images 26, 37, 38, 39).
De telles plaques ont parfois été utilisées pour isoler dans
le mur les restes d'une personne décédée. Est-ce le cas ici
? Nous l'ignorons.
La mosaïque de l'image 42
contient entre autres un « nœud de Salomon ».
Datation
envisagée pour l'église Santissima Trinita de Venosa
Dans sa partie ancienne : an 650 avec un écart de 200 ans.
Dans sa partie plus récente ruinée, la nef : an 1000 avec un
écart de plus de 100 ans.
Dans sa partie plus récente ruinée, le chevet : an 1100 avec
un écart de plus de 50 ans.