La basilique Saint-Sever de Bardolino 

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Nous n'avons pas visité cette basilique. La plupart des images de cette page ont été extraites d’Internet.

La page traduite de l’italien du site Internet Wikipédia consacrée à cette église nous apprend ceci :

« Histoire

La plus ancienne mention du bâtiment d’origine remonte à l’année 893, plus précisément dans un diplôme de Bérenger du Frioul où il est écrit :
“in Garda juxta ecclesiam Sancti Severii". [...]

Le bâtiment a ensuite été reconstruit et agrandi entre le XIe et le XIIe siècle.

L’église de San Severo est devenue plus tard une église paroissiale, mais a ensuite connu une période de délabrement.

Elle a été sauvée de la ruine grâce à l’intervention des frères du Saint-Sacrement, qui au cours du XIXe siècle, s’étaient installés dans l’église voisine.


Description

[...] Le campanile, reconstruit au XIXe siècle, est d’origine.

Les absides sont également le résultat d’une reconstruction des absides originales du XIVe siècle. La façade est orientée vers l’ouest, comme dans toutes les églises romanes.

L’intérieur a trois nefs et a un plafond en bois et des colonnes en brique et en tuf.

Les intérieurs sont décorés de fresques représentant la vie de Jésus, de la Vierge Marie, des apôtres et de motifs de l’Apocalypse de Saint-Jean et de la légende de la découverte de la vraie Croix. Ces fresques, qui présentent des similitudes avec celles d’autres édifices de la province de Vérone, sont comptées, pour leur ampleur et leur richesse de motifs, parmi les plus beaux exemples d’Europe.


À l’intérieur, il y a aussi une crypte qui fait probablement référence à un bâtiment lombard préexistant du VIIIe- IXe siècle. »


Concernant le chevet, une autre page de Wikipédia précise ceci : « L'abside centrale, reconstruite en 1932 à la place d'une abside rectangulaire datant du XIVe siècle, est percée de trois fenêtres cintrées tandis que chacune des absidioles est percée d'une seule fenêtre. »

Cette église a fait l’objet d’une courte description dans le livre Vénétie Romane de la collection Zodiaque, écrit par Gianna Suitner Nicolini, architecte.

L’auteure de cet opuscule ne parle pas des fresques. Par contre, elle consacre une part importante de son exposé à la datation de l’église et à la description de la crypte. En voici des extraits : « L’église Saint-Sever est considérée comme de fondation préromane et est mentionnée dans un diplôme de Bérenger de 893 comme repère topographique pour retrouver quelques pièces de terre du monastère véronais de Saint-Zénon situées “in Garda juxta Ecclesiam Sancti Severii”. Mais en vertu d’une inscription lisible sur un chapiteau de la nef centrale portant la date de 1109, la construction de la piève peut se situer entre la fin du XIe siècle et le début du XIIe siècle.

En se basant sur l’analyse des maçonneries, les époques où la structure s’est constituée peuvent se ramener à trois :

Au IXe siècle, remonte la fondation d’une première structure dont les vestiges sont visibles dans l’arrondi extérieur de la crypte.


À une intervention des IXe-Xe siècles, il faut attribuer la crypte, découverte au cours des travaux de restauration de 1927.

À la fin du XIe siècle ou au début du XIIe siècle, correspond la configuration actuelle.

À d’autres interventions ultérieures enfin, sont dus les remaniements manifestes de la façade, de l’abside majeure (entièrement reconstruite en 1932 en remplacement de la précédente, non d’origine, de plan carré, datant du XIVe siècle) et du clocher (les fenêtres doubles originelles furent supprimées en 1872).
[...] »


Notre analyse de ces divers textes (extraits d’Internet et du livre Vénétie romane)

Nous avons été tout d’abord surpris par la phrase, « Le bâtiment a ensuite été reconstruit et agrandi entre le XIe et le XIIe siècle. », exprimée sans justification et sur le ton de la certitude alors qu’il était écrit auparavant que la plus ancienne mention d’origine remonte à 893. L’explication nous a été donnée par le livre Vénétie romane : «  Mais en vertu d’une inscription lisible sur un chapiteau de la nef centrale portant la date de 1109, la construction de la piève peut se situer entre la fin du XIe siècle et le début du XIIe siècle. ». Cette justification tient-elle de preuve ? Là est toute la question. Nous avons souvent constaté que les historiens n’accordaient de confiance qu’aux textes écrits (issus de textes anciens). Si un témoignage est écrit, il exprime la vérité. Sinon, ce ne sont que des suppositions à rejeter. Les historiens auraient transmis ces certitudes aux historiens de l’art qui, en conséquence, auraient un comportement plus d’historiens que d’archéologues de l’art. En ce qui concerne l’église Saint-Sever, une simple inscription sur un pilier semble régler tout le sort de l’église. On ne sait même pas à quoi se rapportait cette inscription : une date de consécration ? Le témoin d’une restauration ? Une plaque de commémoration ? Nous savons par ailleurs que les diverses témoignages révélés par les textes (cession de dîme, fondation d’une communauté monastique, consécration d’un autel, etc.) renseignent sur l’existence d’un bâtiment à une période donnée, mais ne correspondent pas, dans l’immense majorité des cas, à la construction effective de ce bâtiment.

Il est certes possible que cette inscription sur un pilier soit plus précise sur l’authenticité de la construction de l’église entière, mais nous en doutons beaucoup car nous n’avons jamais rencontré cela pour plus de deux mille églises étudiées sur notre site. En conséquence, l’étude architecturale est la seule méthode permettant d’envisager une datation.


Examen de l’architecture de la basilique Saint-Sever

Les divers points observés sont les suivants :

– La nef est à trois vaisseaux (images 1, 2 et 3).

– Le vaisseau principal est surhaussé par rapport aux vaisseaux secondaires. Cette disposition a permis l’ouverture de petites fenêtres supérieures permettant d’éclairer
la nef.

– Le vaisseau principal est porté par de massives colonnes cylindriques (images 7, 8, et 9).

– Les trois vaisseaux sont charpentés.

Ces divers éléments sont caractéristiques d’une église issue des premières basiliques chrétiennes, une église qui serait donc plus proche dans sa conception des basiliques romaines que des basiliques romanes. D’autres éléments viennent cependant retarder un peu son ancienneté :

– Dans les premières basiliques chrétiennes, il existe une seule abside en prolongement du vaisseau principal. Le plan de celle-ci est celui de trois absides en  prolongement des trois vaisseaux. Ce plan, très fréquent, aurait succédé selon nous au plan initial. Il aurai été employé pendant plusieurs siècles. Il aurait été remplacé par le plan en croix des églises avec transept.

– Le chevet, mais aussi les pignons des façades Est et Ouest, sont décorés d’arcatures lombardes (images 3, 4, 5 et 6). Là encore, la période de construction de ce type de décor aurait duré plusieurs siècles. Celles-ci feraient partie des débuts de cette innovation.

– Les piliers des premières basiliques chrétiennes étaient des colonnes cylindriques monolithes construites dans un matériau dur comme le granit ou le marbre. Postérieurement, les piliers ont été maçonnés et épaissis ; nous pensons qu’il ne s’agit pas là d’une régression mais d’une innovation (image 9).

– Les chapiteaux des premières basiliques étaient en général dérivés des chapiteaux antiques (corinthien, dorique, ionique) avec un modèle unique sur tout le monument (dans la plupart des cas, au gré des restaurations, des reconstructions, des remplacements de colonnes ou de chapiteaux, ce modèle unique a disparu). Ultérieurement a été créé le chapiteau roman nettement plus diversifié que celui de l’antiquité (pour une même église, plusieurs styles de chapiteaux sans qu’il y ait eu des modifications). Entre ces deux extrêmes, on a un style de chapiteau peu ouvragé : des figures simples, des stries, des dessins géométriques. À la différence du chapiteau roman, le décor de ces chapiteaux est peu susceptible d’attirer l’attention. En fait, c’est tout ce qui caractérise l’art préroman : le décor n’est pas sur les chapiteaux ou dans les sculptures. Il est sur les murs sous forme de fresques ou de mosaïques. Et c’est ce que l’on a ici. Observons le chapiteau de l'image 10, détail de l'image 9, On y distingue quelques traits représentant des feuilles de trèfle ou des fleurs de lys. Il y a sans doute d’autres représentations autour de ce chapiteau ou sur d’autres chapiteaux. Mais on n’y a pas porté attention car ce qui semblait essentiel, c’étaient les fresques.


La crypte (images 12, 13 et 14)

Cette crypte constitue un élément nouveau assez surprenant. Nous ne disposons malheureusement pas d’un plan permettant de comparer la crypte avec la partie supérieure. Il y a en effet plusieurs possibilités avec deux hypothèses de base. La première d’entre elles est que la largeur de l’abside de la crypte correspond à celle du vaisseau principal de la nef actuelle. On peut dans ce cas en déduire que la crypte faisait partie de la nef actuelle mais que cette nef a été en grande partie comblée. La seconde hypothèse est que la largeur de la crypte est nettement inférieure à celle du vaisseau principal de la nef actuelle. On peut dans ce cas en déduire qu’il existait une autre église ayant précédé celle-ci. Le chœur de cette église n’était autre que la crypte actuelle.

Il reste à expliquer la présence de la colonnade semi-circulaire. Nous pensons qu’il s’agit d’une colonnade de fond d’abside. Essayons de raisonner en nous mettant à la place des constructeurs du Moyen-Âge. Ils ont construit une abside semi-circulaire. Dans quel but ? L’idée la plus logique est de couvrir cette structure d’une voûte imitant le ciel. Aux débuts, on a sans doute imaginé des voûtes en matériaux légers, comme le bois ou le stuc. Mais, par la suite, des voûtes en pierre ont été créées. Mais pour cela, il fallait épaissir les murs. D’où l’idée d’accoler au fond de l’abside une colonnade permettant de supporter la base de la voûte, le mur extérieur faisant office de contrefort.


Les fresques (images de 15 à 33)

Contrairement à ce que pensent les auteurs du texte de Wikipédia, les fresques des images 15 et 16 nous semblent plus récentes que celles des images suivantes. Il y a dans cette position une question de fraîcheur des couleurs mais aussi une question de style apparenté au style byzantin.

L'image 17 donne une idée de ce que pouvait être cette église à l’origine : une simple idée, car, à l’origine, les murs devaient être entièrement peints y compris ceux des bas-côtés. Et les couleurs devaient être beaucoup plus vives avec des traits de visages plus affirmés. Une question demeure au sujet des fenêtres. Leur emplacement est disparate. En toute logique, elles devraient être situées à la verticale des piliers ou à la verticale du sommet des arcs. Nous pensons que ce devait être le cas à l’origine mais elles devaient être situées plus haut, et le mur ayant été abaissé, il a fallu en créer d’autres, endommageant une partie des fresques.

Image 18 : Fresque située dans un écoinçon. La figure d’un saint inscrite dans un cercle est selon nous présente dans l’iconographie préromane. On la voit en particulier présente dans l’église Saint-Pierre de Jumièges (Seine-Maritime/Normandie/France).

Images 19 et 20 : Deux images de fresque successives. La lecture est difficile. Il doit s’agir de l’Invention de la Vraie Croix signalée dans le texte de Wikipédia. Sur l’image 19, l’impératrice Irène est représentée sous un dais. De sa main elle désigne la scène droite. On y voit quatre hommes, les bras levés en signe d’enthousiasme entourant un cinquième levant lui aussi le bras, jaillissant d’une sorte de boîte dans laquelle il est difficile de reconnaître une croix. On retrouve une partie de cette scène sur l'image 20. Elle se poursuit vers la droite par une procession précédée par l’impératrice Irène et deux hommes dont l’un porte une croix pattée hampée caractéristique de la période dite « carolingienne ».


Nous allons étudier plus particulièrement l'image 21. Il s’agit d’une partie de mur contenant diverses scènes correspondant, semble-t-il, à la description de l’Apocalypse de Saint Jean. Au-dessus des arcades, nous distinguons deux parties séparées entre elles par des traits horizontaux de couleur ocre. La partie inférieure désignerait l’Enfer (mais un enfer terrestre, un enfer apocalyptique, un enfer de fin du monde) et la partie supérieure représenterait le Ciel (toujours dans sa description apocalyptique). Nous étudierons d’abord la partie de gauche : le bas et le haut (image 22), le bas seulement (image 23), le haut seulement (image 24). Puis la partie de droite : le bas et le haut (image 22), le bas seulement (images 25, 26, 27 et 28), le haut seulement (image 29).

Image 22 : Dans la partie basse, une groupe d’hommes enfermés dans une sorte de cocon, entourés d’animaux marins, sont effrayés et regardent en direction du ciel.

Image 23 : Une sorte de sphinx à corps tacheté de cheval, ailes d’oiseau et tête humaine s’extrait d’un cuve. Devant lui, deux autres sphinx.

Image 24 : Cette image représente selon nous la Jérusalem Céleste (ou plutôt une partie de cette cité aux douze portes : on n’en compte que sept), décrite dans l’Apocalypse.

Image 25 : Sur cette image, on identifie, de gauche à droite, le groupe des cavaliers de l’Apocalypse foulant sous les pattes des chevaux des humains effrayés, puis un groupe d’humains levant les yeux au ciel et montrant à droite un dragon : la bête de l’Apocalypse ?

Images 26, 27 et 28 : Détails de l'image 25.

Image 29 : Partie de fresque située au dessus de celle de l'image 25. Il s’agit d’une partie de la scène des 24 Vieillards de l’Apocalyse.

Images 30, 31, 32 et 33 : Nous ne retrouvons pas dans ces éléments de décor des ressemblances avec le décor typiquement roman.


Datation

Nous estimons que l’église Saint-Sever est plus ancienne que les alentours de l’an 1100. En effet, à cette date, l’art roman s’était déjà fortement implanté en Europe avec de très grandes réalisations construites ou sur le point de l’être : Jumièges, Cluny, Vèzelay, Tournus, Saint-Jacques de Compostelle. En admettant que nous nous trompions et que cette église date effectivement des alentours de l’an 1100, alors le problème serait inversé : comment se fait-il que dans une région aussi réputée, voire plus évoluée que les autres d’Europe, on ait pu construire en ce temps-là une église aussi quelconque ?

Datation envisagée. En conséquence de cette analyse, nous proposons la datation suivante pour la basilique Saint-Sever de Bardolino : an 900 avec un écart de 100 ans.

Il reste à évaluer les fresques qui, selon les auteurs des divers textes consultés, dateraient du XIIe siècle. Il faut tout d’abord savoir que nous attachons beaucoup d’importance aux fresques. Selon nous, les fresques sont caractéristiques de l’art préroman. Les artistes de cette époque couvraient les murs de représentations imagées, parfois en mosaïques, le plus souvent en peintures moins coûteuses. Les murs étaient libérés en vue de ménager à ces peintures un maximum de surface. Plus tard, lorsqu'il y a eu projet de voûter ces églises, il a fallu renforcer les piliers et murs par des pilastres ou des colonnes, poser des arcs. Cela a contribué à détruire des peintures pour les églises anciennes ou à diminuer les surfaces pour les églises nouvelles. Inversement, un accent plus important a été donné aux représentations sculptées.

Mais si les fresques constituent un témoignage important de l’art du premier millénaire, nous devons convenir de leur rareté. Cette rareté, elle existe déjà pour les fresques romanes. Elle ne peut être que plus importante encore pour des fresques préromanes. Nous avons activement recherché des peintures préromanes. Mais dans la plupart des cas, nous n’avons pas été en mesure de les différencier des fresques romanes. Il existe cependant une façon de les différencier : par le thème choisi. Ici le thème est celui de l’Apocalypse de Saint Jean. Les Commentaires de l’Apocalypse de Saint Jean ont été écrits par le moine Geatus de Liebana au VIIIe siècle, et, par la suite, l’ouvrage a eu un fort succès. Nous pensons que plus tard, le succès s‘est étiolé et les divers épisodes de l’Apocalypse sont peu présents dans l’art roman (hormis le tétramorphe).

Le fait que nous ayons dans cette église une représentation d’épisodes de l’Apocalypse, et, à l’inverse, pas de scènes représentées dans l’art roman telles que celles de la Vie de Jésus ou de Vies de saints, nous incite à penser qu’on serait en présence de fresques préromanes et que cela pourrait être aussi le cas d’autres fresques rencontrées auparavant comme celles de Saint-Martin de Fénollar à Maureilhas/Pyrénées Orientales/Occitanie/France.

Datation envisagée pour les fresques de la basilique Saint-Sever de Bardolino : an 950 avec un écart de 100 ans.