L'église Saint-Prokulus de Naturns  

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Nous n'avons pas visité cette église. Les images de cette page sont extraites de galeries d'Internet.

La page du site Internet Wikipédia consacrée à cette église nous apprend ceci :

« Emplacement

La place sur laquelle se dresse l’église Saint-Prokulus est une ancienne zone de peuplement. On peut supposer que la
Via Claudia Augusta passait à proximité. À la fin de l'Antiquité, un bâtiment résidentiel se dressait sur le site de l’église. Sa construction, caractérisée par des murs en pierres sèches et une construction en bois, était répandue dans toute la région alpine du IVe au VIIe siècle après J.-C.

Vers 600 après J.-C., la maison de l’Antiquité tardive a été détruite par un incendie. Il est possible qu’une femme d’environ 45 ans ait également été tuée, du moins c’est ce que suggèrent les découvertes archéologiques. Après l’incendie, la maison n’a pas été reconstruite, les ruines ont été utilisées comme cimetière.

L’église Saint-Prokulus a été construite vers 630-650. Il n’y a pas de sources fiables sur le sujet. Seule l'archéologie fournit des informations sur l’âge de l’église. La position des tombes du début du Moyen-Âge au Sud et à l’Est suggère une église déjà existante. Dans une tombe sur le côté sud de l’église, un scramasaxe germanique (épée courte) a été trouvé comme cadeau funéraire. Ce scramasaxe, comme diverses autres trouvailles, est daté de l’époque environ 640. Comme l’église existait déjà à cette époque, on peut supposer une ancienneté d’au moins 1 350 ans pour l’existence originelle.

Construction

La petite église est construite avec une seule nef : ses origines remontent probablement à la fin du VIIIe siècle. La tour n’a été ajoutée que vers 1185. Elle a un toit en brique pointu en casque. En dessous, il y a des fenêtres géminées sur chacun des quatre côtés de la tour.

Fresques du début du Moyen-Âge


Les peintures romanes les plus anciennes de la petite église se trouvent à l'intérieur dans la partie inférieure. Elles montrent des anges, des saints et des scènes de la vie de saint Prokulus, y compris un troupeau de bétail sur le mur Ouest. Ces peintures doivent être classées comme préromanes. Il pourrait s’agir des fresques les plus anciennes du monde germanophone. [...]

Les fresques de l’église Saint-Prokulus ont été décrites dans de nombreux traités scientifiques. Il y a eu plusieurs tentatives de classification et de datation des peintures murales préromanes par les historiens de l’art. Certains scientifiques, dont l’ancien conservateur de l’État Helmut Stampfer, ont daté certaines peintures murales dès le VIIe siècle après J.-C. D’autres, cependant, pensent que les fresques les plus anciennes ont été créées au VIIIe siècle, mais avant le couronnement de Charlemagne en tant qu'empereur le jour de Noël 800 à Rome. Par conséquent, en relation avec les peintures murales de l’église Saint-Prokulus, on parle de fresques "pré-carolingiennes". D’autres chercheurs encore, y compris le successeur de Stampfer, Leo Andergassen, soupçonnent une période d’origine ultérieure au IXe ou Xe siècle. Ces peintures murales constituent le cycle le plus complet de peintures murales anciennes au Tyrol. »


Quelques remarques

Concernant la datation de l'église, nous observons dans ce texte deux estimations contradictoires. L'une de ces estimations donne les alentours de l'an 650, soit le milieu du VIIe siècle (« L’église Saint-Prokulus a été construite vers 630-650 »), et une autre la fin du VIIIe siècle (« ses origines remontent probablement à la fin du VIIIe siècle.»). Il nous est très difficile de proposer une quelconque datation. Nous pouvons cependant attribuer un satisfecit aux historiens de l'art ayant évalué cette église. En effet, c'est une des premières fois que nous découvrons une église estimée, par les historiens de l'art, antérieure à l'an mille … et ce sur environ 2 500 monuments étudiés. Et cela pose question ! Comment se fait-il que cette église soit estimée du VIIe ou VIIIe siècle alors que toutes (ou presque) les autres sont estimées du XIIe ou, à la limite, du XIe siècle ? Nous avons trois explications.

La première de ces explications est l'existence dans cette église de fresques à caractère naïf et incompréhensible, des fresques tout à fait différentes des fresques romanes vues ailleurs. Ceux qui ont étudié ces fresques ont déduit du caractère naïf et incompréhensible qu'elles devaient être antérieures à la période romane.

Une deuxième explication tient au fait qu'on est en présence d'un édifice de petites dimensions. Le discours usuel sur la période allant de l'an 400 à l'an 1000 revient à dire que c'est la période des « invasions barbares » qui ont tout détruit et rien construit. Certes, les barbares ont pu construire quelques rares église,s mais elles devaient être très petites ! Gageons que si cette église avait été quatre fois plus grande, elle serait estimée du XIIe siècle.

Le texte fournit la troisième explication : l'église est située dans un cimetière ayant contenu des tombes du VIIe ou VIIIe siècle. L'église doit donc normalement être de peu antérieure à cette période.

Nous pensons que ce n'est pas une de ces explications qui justifie les datations du VIIe ou du VIIIe siècle, mais les trois réunies.


Concernant la datation des fresques

Là encore, il nous est difficile de nous prononcer. Nous pouvons seulement faire la remarque suivante. Les divers auteurs cités ci-dessus évoquent les dates du VIIe et du VIIIe siècle. Des dates analogues à celles de la construction de l'église. Cela correspond à la logique de l'époque : toutes les églises étaient couvertes de fresques. Et ce, dès la construction de l'église. On peut donc penser que toutes les fresques de cette église sont contemporaines à sa construction. La réalité est peut-être un peu plus complexe. L'inconvénient des peintures est qu'elles se défraîchissent avec le temps. L'enduit des murs finit pas se recouvrir d'une poussière grisâtre qui incite à la réfection de l'ensemble. Ce qui explique la rareté des fresques : bien peu ont été conservées.

Nous ne sommes donc pas certains que toutes les fresques ici représentées soient contemporaines à la construction de l'église. Les auteurs signalent d'ailleurs que les fresques des parties supérieures (Exemple : la bande horizontale située au-dessus de l'arc triomphal de l'image 2. Nous l'estimons du XVIIe ou XVIIIe siècle). Quant à la Crucifixion de l'image 5, nous l'estimons du XIVe siècle.

Cependant le caractère naïf et incompréhensible dont nous avons déjà parlé permet d'envisager une haute datation de certaines fresques.

Ainsi examinons l'image 7. Une image très amusante d'un adulte jouant à la balançoire, comme s'il s'agissait d'une bande dessinée humoristique. Mais le personnage porte une auréole : c'est un saint. À la différence des deux autres qui sont au-dessus de lui et ne portent pas d'auréole. Un saint représenté en train de faire de la balançoire dans une église ! Ne serait-ce pas un peu osé, contraire à l'idéal austère de la religion chrétienne ? Nous pensons plutôt à l'épisode biblique de Saint Paul qui, pourchassé par les juifs de Damas, est descendu des murailles par ses disciples qui l'avaient installé dans une corbeille. Il s'agit là d'une explication, peut-être fausse. Mais en admettant qu'elle soit la bonne, nous ne savons pas pourquoi elle a été représentée dans une église ; cette évasion d'un saint n'a rien de miraculeux et ne délivre pas de message biblique.

Les fresques des images 8 et 9 ont bien un caractère naïf. Mais nous ne connaissons pas leurs significations. Elles sont peut-être anciennes mais elles ont pu aussi être réalisées à toute époque par un peintre malhabile.

Assez paradoxalement, dans le cas de certaines fresques, c'est le coté novateur qui serait caractéristique d'une ancienneté. Examinons les images 10 et 11 des fresques placées de part et d'autre de l'arc triomphal. On y voit des anges : leurs ailes sont correctement dessinées ainsi que leurs têtes auréolées. Mais ce n'est pas le cas pour le reste du corps remplacé par des tourbillons pour l'image 10 et des amas de nuages pour l'image 11. C'est là ce qu'on appelle le « côté novateur ». Car il y a quelque chose de nouveau pour nous. C'est la première fois que nous observons des anges qui n'ont pas de corps. Dans toutes les représentations d'anges observées à ce jour, ces anges avaient un corps. La représentation était figurative. Ici on a une représentation symbolique. Un symbole qui, hormis dans le cas présent, n'a pas survécu jusqu'à nos jours. Cela suppose une grande ancienneté de cette représentation.

Sur les images 10 et 11, on peut voir au-dessus des anges une bande d'entrelacs. L'image 12, vue détaillée de l'image 11 permet de mieux identifier ces entrelacs dits
« carolingiens » et de repérer une croix pattée. Il s'agit en fait d'une croix pattée hampée portée par l'ange. Les croix pattées hampées sont visibles sur des représentations du VIIe ou VIIIe siècle.

L'image 13 permet de repérer la rupture entre deux étapes de création des fresques : la fresque de gauche est la bande horizontale bicolore en « niveau de gris » et celle du mur de l'arc triomphal. Celle de droite contient une bande horizontale multicolore faisant le tour des trois autres murs de la nef. On la retrouve sur les images 3, 6 et 7.

Même sans être spécialiste de la question, il est facile de repérer les différences de style entre l'image 14, détail d'un des murs de la nef, et l'image 15, détail de l'arc triomphal.


Datation

Cette église fait partie de l'ensemble des chapelles rurales à chevet carré. Nous avons étudié un certain nombre de ces églises en Occitanie et en Catalogne. Il y en aurait des centaines, la plupart en ruines. Nous pensons qu'il doit en exister aussi, peut-être en grand nombre, hors de ces régions. Le plan de ces églises est simple : une nef rectangulaire de petites dimensions, en général charpentée, une voûte pouvant avoir été installée ultérieurement. Cette nef est prolongée d'un chœur à plan à peu près carré, de dimensions en général un peu plus réduites que la nef. Un arc triomphal permet de faire communiquer les deux salles. Cette abside est aussi le plus souvent charpentée. Il arrive cependant que cette abside soit, comme ici, voûtée en berceau.

Nous pensons, sans certitude, que les absides à plan carré voûtées en berceau ont précédé, pour ces petites églises rurales, les absides semi-circulaires voûtées en cul-de-four. Remarque : cela n'est sans doute pas le cas des grandes églises urbaines qui disposaient de grands moyens financiers et des compétences pour réaliser des projets d'envergure.

Datation envisagée pour l'église Saint-Prokulus de Naturns : an 750 avec un écart de 100 ans.