L'église Saint-Jacques de Kastelaz à Termeno 

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Nous n'avons pas visité cette église. La plupart des images de cette page sont extraites de galeries d'images d'Internet.

Selon le site Internet kalterersee.com :

« L’église Saint-Jacques de Kastelaz a été mentionnée pour la première fois en 1214, mais on suppose que ses origines remontent au XIe siècle. Vers 1220, le cycle de fresques avec ses figures fantaisistes, ses hybrides homme-animal et ses chimères, qui peuplent les murs de l’abside, a été ajouté. À ceux-ci s’ajoutent des figures telles que le centaure, l’homme-cavalier de la mythologie grecque. Elles représentent un contraste apparent, pour ainsi dire un péché, avec la série de fresques romanes placées au-dessus : la représentation des 12 apôtres et du Christ en majesté à l’intérieur d’une amande. Dans l’allée, en revanche, vous pourrez admirer des peintures murales gothiques colorées d’Ambrosius Gander, qui remontent à 1441 et racontent, entre autres, le miracle du coq et de la poule et la légende des pèlerins. »


Nos commentaires

D’une façon générale, il nous est difficile de proposer une datation pour des églises à nef unique, car, leur plan étant très simple, elles ont pu être construites à tout moment durant tes deux millénaires de l’antiquité. Pour celle-ci, la nef est à deux vaisseaux mais le deuxième vaisseau est gothique. Seul le premier vaisseau, côté Nord, nous intéresse. Et ce n’est pas pour la datation de ses fresques qui sont, nous en convenons, du XIIe siècle, mais par certains des thèmes représentés.

Venons-en à ces fresques présentes sur le mur intérieur de l’abside (image 2). On repère immédiatement le contraste entre, d’une part, la partie inférieure (images 3 et 4) et, d’autre part, la partie supérieure (images 5, 6 et 7).

Ce contraste est multiple : la partie inférieure (images 3 et 4) présente des êtres hybrides purement imaginaires dans des attitudes dynamiques (l’un saisit la patte de son voisin, un autre tire une flèche, tous semblent sauter ou flotter dans l’air). Enfin la représentation est peu colorée (blanc, gris, ocre). Les représentations du niveau supérieur sont à l’opposé de celles-ci : les personnages sont bien identifiés : les apôtres pour les images 5 et 6, le Christ en gloire entouré des symboles des Évangélistes pour l'image 7. L’attitude de ces personnages est statique, bien implantée sur le sol. Enfin ces images sont très colorées (blanc, gris, ocre, bleu clair, bleu foncé, mauve, rouge).En examinant ces différences de composition, on aurait tendance à définir deux périodes de conception ou deux peintres en total désaccord entre eux.

Mais il semble que ce ne soit pas le cas. Ainsi, observons l'image 10 d’une femme nue en posture d’atlante. Ses mains sont posées sur une bande horizontale faisant office de plancher sur lequel est posée la scène supérieure. Il en est de même pour l’atlante situé de l’autre côté (image 2). Ces attitudes font apparaître le lien existant entre les scènes supérieure et inférieure. De même, les frises horizontales qui partagent l’espace en trois parties participent à l’idée que tous les tableaux ont été réalisés en même temps et peut-être par le même artiste.


Les scènes de la partie inférieure posent question car elles sortent du cadre ordinaire : on a en effet l’habitude de rencontrer des scènes bibliques. Mais ici,apparaissent des êtres démoniaques qu’on ne s’attendrait pas à retrouver dans des églises. Certes pas très loin de cet endroit, en Suisse, on a le plafond de Zillis, lui aussi décoré d’animaux fantastiques. Certes aussi de nombreux chapiteaux d’églises romanes sont ornés de représentations d’animaux hybrides composant ce que l’on appelle le
« bestiaire roman ». Mais ces animaux hybrides ou peu réalistes sont isolés. Ainsi, un centaure sera présent sur un chapiteau, un lion à queue feuillue sur un autre chapiteau, et une sirène à deux queues sur un troisième. Le manque de lien entre toutes ces représentations nous a fait envisager que ce pouvait être des marques de confrérie ou de familles analogues aux blasons du XIVe siècle dont certains copient les mêmes formes : centaures, lions, sirènes.

Mais les scènes que l’on a ici ne sont pas isolées : elles forment un tout. On y voit un centaure, un sagittaire, des sirènes. Peut-il y avoir un lien entre ces animaux fantastiques ? À moins (idée nouvelle!) que l’ensemble de la représentation symbolise les relations entre les diverses familles ou confréries bien réelles présentes dans la région. Ainsi, la confrérie du centaure se soumettrait à la confrérie de la sirène grecque combattue par la confrérie du sagittaire en présence de la confrérie du chat botté. (image 8).

Quelle que soit l’interprétation que l’on peut donner à cette scène, on est obligé d’admettre que ces représentations ne sont pas l’effet du simple hasard : les images de centaure, de sphinx, de sirène font partie de tout un panthéon de mythes grecs ou romains. Plus que des mythes, ce sont de véritables religions anciennes. Le fait qu’on les trouve sur des sarcophages n’est pas du tout anodin car la mort n’est pas aux yeux des humains quelque chose que l’on néglige. Surtout quand c’est la mort d’un être cher.

En conséquence, le fait que l’on retrouve sur des fresques du XIIe siècle des représentations présentes sur des sarcophages du Ve siècle est significatif de la persistance de croyances sur une période de plus de sept siècles. Nous ne sommes pas certains que les croyances concernant ces animaux fantastiques sont restées les mêmes durant sept siècles, mais il a dû subsister un socle commun que, faute d’une documentation, nous n’arrivons pas à décrypter.

Image 8 : On distingue de gauche à droite, tout d’abord ce que nous appelons une « sirène grecque ». Dans l’antiquité la sirène n’était pas représentée sous la forme d’une femme nue à queue de poisson. Dans les images de vases grecs ou de mosaïques romaines, les sirènes qui charment Ulysse ont des avant-corps de femme et des pattes et ailes d’oiseau. Vient ensuite l’image d’un centaure. Dans de nombreux cas, le centaure est représenté comme chasseur, tirant une flèche avec son arc. Mais ici, le chasseur à l’arc est un troisième personnage, à queue de poisson. Vient ensuite un dernier personnage à tête de chat portant des sortes de bas. Nous l’avons appelé, « le chat botté ». Cet animal fantastique a-t-il inspiré Charles Perrault pour son conte du « Chat Botté » ?

Image 9 : Dans cette image, on distingue, toujours de gauche à droite, un homme à tête de chien semblant dévorer un serpent (nous découvrons cette représentation pour la première fois). Puis vient l’image bien connue de la sirène à deux queues présente dans le bestiaire roman ; nous ne connaissons pas d’image de sirène à deux queues datant de l’antiquité. Le personnage suivant chevauche un animal marin ; l’image est présente dans l’antiquité. Le dernier personnage est un antipode. Cette image aurait été inventée au Moyen-Âge. Les savants de l’époque, de plus en plus conscients de la rotondité de la terre auraient probablement envisagé qu’il y a des hommes de l’autre côté de la Terre. Ils sont donc en sens inverse du nôtre : les pieds en haut et la tête en bas.

Image 11 : Ceci pourrait être la représentation d’une licorne. La licorne a en général un corps de cheval. Mais ici l’avant-corps de cheval est terminé par une queue de poisson.

Image 12 : Représentation d’une chimère à tête de femme, corps d’oiseau, queue de serpent terminée par une tête d’oiseau.


Datation envisagée pour l'église Saint-Jacques de Kastelaz à Termeno : an 1175 avec un écart de 50 ans.