La piève San Giovanni Battista de Ponte allo Spino
Nous n'avons pas visité cette église.
Les images de cette page sont extraites de galeries
d'Internet.
La page du site Internet Wikipédia consacrée à cette église
nous apprend ceci :
« Histoire et description
Mentionné depuis 1189, c’est l’un des édifices romans les
plus intéressants de la région siennoise.
L’église paroissiale a trois nefs divisées par des piliers
cruciformes et conclues par des absides. La dernière
travée de la nef centrale a une voûte en berceau qui est
placée à un niveau plus élevé, déterminant la présence
d’une lanterne, décorée à l’extérieur d’arcs suspendus
contenant des losanges et des cocardes à gradins.
Dans la façade, divisée horizontalement par une corniche,
il y a un portail et une grande fenêtre à une lancette.
Les chapiteaux, très variés dans les représentations, sont
de grande qualité. Le clocher, de style lombard, est
ouvert par des fenêtres à meneaux et des fenêtres à une
lancette. »
Une notice brève du livre Toscane
Romane des éditions
Zodiaque,
écrite par Italo Moretti et Renato Stopani est, quant à
elle, nettement plus détaillée. Elle avance en particulier
une estimation de datation sur laquelle nous reviendrons
(extraits) : « La
piève San Giovanni Battista à Sovicille, plus connue sous
le nom de piève de Ponte allo Spino, est mentionnée depuis
1189, au moment où Clément III en confirme la possession à
l'évêque Buono de Sienne, en même temps que celle du
château de Sovicille voisin. C'est à peu près à cette
époque, dit-on, que remonte la construction de la piève
qui, de toute façon, présente des caractères stylistiques
la situant à cheval sur le XIIe et le XIIIe
siècle. [...] »
Les
pièves
Tout d'abord parlons des « pièves ». Au fur et à mesure de
l'examen des églises de Toscane, nous avons été surpris de
découvrir ce type d'église qui a ceci de particulier que ce
sont des centres paroissiaux relativement importants avec
des églises pouvant accueillir des dizaines de paroissiens
sans qu'il y ait pourtant une concentration d'habitations
autour de ces églises. Il y a des églises … mais pas de
village autour de l'église. Certes, on pense à un habitat
dispersé comme cela existe encore en Bretagne. Mais, en
Bretagne, il y a toujours un « bourg » formé de petites
maisons entourant l'église. Ce qui n'est pas le cas ici.
Nous pensons que dans ce cas particulier de la Toscane (mais
cela peut être pareil dans d'autres régions voisines pour
lesquelles il faudrait refaire des observations), cette
anomalie devait être due à l'interdiction adressée aux
populations, d'origine probablement lombarde ou franque,
d'édifier des agglomérations susceptibles d'être
ultérieurement fortifiées.
Étude de l'architecture de
l'église San Giovanni
D'après le plan de l'image
4 et les images 1,
16, 17 et 18, nous sommes en présence d'une église
à nef à trois vaisseaux avec trois absides en prolongement
de ces vaisseaux. Le plan est donc proche du plan basilical
directement issu de celui des premières basiliques
paléochrétiennes.
Il y a cependant des différences :
– Dans les basiliques paléochrétiennes, il y a en général
une seule abside dans le prolongement du vaisseau central.
Ici il y en a trois, signe d'une construction un peu plus
tardive.
– Dans les basiliques paléochrétiennes, le vaisseau central
est surhaussé par rapport aux vaisseaux secondaires, ce qui
entraîne la construction d'un toit à quatre pentes.
Ici le toit est à deux pentes côté Ouest (images
1, 2 et 3), et à quatre pentes côté Est (images
5 et 6).
– Dans les basiliques paléochrétiennes, le vaisseau central
est en général porté par des colonnes cylindriques
monolithes de type C0000.
Ici, ce sont des piliers rectangulaires de type R1111
(dits cruciformes).
Ces diverses observations font envisager que ce type de
basilique est postérieur à celui des premières basiliques
chrétiennes. L'existence des deux types de toits fait aussi
envisager qu'il y a eu plusieurs campagnes de travaux. Ces
diverses campagnes de travaux, on les découvre aussi dans
des décors extérieurs. Ainsi, le campanile, visible sur l'image 7, porte un décor
d'arcatures lombardes que l'on ne voit pas ailleurs sur
cette église, et la tour-lanterne (image
8) porte aussi un autre décor d'arcatures différent
du premier.
Observons à présent la façade Ouest (image 10) Son parement
est constitué de blocs de calcaire et de marbre
soigneusement taillés, mais assemblés d'une façon disparate
comme une sorte de patchwork, sans aucun rapport avec
l'esthétique du Moyen-Âge qui était toujours à la recherche
d'un ensemble parfaitement structuré et ordonné. D'ailleurs,
la grande fenêtre est plutôt du style du XVIIIe
siècle. On pense donc à une façade reconstituée à cette
période mais à partir d'éléments plus anciens avec des
panneaux sculptés d'un grand intérêt.
Image 11 : En bas
de l'image, une frise à entrelacs dits « carolingiens ».
Au-dessus ,un panneau sculpté avec la représentation d'un
hybride à queue de serpent, aile et avant-corps de mammifère
portant un oiseau. L'image pourrait représenter une sorte de
dragon ou une divinité chthonienne.
Image 12 : En bas
de l'image, la même frise à entrelacs. La scène du dessus
visible sur un panneau sculpté semble plus facilement
interprétable que la précédente : un fauve tenu en laisse
par un homme porteur d'une jupe plissée, une sorte de kilt.
Ce type de jupe est présent sur le tympan de l'église de
Lapeyre (Aveyron/Occitanie/ France). L'image pourrait
symboliser la primauté du pouvoir spirituel sur le temporel.
Image 13 : On
retrouve la frise à entrelacs dits « carolingiens ». En
dessous, une pierre portant une représentation de croix. La
croix est-elle insérée ? Ou simplement peinte ?
Image 14 : On
retrouve la frise mais cette fois-ci, plus d'entrelacs, mais
des motifs que l'on retrouvera sur des chapiteaux, à
l'intérieur.
Image 15 : Le
cloître (image 9)
nous semblait de peu d'intérêt. En examinant de plus près
cette image, nous pensons avoir commis une erreur. Il
semblerait que deux oiseaux situés au sommet picorent une
volute : image à comparer avec l'image
20 de la page consacrée à l'abbaye Sainte-Marie de
Cruas (Ardèche/Auvergne-Rhône-Alpes/France).
Grâce aux images
16, 17 et 18 de l'intérieur, on peut examiner les
piliers cruciformes. Nous rappelons que ces piliers
cruciformes sont obtenus par adjonction à des piliers à
section rectangulaire, des pilastres ou des colonnes
semi-circulaires. Nous avons ainsi défini les types de
piliers. Si le pilier est rectangulaire il est dit de type R0000. En fonction de
l'adjonction d'un pilastre à un côté de pilier, nous
ajoutons un point au dit côté. Le type de pilier est ainsi
défini : REBOC avec E pour Est, B pour Bas-côté, O pour
Ouest et C pour vaisseau Central. Ainsi R0100
signifie que le pilier est rectangulaire avec un pilastre
adossé du côté en direction du collatéral.
Aux débuts de nos recherches, nous nous sommes aperçus que
l'invention architecturale a suivi la progression suivante :
C0000, R0000,
R1010, R1110,
R1111. Avec bien
sûr parfois des hésitations ou des réaménagements. Cette
évolution était liée au voûtement des églises. De plus, nous
avons réalisé qu'une autre innovation, les arcs doubles,
était souvent liée aux types R1010
et suivants.
Nous sommes ici en présence d'une nef à piliers de type R1111. Elle devrait
être voûtée : elle ne l'est pas. Les arcs reliant les
piliers devraient être doubles : ils ne le sont pas !
Nous pensons que la construction de cette nef a débuté après
la construction des nefs à piliers rectangulaires de type R0000. C'est à dire en
début de construction des nefs à piliers R1010,
mais avant l'invention des arcs doubles. À l'origine, cette
nef était entièrement charpentée. Ultérieurement, on aurait
décidé de la voûter en accolant aux piliers centraux des
colonnes demi-cylindriques du côté des collatéraux et du
vaisseau central. On aurait même songé à abaisser le
vaisseau central afin de diminuer la pression des voûtes sur
les murs latéraux. Mais le projet définitif de mise en place
de voûtes n'aurait pas abouti.
Nous n'avons malheureusement pas suffisamment d'images pour
confirmer cette hypothèse. La seule qui nous semble à peu
près crédible est l'image
26. On y
voit en effet, à droite, une corniche horizontale
brusquement interrompe par le tailloir du chapiteau et en
discontinuité avec celui-ci, preuve selon nous, qu'il y a eu
là deux campagnes distinctes de travaux.
Les
chapiteaux
Reprenons le texte du livre Toscane
romane : « [...] Les
chapiteaux de la piève de Ponte allo Spino sont sculptés
de motifs de vannerie, dessins géométriques, figures
humaines (orants et figures symboliques). En outre, de
hauts tailloirs décorés du même type d'ornementation (mais
sur l'un d'eux est représentée une scène de chasse et de
vendange : image
32)
surmontent les chapiteaux. Si, à première vue, les
caractères de cette sculpture semblent lombards, pour
Salvini, le modèle délicat se rattache au goût français,
et plus précisément auvergnat. Du reste, il convient de se
souvenir que, soit par la présence de la via Francigena,
soit par les rapports commerciaux de Sienne avec la
France, l'architecture romane du territoire siennois, est,
en Toscane, la plus influencée par les manières de faire
françaises. »
Commentaires de cette
partie de texte
Notre site contient de nombreuses images de chapiteaux et,
en particulier de chapiteaux français. Il est donc facile à
tout lecteur de repérer à partir de ces images ce que peut
être le « goût
français, et plus précisément auvergnat » et d'en
déduire qu'il est difficile de l'identifier et de faire des
comparaisons avec ce que l'on a ici. En fait, des
comparaisons peuvent être faites (nous en avons fait une
avec Cruas) mais sur un très petit nombre d'édifices qui ne
sont pas tous, loin s'en faut, localisés dans la seule
Auvergne. En fait, nous pensons que les auteurs de ce texte
se sont focalisés sur leurs raisonnements concernant les
datations. Reprenons celui-ci : toutes les églises
conservées en Italie citées avant l'an 1200 sont romanes.
Même celles qui sont citées avant l'an 1000. La plupart de
ces églises ont un plan basilical hérité des basiliques
paléochrétiennes, avec des piliers cylindriques monolithes ;
elles sont postérieures, non seulement à l'an 1000, mais à
l'an 1050 voire 1100. L'église que l'on a ici, témoigne
d'une évolution par rapport à ces églises. Fatalement, elle
leur est donc probablement postérieure, d'où l'affirmation :
« C'est
à peu près à cette époque, dit-on, que remonte la
construction de la piève qui, de toute façon, présente des
caractères stylistiques la situant à cheval sur le XIIe
et le XIIIe siècle... ». Et, en
conséquence, les chapiteaux que l'on a ici doivent dater de
la fin du XIIe siècle. Voilà donc ce
raisonnement... et cette affirmation. Que nous mettons en
balance avec une autre affirmation : le chœur et le transept
de la cathédrale de Noyon datent de 1145 ! (voir sur ce
site).
En fait, tous ces raisonnements sont basés sur des a priori.
Ils ne résistent pas à une analyse objective, et au fait que
ces chapiteaux pourraient être antérieurs à l'an mille. Et
qu'il pourrait y avoir, non un « goût
français » ou un « goût
auvergnat », mais une contemporanéité des styles.
C'est à dire que l'on trouve à d'autres endroits en Europe
des églises construites dans le même style que celle-ci et
édifiées à la même époque.
Images 20, 21, 22 :
Les chapiteaux et tailloirs présentent des motifs
géométriques et des feuilles stylisées.
Images 23, 24 : Un
masque humain apparaît au milieu des feuillages stylisés.
Image 25 : Ici,
c'est un buste d'orant qui émerge des feuillages.
Image 26 : L'orant
(probablement un prêtre) est représenté en entier. Le tracé
de sa robe est typiquement préroman. À côté, des masques
crachent (ou mangent) des grappes de raisin.
Image 27 : Deux
masques humains apparaissent au milieu des feuillages
stylisés.
Image 28 : À
nouveau un masque humain. Les feuilles stylisées qui
encadrent ce masque donnent à l'ensemble l'image d'un orant.
Image 29 : Sur la
corbeille, deux lions à queue feuillue adossés. Sur le
tailloir, deux hybrides affrontés. Ils ont les mêmes
caractéristiques que celui vu sur l'image
11.
Image 30 : Deux
orants encadrant un masque. Ils portent des vêtements
préromans.
Images 31, 32 et 33 d'un
même ensemble. Sur la corbeille, deux hommes nus cueillent
des grappes de raisin sur les pampres. Sur le tailloir entre
deux rameaux de vigne, une chasse au cerf. Ces scènes
apparaissent très ordinaires. En fait, la pampre de vigne
serait symbole d'immortalité. Et, quant à la chasse au cerf,
elle évoquerait un symbole celte. Le cerf, du dieu celte
Cerniers, chassé par un loup, deviendrait loup, puis
ultérieurement reviendrait cerf. Ce serait le symbole d'un
rythme : rythme du jour, rythme des saisons, rythme de la
vie.
Datation
envisagée pour la piève San Giovanni Battista de
Ponte allo Spino : an 900 avec un écart de 50 ans.