L'abbatiale Santa Maria Assunta de Farneta (province d'Arezzo) 

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Nous n'avons pas visité cette église. Les images de cette page sont extraites de galeries d'Internet.

Dans le livre « Toscane romane » de la collection Zodiaque, I. Moretti et R. Stopani la décrivent ainsi (extraits) :

« À l'ordre de Saint-Benoît qui avait une longue tradition dans le diocèse d'Arezzo, appartenaient de nombreuses constructions monastiques de cette région. Parmi celles-ci, l'abbaye Santa Maria à Farneta, remontant au Haut-Moyen-Âge, eut une importance considérable.

Située sur une petite éminence du Val de Chiana
, [...], l'abbaye eut à l'origine un plan en croix latine à nef unique et transept saillant. Il semble cependant qu'au XIVe siècle, l'église fut agrandie et transformée en une église à trois nefs par des arcades brisées aux piliers massifs, pour en revenir ensuite à l'époque moderne, au plan primitif, amputé cependant de la partie principale. [...] »


Commentaires sur cette partie de texte

Par l'allusion, « remontant au Haut-Moyen-Âge », le texte évoque une grande ancienneté qui n'apparaît pas lors d'un examen superficiel de l'édifice. En conséquence, nous pensons qu'il doit exister des documents écrits anciens témoins de cette grande ancienneté. Examinons la suite du texte et confrontons-la aux données architecturales.

« l'abbaye eut à l'origine un plan en croix latine à nef unique et transept saillant ». Cette phrase entre en contradiction avec tout ce que nous avons écrit auparavant. Nous estimons, pour l'avoir vérifié à de nombreuses reprises, qu'à l'origine, toutes les grandes églises à plan orienté étaient à nefs triples ou quintuples (il peut certes y avoir des exceptions qui confirment la règle). De plus, l'invention du transept donnant aux églises un plan en croix serait tardive (dans la période du premier millénaire).

« Il semble cependant qu'au XIVe siècle l'église fut agrandie et transformée en une église à trois nefs par des arcades brisées aux piliers massifs ». D'où vient cette affirmation ? Probablement de l'analyse des murs de la nef. On constate en effet la présence de grands arcs dont certains sont brisés sur les murs gouttereaux de la nef côté Nord, à l'extérieur (images 4 et 5), et, à l'intérieur (images 10 et 11). Il en est de même côté Sud, à l'extérieur (image 6), et à l'intérieur (images 8 et 12). Le raisonnement qui nous est ici proposé : une nef à un seul vaisseau transformée en une nef à trois vaisseaux qui redevient par la suite une nef à un vaisseau semble tout à fait logique. Il ne l'est pourtant pas. D'abord à cause de la multiplicité des formes et des dimensions des arcs. En effet, on s'attendrait à ce que la transformation d'une nef unique en nef triple obéisse à une opération organisée parfaitement structurée avec la construction d'arcs identiques régulièrement répartis. Or ici, on a l'impression d'un bricolage. Une deuxième objection peut être apportée. La transformation d'une nef à un vaisseau en une nef à trois vaisseaux telle qu'elle est proposée ici est stupide du point de vue financier. Dans une nef à un seul vaisseau, les murs latéraux sont fermés (on dit « aveugles »). Dans une nef à trois vaisseaux, les murs latéraux du vaisseau central sont ouverts (de grandes baies situées à la base, protégées par de grands arcs permettent d'accéder aux collatéraux). Pour transformer une nef unique en un vaisseau central d'une nef triple, il faut donc percer de grandes baies dans des murs pleins. L'opération est relativement facile lorsque les baies sont de petites dimensions. Mais pour de très grandes baies, c'est plus complexe car, à tout moment, on risque l'effondrement des parties supérieures. On est alors obligé de placer des étais et de les déplacer au fur et à mesure. Le plus simple et le moins coûteux est de tout détruire et reconstruire à neuf. Il y a enfin une troisième objection. Elle nous est suggérée par le texte, « par des arcades brisées aux piliers massifs ». On y parle de piliers. Ils ne sont pas a priori apparents sur les images mais un examen attentif nous les faites découvrir sur l'image 5. On y distingue? sous les traces bien visibles des arcades? les traits verticaux séparant ces piliers du reste des maçonneries. Il est manifeste que si, initialement, on avait voulu construire un mur fermé, on n'aurait pas construit ces piliers.

Notre hypothèse est celle-ci. À l'origine, on a construit une nef à trois vaisseaux. Le vaisseau central était porté par des piliers massifs à section rectangulaire. La question est de savoir si ces piliers étaient reliés entre par des arcs. Nous pensons que si c'était le cas, il y aurait sur les parois des restes du tracé régulier de ces arcs : la régularité, on la voit pour les piliers mais pas pour les arcs. Nous envisageons qu'à l'origine, c'étaient des linteaux de bois qui reliaient les piliers. La partie supérieure devait être analogue à celle des maisons à pans de bois datées du XVe siècle (mais bien antérieure à celle-ci). Ultérieurement, les murs extérieurs des collatéraux auraient été élevés et on aurait muré les parties inférieures jusqu'au sommet des piliers. Plus tard encore, on aurait construit les arcs brisés afin de ménager des ouvertures supérieures.

Il ne s'agit là que de spéculations, mais il nous semble que les différences d'appareil biens visibles sur les façades permettraient d'en savoir plus.


Poursuivons la lecture du texte du livre « Toscane romane » :

« [...] Heureusement, la crypte au-dessous (image 13), récemment remise en état, a conservé un plan semblable (à la partie supérieure); elle est divisée en petites nefs par de grosses colonnes de remploi, aux chapiteaux également remployés venant de constructions romaines (à part quelques une de facture grossière (images 14 et 15) sur lesquels retombent les puissantes voûtes d'arêtes de la couverture selon l'antique tradition ; un tel trait est significatif pour un essai de datation de ces structures que l'on peut situer aus alentours du Xe siècle, comme le confirme encore le fait d'une absidiole opposée à l'abside centrale “selon des exemples analogues du Haut-Moyen-Âge” (Salmi). 

L(église et le petit musée qui lui est adjoint conservent quelques vestiges ayant fait partie jadis de l'abbaye (chapiteaux romans, venant sans doute du cloître ou du clocher
(images 16, 17 et 18). [...] »


Commentaires sur cette partie de texte

Contrairement à ce que l'on a tendance à imaginer, les cryptes ne sont pas antérieures aux églises mais plutôt postérieures. Une telle affirmation semble apparemment stupide : les parties basses sont construites avant les parties hautes. Mais ce sont les murs extérieurs qui sont construits avant et ce qui nous intéresse dans une crypte, c'est ce qu'il y a à l'intérieur : les colonnes, les chapiteaux, les voûtes. Or tout cela a pu être apporté après la construction de l'extérieur. En fait, une crypte est une sorte de mezzanine. L'aménagement d'une mezzanine consiste à construire un plancher horizontal à l'intérieur d'une salle de grande hauteur. Construire une crypte n'est pas difficile et ne nécessite pas de gros efforts de construction, car il suffit d'aménager des structures permettant de porter un plancher léger et, qui plus est, à l'abri des intempéries. En conséquence, il suffit de placer aux bons endroits des colonnes et des chapiteaux récupérés ailleurs et d'installer au-dessus des voûtes de petites dimensions. Le motif des chapiteaux a peu d'importance car la crypte est en général peu éclairée et tous les regards se portent sur les reliques.

Les auteurs nous disent que cette crypte est du Xe siècle. Nous en sommes beaucoup moins convaincus car les murs extérieurs de cette crypte sont la base d'une construction en lien direct avec le transept qui, selon nous, a été édifié en remplacement d'un chevet préexistant. La datation de ce transept serait du XIe-XIIe siècle. En conséquence, la crypte serait contemporaine ou postérieure à cette période.

« comme le confirme encore le fait d'une absidiole opposée à l'abside centrale ». Cette phrase est pour nous importante. Elle signifierait qu'il existerait une contre-abside probablement identifiée dans des parties disparues. Les églises contenant des contre-absides sont rares. Elles sont principalement situées dans les parties du Nord de l'Europe. Surtout, on les trouve dans des églises dites « impériales ». Nous pensons qu'elles étaient financées et utilisées par les princes qui pouvaient y réserver leurs sépultures. Le fait qu'il y ait eu une contre-abside témoigne de l'importance que l'édifice pouvait avoir. Autre marque de cet importance : le fait que cette église ait été dédiée à Notre-Dame de l'Assomption, faisant envisager qu'avant d'être une abbatiale, elle a pu être une piève ou même une cathédrale.


Datation envisagée pour l'abbatiale Santa Maria Assunta de Farneta : an 850 avec un écart de 150 ans.