La chiesa Santa Trinita ou la Magione de Palerme
Lors de notre voyage en Sicile en
février 2005, nous avons eu l'occasion de voir cette église,
mais seulement son extérieur. Les images
1 et 2 de cette page ont été prises lors de cette
visite. Les autres photographies ont été recueillies à
partir des galeries d'images d'Internet.
Cette église a fait l'objet d'une notice brève écrite par
Giovanella Cassata et Gabriella Costantino, chargées de
mission auprès de la Soprintendenza ai Bieni Artistici de
Palerme, dans l'ouvrage Sicile
Romane de la collection Zodiaque.
Nous en reproduisons ici des extraits :
« L'église
se trouve au bout de la via Magione. Elle fut fondée sans
doute en 1191, par Matthieu d'Ajello, chancelier du roi
Tancrède. Cette église cistercienne est appelée
filia (fille)
de celle du Saint Esprit, édifiée de 1173 à 1178. Mais de
nombreux archéologues s'accordent pour la dater des
environs de 1150. À l'origine, elle fut confiée aux
cisterciens et ensuite, lorsque ceux-ci l'abandonnèrent,
Henri VI (roi de Sicile de 1194 à 1197)
la donna à l'ordre séculier des chevaliers teutoniques qui
en firent leur maison. [...]
[...] Dans
l'abside centrale, la triple rangée de colonnettes de part
et d'autre souligne encore un élan vertical marqué, de
saveur prégothique. Le plafond en bois a été refait. [...]
Du cloître primitif du XIIe siècle, demeure la
galerie septentrionale adjacente à l'église (image 5). [...] »
Commentaires sur ce texte
Notons d'abord la confusion, rencontrée en de nombreuses
reprises, entre « fondation » et « construction » : on fonde
une communauté ; on ne fonde pas une église, on la
construit. Lorsqu'on fonde une communauté, on ne construit
pas forcément en même temps l'église de cette communauté.
Tous les cas sont possibles : construction d'une église
avec, par la suite, installation d'une communauté pour
assurer le culte dans cette église ; ou fondation d'une
petite communauté qui, s'agrandissant, construit une grande
église. On a ici le cas de plusieurs fondations avec une
fondation des chevaliers teutoniques qui suit une fondation
cistercienne. Mais nous ne sommes pas certains qu'il n'y ait
que celles-là. Nous savons qu'il y a eu ces deux-là, car les
documents qui ont été conservés nous l'apprennent. Mais
n'y-a-t-il pas eu des fondations antérieures ? C'est la
question que nous nous posons vis-à-vis des fondations
cisterciennes. On constate que leur diffusion a été très
rapide en Europe. Très rapide ? Ou trop rapide ? En parlant
de « trop rapide », nous émettons l'idée qu'une partie des
abbayes cisterciennes ne seraient pas des abbayes
nouvellement créées, mais d'anciennes abbayes principalement
bénédictines, qui auraient adopté la réforme cistercienne.
Dans le cas concret de la Magione, cela signifie que cette
abbaye pourrait être plus ancienne que 1191 (ou 1150). Elle
aurait appartenu à une autre ccommunauté que les
cisterciens. Cette communauté aurait été remplacée par les
cisterciens, eux-mêmes remplacés par les chevaliers
teutoniques. Bien sûr, aucun document ne signale l'existence
d'une communauté ayant précédé les cisterciens. Mais aucun
document ne signale son inexistence. Dans des cas comme
celui-là, le seul moyen de s'en sortir est l'étude des
bâtiments.
Nous ne disposons pas d'un plan de ce bâtiment. Cependant,
l'image 4 vue par
satellite permet d’identifier deux, voire trois corps de
bâtiment, probablement construits à des époques différentes.
Les autres images sont quant à elles peu explicites. Nous
pensons cependant que cette église a subi d'importantes
réfections.
L'explication qui nous est donnée des trois étages de
colonnettes qui ornent l'abside centrale (images
6 et 7) est certes très poétique, « [...] Dans
l'abside centrale, la triple rangée de colonnettes de part
et d'autre souligne encore un élan vertical marqué, de
saveur prégothique.», mais assez peu convaincante.
Il doit y avoir une autre explication. Nous proposons
celle-ci, plus pragmatique. Ces colonnettes donnent
l'impression qu'il y a eu, non la volonté de créer un « élan
vertical », mais des étages. L'idée est donc
qu'il pouvait y avoir des plafonds de séparation et que ce
chevet pouvait être séparé en trois étages. Cette idée peu
paraître totalement farfelue, mais si on observe les images 2, 3 et 6 de
l'extérieur, on constate que les rangées de fenêtres
permettent d'imaginer l'existence d'étages : 3 pour le
transept, 2 pour le collatéral Sud de la nef. Il nous faut
donc envisager que cette église ait pu servir de local
d'habitation pour les moines. C'est en tout cas ce que nous
avions envisagé pour des églises d'Auvergne aux transepts
démesurés.
Nous déduisons de ces observations que l'ensemble des
transformations n'a pu se faire en un seul siècle, le XIIe
siècle.
Datation
envisagée pour la Magione de Palerme : an 1050 avec
un écart de 100 ans.