La chiesa Santo Spirito de Palerme
Nous n'avons pas visité cette église.
Les images de la présente page ont été recueillies sur
Internet.
Cet édifice a fait l'objet d'une description détaillée
écrite par Gabriella Costantino, chargée de mission auprès
de la Soprintendenza ai Bieni Artistici de Palerme, dans
l'ouvrage Sicile
Romane de la collection Zodiaque.
Nous en reproduisons ici des extraits :
« La
tradition veut que l'église et le monastère du
Saint-Esprit aient été construits en 1173 et que, tandis
qu'au lieu choisi on creusait les fondations, on ait
trouvé en cet endroit un immense trésor ; les documents
existants incitent cependant à placer la date de
l'ensemble entre 1177 et 1178. L'église et le monastère
furent de toute façon édifiés sous le règne de Guillaume
II le Bon, par l'archevêque de Palerme Walter of the Mill
(Gautier du Moulin), à environ 1 km des anciennes
murailles de la ville. Consacrée en 1178, l'église ainsi
que le couvent furent confiés aux moines cisterciens venus
du monastère de Sambucina, en Calabre. [...] »
Commentaires sur ce texte
: « les
documents existants incitent cependant à placer la date de
l'ensemble entre 1177 et 1178. ». Nous aimerions
bien connaître quelle est la nature de ces documents ainsi
que leur texte exact. Il est certain que dans un livre, même
bien documenté, on ne peut pas tout écrire. Mais, en la
circonstance, et sachant que pour la plupart des autres
églises, les informations sont très parcellaires, il nous
semble important de connaître les raisons d'une datation à
l'année près. Cela étant, par expérience, nous savons que
ces justifications sont le plus souvent d'une grande
fragilité. Par la suite, Mme Costantino n'identifie pas une
anomalie de construction. Lisons la : « [...] Le
plan de l'église, avec ses trois absides semi-circulaires,
est caractéristique et commun à l'architecture locale ;
dans cette église cependant, l'extérieur du transept
dépasse davantage le corps des nefs. En effet, le plan de
l'église (image 6),
tout en étant semblable à celui des cathédrales
contemporaines (fusion du plan centré et du plan
original), présente une structure centrée très marquée au
sanctuaire. L'intérieur, en croix latine, avec un vaste
sanctuaire à trois absides, surélevé par rapport au corps
longitudinal, est à trois nefs séparées par des arcades
légèrement brisées, aux robustes piliers maçonnés, de
forme cylindrique dans les nefs et carrée dans le
sanctuaire. [...] ». Tout semble clair et si nous
interprétons correctement son texte, l'église, dans son
ensemble, et le monastère, furent de toute façon édifiés
sous le règne de Guillaume II le Bon, c'est-à-dire en moins
de vingt ans. Or un simple examen du plan de l'image
6 suffit pour affirmer qu'on n'est pas en présence
d'un seul projet de construction mais de deux. Le transept
surdimensionné s'apparente plus à une nef qu'à un transept.
Et dans ces conditions, pourquoi créer deux nefs si
différentes ? Et de styles différents : colonnes et arcs en
plein cintre dans l'une, piliers rectangulaires et arcs
brisés dans l'autre. Il faut bien comprendre qu'à l'heure
actuelle encore, lorsqu'un architecte élabore un projet de
construction, il essaie de s'y tenir et de conserver le
style durant toute la construction. C'était encore plus vrai
au Moyen-Âge pour la construction des églises. Celles-ci
devaient être à l'image de la perfection. Or le plan que
nous avons ici ne témoigne pas de cette perfection. Les deux
parties de l'église ont fait selon nous l'objet de deux
campagnes de construction distantes d'au moins 50 ans.
Une succession de campagnes de construction plutôt qu'une
construction unique en moins de 20 ans.
Voilà donc ce que nous imaginons. La première campagne de
construction a concerné la partie de nef côté Ouest. Les
raisons qui nous font envisager cela sont les suivantes :
les arcs en plein cintre sont selon nous antérieurs aux arcs
brisés ; la nef est de type « basilical », hérité des
premières basiliques romaines ; elle est plus étroite que le
transept ; le transept est une invention tardive du premier
millénaire.
Cette nef primitive devait être prolongée d'un chevet à une
ou trois absides. Lors de la construction du transept et des
trois nouvelles absides, ce chevet primitif a été supprimé.
Quand au transept, s'agit-il bien d'un transept ? Madame
Costantino a bien fait de remarquer que son plan est centré
carré. Donc différent des transepts usuels donnant à
l'église une forme de croix. Ce transept pose donc question.
Nous pensons que les donneurs d’ordre d'édifices à plan
centré voulaient manifester leur indépendance vis-à-vis de
certaines autorités : roi, pape, etc.
Nous devons à présent nous poser la question de la datation.
Immédiatement, on est confronté à la situation suivante :
hormis le décor des parties extérieures (façades Nord et
chevet : images 1, 2 et 3)
qui pourrait dater du XIIe siècle, tout dans
cette église semble antérieur à l'an 1071. Et donc
éventuellement construit durant la période musulmane. On se
heurte aussitôt à l'objection : « Il n'est pas possible
qu'un monument chrétien soit construit dans une ville
occupée par des musulmans ». Cette objection n'est cependant
pas tenable au regard de certains faits. Actuellement, on
construit des églises chrétiennes dans des villes à majorité
musulmane, et on construit des mosquées musulmanes dans des
villes à majorité chrétienne. Certes, lorsqu’il existe de
forts clivages entre les communautés, ce n'est pas possible.
Mais nous ne sommes pas certains qu'il y ait eu de tels
clivages durant tout le premier millénaire. Et d'ailleurs,
divers écrits témoignent d'alliances entre chrétiens et
musulmans pour combattre un ennemi commun, chrétien ou
musulman.
Nous avons dit que la nef aux piliers cylindriques pouvait
précéder le transept aux piliers rectangulaires de type R0000. Et ce, au
minimum d'une cinquantaine d'années. Cela pourrait être une
règle générale. Mais nous n'en sommes pas certains. Ce
d'autant qu’il est parfois difficile de différencier les
nefs d'origine des nefs restaurées, voire totalement
refaites à l'identique de celles d'origine.
Le transept fait apparaître une nouvelle énigme. Jusqu'à
présent, nous avons estimé que toutes les nefs à plan
basilical et entièrement charpentées, et à piliers de type C0000 ou R0000,
étaient les plus anciennes (antérieures à l'an 800). Les
arcs reliant les piliers étaient en plein cintre. Nous
avions rencontré très peu d'églises à arcs brisés. Nous
estimions que l'arc brisé qui a été longtemps considéré
comme signe distinctif de l'arc gothique, était apparu
tardivement à l'époque romane. Le transept vient bouleverser
cette idée car il semblerait à première vue qu'il y ait
coexistence de caractères archaïques (églises non voûtées,
absence de chapiteaux sculptés) et d'autres cratères plus
récents (arcs brisés). Cependant une idée commence à
poindre. Il est possible que l'arc brisé soit plus ancien
qu'on ne se l'imagine. Nous avons constaté une plus grande
fréquence dans les pays à influence arabe (arcs
entrecroisés, arcs brisés). Il est possible qu'au moment où,
du côté occidental, on inventait l'arc double, du côté
oriental on inventait l'arc brisé. Cette idée, qui ne fait
qu'émerger, doit être approfondie par d'autres observations.
Datation
envisagée
Pour la première campagne de travaux (nef à piliers
cylindriques) de la chiesa Santo Spirito de Palerme : an 750
avec un écart de 200 ans.
Pour la deuxième campagne de travaux (transept et chevet) de
la chiesa Santo Spirito de Palerme : an 950 avec un écart de
100 ans.
Pour une troisième campagne de travaux (embellissement des
façades) de la chiesa Santo Spirito de Palerme : an 1175
avec un écart de 75 ans.