La chiesa San Giovanni degli Eremiti de Palerme
Lors de notre voyage en Sicile en
février 2005, nous avons eu l'occasion de voir cette église,
mais seulement son extérieur. Nous n'avons pas vu sur
Internet d'image de l'intérieur.
Cet édifice a fait l'objet d'une description détaillée
écrite par Giovanella Cassata, chargée de mission auprès de
la Soprintendenza ai Bieni Artistici de Palerme, dans
l'ouvrage Sicile
Romane de la collection Zodiaque.
Nous en reproduisons ici des extraits :
« Histoire : Déterminer
de façon précise la date de construction de
Saint-Jean-des-Ermites n'est pas facile, étant donné
l'existence présumée d'édifices antérieurs sur le même
site. Il semble en effet que là où s'élève aujourd'hui
notre église, ait existé à la fin du VIe siècle
un grand monastère dédié à saint Hermès, dont la
construction fut décidée par saint Grégoire-le-Grand.
Quand les Arabes vinrent en Sicile, le monastère fut
détruit et, à sa place, on édifia une mosquée musulmane
dont on voit encore la trace aujourd'hui. La mosquée subit
un sort analogue lorsque commença la domination normande.
Pour cerner avec une approximation suffisante la date de
la fondation de l'église voulue par le roi Roger, un
document présente un intérêt particulier : la charte de
donation de ce roi, datée de 1148 – bien
qu'aujourd'hui les spécialistes discutent de son
authenticité – où il est dit que l'église fut érigée “sumptibus,
propriis et laboribus”
(par ses soins et à ses dépens).
L'église fut d 'abord confiée aux moines d'une petite
communauté ascétique de Monteverdine, aux environs
d'Avellino (Campanie), gouvernée par Guillaume de Verceil
et Jean de Nusco, fondateurs de l'ordre. Certainement
donc, la construction de l'édifice normand ne peut être
antérieure à 1142, étant donné qu'en cette année mourut
Gullaume de Verceil et que ce fut seulement après sa mort
que l'église fut effectivement confiée à ses disciples. Le
nom de l'église vient de ces moines appelés“ermites”parce
que leur règle imposait l'érémitisme. »
Commentaire de ce texte
: il donne une impression de décousu, d'artificiel, de
factice. Comprenons qu'il ne s'agit pas pour nous de
critiquer son auteure, Giovanella Cassata. Cette dame n'a
sans doute fait que répercuter les dires d'auteurs
antérieurs et elle se serait probablement fait « taper sur
les doigts » si elle avait émis des avis contraires. Mais
qu'est ce donc qui peut nous donner cette impression de
factice ?
Il y a d'abord le ton affirmatif : «
église voulue par le roi Roger », « Quand
les Arabes vinrent en Sicile, le monastère fut détruit
», « La
mosquée subit un sort analogue ». Un ton affirmatif
qui ne semble pas s'appuyer sur des documents authentiques.
À savoir un texte d 'époque signalant que Roger II voulait
cette église, un autre racontant que le monastère a été
détruit par les Arabes, et un autre encore mentionnant que
la mosquée arabe a été détruite par les normands. Il faut
remarquer ensuite que ces affirmations induisent des
conséquences logiques : si Roger II voulait cette église,
c'est qu'il voulait qu'elle soit construite et donc avant
Roger II, elle n'était pas encore construite.
Quant aux destructions d'églises ou de mosquées, elles sont
systématiques avant l'an mille. Les barbares ont tout
détruit ! C'est du moins les historiens qui le disent. Au
point même qu'il faudrait se poser la question : pourquoi
une telle folie destructrice ? En fait, le lecteur le devine
: il n'y a pas eu de folie destructrice. Il y a eu certes
des disparitions de monuments, mais le plus souvent par
remplacement d'un monument par un autre et non par folie
destructrice.
Effectuons à présent un essai de datation par un examen de
l’architecture.
Notons d'abord que dans sa description du site, Madame
Cassata nous parle des restes de la mosquée musulmane. Nous
avouons ne pas avoir été convaincus par ses explications et
sur la planche 33 du livre Sicile
Romane, montrant une vue intérieure de cette
mosquée, nous avons plus l'impression d'être en présence
d'une salle du XIIIe voire XIVe siècle
que d'une mosquée antérieure à l'an mille.
Examinons à présent l'église. D'après le plan de l'image
1, nous
pensons voir deux séquences de constructions.
La partie la plus ancienne serait le chevet à trois absides.
Une nef à trois vaisseaux devait être placée dans le
prolongement des absides. Cette nef aurait été remplacée par
l'actuelle nef : une nef unique à deux travées.
Le chevet, à une seule abside
proéminente, les deux autres étant insérées dans la
maçonnerie, est analogue à celui de San Cataldo (page
précédente). D'où notre évaluation :
Datation envisagée
pour la chiesa San Giovanni degli Eremiti de Palerme : an
850 avec un écart de 250 ans.
Le cloître (image 6).
C'est un très beau cloître. Mais nous l'estimons du XIIIe
ou du XIVe siècle, donc hors de notre domaine
d'étude.