La Chiesa San Pietro e Paolo d’Agrò de Casalvecchio Siculo
Nous n'avons pas visité cette église
lors de notre voyage en Sicile en février 2005. Les images
ci-après sont extraites d'Internet.
Elle a fait l'objet d'une description détaillée écrite par
Giovanella Cassata, chargée de mission auprès de la
Soprintendenza ai Bieni Artistici de Palerme, dans l'ouvrage
Sicile
Romane de la collection Zodiaque.
Nous en reproduisons ici des extraits :
«
Histoire : L'église
Saint-Pierre et Saint-Paul est de datation incertaine ; de
fait, les seules dates connues (1116 d'après un acte de
donation de Roger II et 1172 dans une inscription) parlent
de reconstruction et non de fondation. On lit dans le
document que le monastère basilien fut reconstruit sur
l'ordre du comte Roger II à l'emplacement d'un monastère
plus ancien, à la demande du moine Gérasime. Ce que nous
apprend un tel document se trouve en désaccord avec
l'inscription grecque gravée sur les claveaux de
l'archivolte du portail principal de l'église (image 5). Elle
nous dit en effet qu 'en 1172 l'église fut, non pas
reconstruite, mais rénovée à ses frais par Théostéricte,
catéchumène de Taormine. On y dit encore que de tels
travaux furent exécutés par le proto-maître Gérard le
Franc qui reste l'unique constructeur de l'époque normande
sur lequel il nous reste un témoignage. »
Petit commentaire sur ce texte : «
les seules dates connues... parlent de reconstruction et
non de fondation ». Cette partie de phrase témoigne
d'une confusion entre les mots de « construction » et de «
fondation ». Le mot « construction » est appliqué à un objet
ou un bâtiment. Le mot « fondation » concerne une communauté
humaine. Si on fait la comparaison avec la situation,
confondre les deux notions signifierait qu'une usine et la
société qui gère la production de cette usine sont
identiques. Or on sait qu'il n'y a pas coïncidence des
datations : l'usine peut avoir changé de production, la
société gestionnaire peut aussi être remplacée par une
autre. D'ailleurs, pour en revenir au texte lui-même, il
nous révèle qu'il n'y a pas une qu'une fondation mais au
moins trois : une première, dite basilienne, avant
l'intervention de Roger II, une seconde provoquée par la
reconstruction de Roger II, et une troisième provoquée par
la donation de Roger II.
« Ce
que nous apprend un tel document se trouve en désaccord
[...] ». Nous ne voyons pas où il peut y avoir désaccord.
Autant nous sommes réticents lorsque nous apprenons que sur
un même monument, il a pu y avoir 4 ou 5 étapes distinctes
de travaux en un seul siècle, autant nous estimons possible
qu'un édifice puisse être rénové cinquante ans après sa
construction initiale. Et, dans le cas présent, 56 ans
séparent 1172 de 1116.
Cet édifice est un peu surprenant. Si on
analyse l'image 2, on s'aperçoit que le
décor révèle plusieurs éléments distinctifs. C'est un décor
polychrome, avec alternance de pierres et de briques, avec
un bandeau formée de briques disposées en « arêtes de
poissons ». Une série d'arcs entrecroisés soutient la
corniche de bord du toit.
En ce qui concerne le plan global de cet édifice, les
principaux éléments qui le caractérisent sont les suivants :
1. Sa nef est formée de trois vaisseaux. Le vaisseau central
est charpenté (hormis pour les coupoles selon nous plus
tardives). Les vaisseaux secondaires sont voûtés d'arêtes.
2. Le vaisseau central est porté par des piliers
cylindriques de type C0000.
3. Les arcs reliant les piliers sont en plein cintre et à un
seul rouleau.
4. Il n'y a pas de transept.
Ajoutons à cela que l'image
8 révèle un plan de nef à trois vaisseaux avec
trois absides en prolongement des vaisseaux. Ce type de plan
est très répandu. Il précède le plan d'édifices avec
transept et absides séparées. La fréquence de ce type de
plan fait penser qu'il a été utilisé durant plusieurs
siècles dont une partie durant le premier millénaire.
À cela s'ajoute le fait que l'abside principale est à plan
rectangulaire. La base des murs du chevet conforme à ce plan
montre que ce n'est pas le résultat d'une erreur. La rareté
des absides à plan rectangulaire fait envisager une haute
datation pour l'édifice initial.
À la fin de son texte relatif à la
visite de cette église, Giovanella Cassata conclut ainsi : «
Ce
qui résulte avec évidence de la visite de l'église, c'est
que, du point de vue du style, elle représente une
magnifique synthèse de motifs empruntés à divers modes
d'architecture. En particulier, l’influence arabe est
visible dans la masse bien découpée de l'édifice, dans la
présence d'arcs brisés, dans les petites coupoles
construites sur des trompes superposées, et dans le
couronnement crénelé. Typiquement byzantins sont par
contre l'emploi des arcs entrecroisés sur les murs
externes, l'appareil de briques diversement agencées, et
l'usage de coussinets sur les chapiteaux. »
Nous avouons être moins sensibles que l'auteure à «
l'évidence » résultant de la visite de cette église. Certes
nous envisageons que l'arc brisé a pu être inventé par les
mozarabes ou les arabes avant l'an mille, mais, par manque
de sources comparatives, nous n'avons aucune certitude.
Quant aux arcs entrecroisés, nous en avons vus dans le Sud
de l'Italie et en Sicile, mais nous les attribuons à une
période relativement tardive, le XIIe siècle,
durant laquelle les byzantins avaient pratiquement disparu
de la péninsule. Cela étant, notre connaissance des arts
byzantin et arabe est insuffisante pour nous faire une
opinion et la communiquer.
Datation de la Chiesa San
Pietro e Paolo d’Agrò de Casalvecchio Siculo
Nous envisageons une construction en plusieurs étapes.
Avant Roger II : un édifice à plan basilical avec une nef à
trois vaisseaux avec trois absides en prolongement (plan
actuel mais avec peut-être plus de travées et pas d'ouvrage
Ouest). Les trois nefs sont charpentées. Le vaisseau central
est porté par des colonnes monolithes : an 750 avec un écart
de 200 ans.
Les travaux de Roger II : Avant 1116, Roger II, constatant
sans doute l'état de délabrement du monument, décide de le
reconstruire. Mais il garde le plan primitif et sans doute
des murs ou des bases de murs. Cet édifice est reconstruit
un peu dans le style de l'époque (Jumièges, vers 1050
possède une nef à vaisseau central charpenté et collatéraux
voûtés d'arêtes) : an 1100 avec un écart de 25ans.
Les travaux de 1172 : Nous pensons que ces travaux de
rénovation ont pu concerner le parement des murs
(polychromie et arcs entrecroisés). Les deux coupoles ont pu
être faites à cette occasion. Le parement des murs
correspond bien selon nous à une rénovation : an 1175 avec
un écart de 25ans.