L'église San Michele de Borgo d'Ale 

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Selon la page du site Internet « Chiese Romaniche e Gotiche del Piemonte » relative à cette église, page écrite en italien et obtenue en français par un programme de traduction automatique :

« Période prédominante : XIIe siècle.

Généralités : érigée au VIIIe siècle, reconstruite entre 1050 et 1075 dans le village de Clivolo, puis abandonnée pour fonder Borgo d’Ale, elle s’est délabrée, a été modifiée à l’époque baroque et été restaurée en 1897 et 1970.

Extérieur : absides à arcs suspendus
(arcatures “lombardes”) reposant sur des petits corbeaux décorés.

Intérieur :  à deux nefs, l'église conserve des vestiges intéressants de fresques des XI
e-XIIe siècles. Dans le dernier sous-arc à gauche, une bande décorative avec des saints (dont celui de l'image 8), et la Main de l’Éternel (image 9) dans des disques circulaires ; dans l’abside centrale, la Vierge et quatre Apôtres (images 6 et 7). »


Nous n'avons pas visité cette église. Les images qui figurent sur cette page ont pour source Internet.

La question se pose de savoir d'où proviennent les justifications des affirmations « érigée au VIIIe siècle », « reconstruite entre 1050 et 1075 ». Probablement de documents écrits. Mais ces documents ont-ils été correctement interprétés ? Nous savons, par expérience, que l'on fait souvent dire à de tels documents ce qu'ils ne disent pas. Ainsi, une église seulement citée au VIIIe siècle peut devenir une église construite au VIIIe siècle. Et une église, seulement restaurée entre 1050 et 1075, peut devenir une église entièrement reconstruite entre ces deux dates.


Mais étudions l'architecture de cet édifice. Nous notons d'abord que la nef est formée de deux vaisseaux de dimensions différentes. Cette disposition est tout à fait anormale pour une église censée dater du XIIe siècle. Il faut bien comprendre que, pour les périodes antérieures au XXe siècle, les églises devaient être symboliques de perfection. Et cette perfection, les constructeurs des églises nouvelles voulaient l'exprimer dans l'architecture des églises, dans la symétrie ou la régularité des formes : symétrie par rapport à l'axe central (le plus souvent Est-Ouest), régularité dans l'identité des travées d'une nef. Bien sûr, au fur et à mesure du temps, par suite des destructions ou des modifications, cette perfection a pu disparaître. Mais si on s'efforce un tant soit peu de la reconstituer à partir des éléments restants, on peut retrouver l'édifice primitif.

Prenons par exemple le cas d'une nef orientée Est-Ouest. Elle peut être à un, deux ou trois vaisseaux. Si elle est à un vaisseau, pour être considérée comme parfaite, elle doit être à plan rectangulaire, l'axe médian étant orienté Est-Ouest. Si elle est à deux vaisseaux, obligatoirement les deux vaisseaux doivent être identiques (le cas est rare mais nous l'avons constaté à deux ou trois reprises sur plus de 1700 monuments). Si elle est à trois vaisseaux, le vaisseau central est plus grand que les deux autres qui sont identiques. Le plan est dit « basilical ».

Revenons à cette église dont la nef est à deux vaisseaux non identiques. Il y a deux possibilités : soit la nef primitive était à un vaisseau et il y a eu ajout ultérieur d'un autre vaisseau. Soit elle était à trois vaisseaux et il y a eu suppression d'un vaisseau. Nous penchons pour la deuxième possibilité. La nef primitive était à trois vaisseaux. Il resterait le vaisseau central et le collatéral Nord (à gauche sur l'image 5). Le mur Sud (image 3 et à droite sur l'image 5) serait le résultat d'une restauration après la disparition de la partie Sud. L'église ainsi reconstituée aurait été formée d'une nef à trois vaisseaux charpentés. Le vaisseau central était porté par des arcs en plein cintre à simple rouleau. Ces arcs étaient soutenus par des piliers de type R0000. Tout ceci, ajouté à l'absence de transept, permet d'envisager une haute datation (an 700 avec un écart de 200 ans).


Les fresques

La datation des fresques est un exercice très difficile. D'une part, il faut savoir que selon nous, les églises du Premier Millénaire devaient être couvertes de fresques. D'une part, les témoignages sont nombreux. D'autre part, les décors sculptés sont relativement rares par rapport à ceux des églises romanes (XIe etXIIe siècles). Ce qui signifie qu'il devait y avoir un autre moyen de décorer les églises. Et, à défaut de mosaïques d'un coût important, les fresques devaient être largement utilisées. Mais les fresques sont fragiles, leur support peut se détériorer (humidité, incendies) et la lumière naturelle les décolore. En conséquence, elles sont facilement remplacées. Aussi doit-il être très difficile de retrouver des fresques antérieures à l'an mille (hormis lors de fouilles comme à Pompéi).

Nous pensons que les fresques de cette chapelle sont anciennes, sans doute antérieures à l'an 1100. Peut-être plus anciennes encore. La présence d'un cortège de saints ou d'apôtres en bas et sur le côté de l'abside (images 6 et 7) fait penser à des cortèges de saints des mosaïques de Ravenne. Mais c'est surtout le décor de l'intrados d'un arc qui attire notre attention (images 8 et 9). On retrouve l'expression du visage du saint de l'image 8 sur des peintures dites « paléochrétiennes » (dans le cas présent, ce serait postérieur à cette période). Quant à la « main de Dieu » de l'image 9, elle est toute différente des « mains de Dieu » des périodes postérieures à l'an mille. Ces dernières sont orientées vers le sol, sortant d'un nuage céleste et lançant des rayons. Celle-ci est dressée vers le haut comme s'il s'agissait d'un sceptre avec la position très caractéristique des doigts qu'on retrouve sur des sculptures romaines (sarcophage de saint Aphrodise) : pouce, index, majeur, levés, annulaire et auriculaire baissés.


Datation envisagée pour l'église San Michele de Borgo d'Ale : an 700 avec un écart de 200 ans.