La basilique San Gregorio Maggiore de Spolète
La page, écrite en italien, du site
Internet Wikipedia décrivant cette basilique, nous apprend
ceci :
« La tradition : Selon
la tradition hagiographique locale, l’église a été érigée
en l’honneur du prêtre martyr de Spolète, Grégoire, qui,
après torture et emprisonnement, a été condamné à la
décapitation, pendant la persécution des chrétiens sous
l’empire de Dioclétien et de Maximien. Exécuté dans
l’amphithéâtre romain voisin, vers l’an 304, son corps fut
recueilli, avec les restes d’autres martyrs, par une veuve
locale appelée Abbondanza, qui fonda un cimetière chrétien
et une première église dans la zone où se trouve
actuellement la basilique.
Environ quatre siècles plus tard, une autre femme,
également nommée Abbondanza, rénovait le bâtiment sacré.
Cette circonstance est certaine, compte tenu de la
présence de divers fragments préromans conservés sur
place, dont un pluteus du VIII e siècle
toujours visible à droite de la chapelle des Innocents,
ainsi que de la découverte d’os humains dans les années
1904 et 1935, lors de la refonte du pavage de la place en
face.
Certaines reliques du saint ont été prélevées à
différentes époques depuis le X e siècle; il
est en effet également vénéré à Cologne, Metz, Verdun,
Crémone, Lussingrande (localité de Croatie) et Florence.
La construction :
Un bâtiment de culte préexistant a été réédifié dans une
zone du cimetière paléochrétien. Deux inscriptions portant
deux dates importantes sont visibles à l’intérieur de la
basilique : 1079 et 6 août 1146. La première rappelle
l’année de début des travaux, la deuxième année, le mois
et le jour de la consécration par six évêques.
La majeure partie du bâtiment est datable entre l’année de
début des travaux et la consécration, une période
d’environ 67 ans. »
Nous n'avons pas visité cette église. Les images qui suivent
ont pour source Internet.
Étudions tout d'abord le texte ci-dessus en commençant par
le paragraphe intitulé « La
tradition ». Quel crédit doit-on apporter
à celui-ci ? On a trop souvent eu un comportement manichéen
vis-à-vis des récits transmis oralement, certains les
estimant entièrement vrais, et d'autres, entièrement faux.
Déterminer la part de vérité qui se détache d'un récit est
un exercice difficile. Car lorsque la communication passe
par une succession d'intermédiaires, elle est déformée au
fur et à mesure. Nous estimons que lorsque la transmission
orale est relatée par écrit plus de 200 ans après les
événements, il y a de fortes chances qu'elle soit en grande
partie fausse. Ainsi, dans le cas présent, nous ne pouvons
pas être certains que Grégoire ait eu une existence réelle.
Et s'il a bien vécu vers la fin du troisième siècle, nous ne
pouvons pas être certains qu'il ait été martyrisé (du moins
au sens fort car comme chrétien vivant à cette période, il a
pu subir des brimades). L'existence des deux Abbundenzia est
plus suspecte encore. La présence de leur nom dans le texte
de la Tradition peut être due à une mauvaise lecture d'un
texte ancien affirmant que la possession des reliques de
Saint Grégoire avait apporté l'abondance au monastère.
Examinons à présent la suite de phrases : « Deux inscriptions, portant deux dates importantes
sont visibles à l’intérieur de la basilique : 1079 et 6
août 1146. La première rappelle l’année de début des
travaux, la deuxième année, le mois et le jour de la
consécration par six évêques. ». La conclusion qui
suit est catégorique : « La
majeure partie du bâtiment est datable entre l’année de
début des travaux (1079) et la consécration (1146) , une
période d’environ 67 ans. ». Nous aimerions
cependant avoir quelques précisions : quelles sont les
parties de ce bâtiment concernées par cette construction ?
Les autres parties sont-elles antérieures ou postérieures à
la construction ? Pourrait-on connaître le texte exact et sa
traduction de chacune des inscriptions ? Il faut en effet
comprendre que les inscriptions relatives à des
constructions sont rares. Celle concernant la date de 1079
est par ailleurs suspecte. Ce serait bien la première fois
que nous aurions une inscription parlant d'une date de début
de travaux pour la période concernée. De plus, il faudrait
savoir quels sont les travaux concernés (totalité de
l'édifice ? une partie ? et laquelle ? l'ouvrage Ouest ? le
clocher ? le chevet ? la crypte? En effet, les images que
nous avons de ces parties nous montrent des constructions de
styles différents. Ainsi l'image
1 pour l'ouvrage Ouest et le clocher. Et l'image
2 pour le chevet (arcatures lombardes pour les
deux absides et le collatéral Nord mais pas pour le vaisseau
central). La crypte (image
6) présente quant à elle certains éléments
caractéristiques d'un deuxième art roman (voûtes d'arêtes,
disposition ordonnée).
L'inscription de 1146 correspond à une consécration. Nous
avons écrit à de nombreuses reprises qu'une consécration ne
devait pas être associée à une fin de travaux. Ce n'est pas
une église que l'on consacre mais un (ou plusieurs) autel(s)
de cette église. Cette consécration est effectuée dans une
circonstance exceptionnelle (visite d'un pape, transfert de
reliques, réhabilitation à la suite d'une profanation, et,
bien sûr, achèvement de la construction de l'église). Bien
sûr aussi, compte tenu de l'importance de la consécration,
des travaux peuvent être réalisés en vue de cette
célébration.
Ajoutons à cela l'anachronisme suivant : « une
période d’environ 67 ans. » . Pourquoi parler
d'anachronisme ? N'est-il pas naturel qu'il y ait une
période de 67 ans entre un début de travaux et une fin de
travaux ? Eh bien non ! Ce n'est pas naturel ! Il faut
savoir que lorsqu'un projet de construction d'un monument
est lancé le ou les commanditaires n'ont qu'un désir : voir
le projet enfin réalisé... et ils ne veulent pas attendre 67
ans pour cela. En conséquence, si la date de 1079 est une
date de début de travaux et celle de 1146, une date de fin
de travaux, il s'agit très probablement de deux travaux
différents.
Ces diverses observations remettent fondamentalement en
question la datation proposée par les auteurs du site Wikipedia.
Nous préférons la datation par l'analyse de l'architecture
de l'édifice. Nous constatons que la nef est presque
identique à celle de l'église San Paolo « inter vineas »
étudiée dans la page précédente? pour laquelle nous avions
proposé la datation : an 700 avec un écart de 200 ans. La
seule différence se situerait au niveau des collatéraux.
Ceux-ci seraient voûtés (en voûtes d'arêtes sur doubleaux
plein cintre) et non charpentés. Selon nous? ce type de
voûtement aurait été inventé peu avant l'an mille mais il a
pu être pratiqué sur une église plus ancienne auparavant
charpentée.
Une autre différence avec l'église précédente se manifeste
dans l'arc triomphal situé au dessus du maître-autel et les
deux piliers de la nef qui soutiennent cet arc triomphal.
Mais ces piliers et cet arc ont pu être posés lors de
l'aménagement de la crypte située au-dessous, crypte qui a
pu être inaugurée lors de la consécration de 1146. Le
chevet, l'ouvrage Ouest et le clocher ont fait l'objet de
travaux à des périodes différentes que nous ne pouvons
définir à cause du manque d'images.
Datation
envisagée pour la nef de la basilique San Gregorio
Maggiore de Spolète : an 800 avec un écart de 250 ans.