Abbaye de Rambona à Pollenza  

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La page du site Internet Wikipedia relative à cette église, obtenue de l'italien par un traducteur automatique, nous apprend ceci :

« Elle a été construite au IXe siècle à la demande de l’impératrice Ageltrude, qui en a confié la gestion à l’abbé Olderic. La décision de l’impératrice Ageltrude d’y ériger son abbaye peut avoir été dictée par le désir de reconstruire un cenobium bénédictin datant du VIIe- VIIIesiècle et détruit.

Dans la région, il y avait déjà eu un sanctuaire païen dédié à la déesse Bona, protectrice de la fertilité. Son culte était lié à l’élément de l’eau et en fait, le lieu est important parce que le Rio Acqua Salata se jette dans la rivière Potenza et y coule une source d’eau considérée comme bénéfique. De l’ancien culte local de la déesse Bona, a dérivé au fil des siècles le toponyme Rambona (Ara Bonae Deae, d’où Arambona).

Le bâtiment récemment identifié du IXe siècle est d’une grande importance historique et artistique, car il représente l’un des rares témoignages restants en Europe de l’architecture carolingienne. La crypte, les trois absides et le presbytère, sont le résultat d’une extension dans le style roman advenue aux XIe- XIIesiècles. Le monastère bénédictin a été complètement perdu, mais il était très puissant au début du Moyen Âge.
[...] Au cours de ces siècles, l’église a été dédiée aux saints Flavian, Grégoire et Sylvester et ce n’est qu’au XIVesiècle qu’elle a été dédiée à la Vierge de l'Assomption et nommée Santa Maria di Rambona. Avec la réforme de Cluny, l’abbaye passa sous la propriété de l’Ordre cistercien. [...]

Dans le presbytère, est conservée la copie en plâtre d’un important
diptyque qui racontte l’histoire de ce lieu. L’œuvre originale, en ivoire, faite par l’abbé Olderico au IXesiècle, est conservée dans les musées du Vatican. Il s’agit d’un document extraordinaire au niveau iconographique et historique, puisqu’il indique précisément la fondation de l’Église par l’impératrice Ageltrude. Dans les deux tablettes, sont représentées la Crucifixion et la Madone intronisée avec les trois saints à qui l’église a été dédiée au moment de sa fondation.

Architecture : le symbole de l'abbaye sont les trois imposantes absides semi-circulaires d'origine préromane aux influences lombardes. La structure, très rare en Italie, est faite de grès alternant avec des bandes horizontales de briques. Les absides, différentes les unes des autres, sont décorées verticalement par des demi-colonnes en pierre blanche. Le bâtiment semble sobre et mal décoré, mais comporte des fragments de récupération à motifs floraux  Sur le dessus des absides, il y a une rosace aveugle;
des fenêtres, simples ou jumelées, d'époques différentes, s’ouvrent à des hauteurs qui correspondent à peu près aux emplacements de la crypte et du presbytère.

La nef du IXesiècle, aujourd’hui privée, appelée la salle carolingienne, se présente comme un unique grand espace, sur les côtés duquel se trouvent deux pièces rectangulaires avec absides.
Chacune était reliée à la nef  par une grande arcade latérale. Leur fonction est incertaine, il pourrait s'agir de petits sanctuaires ou de chapelles (celle du côté sud est maintenant incorporée dans le presbytère, celle au nord fait partie de la propriété privée avec la nef et l’hypogée). Les murs de la nef sont composés de galets de rivière, de grosses pierres et de quelques fragments de briques. Sur les côtés, il y a des arcs et des fenêtres hautes à meneaux. La double couverture en pente est soutenue par des fermes.

La crypte et le presbytère ont été ajoutés aux XIe et XIIesiècles; mais alors que la crypte conserve sa forme originale intacte, le presbytère a été rénové à plusieurs reprises et sert d’église rurale
. [...]

Crypte : la crypte romane dispose de cinq nefs avec des voûtes croisées. Elle est soutenue par deux piliers et ponctuée de colonnes romaines, avec des chapiteaux de remploi tous différents les uns des autres, sculptés avec des motifs végétaux, et des animaux provenant de bestiaires médiévaux ou typiques du symbolisme chrétien; sur certains d’entre eux, il est encore possible de distinguer l’utilisation de la couleur, en particulier il y a des traces de rouge
. [...]
 
Encore aujourd'hui, sous la crypte, se trouve l'emplacement d'un hypogée à plan carré, avec un bassin d’environ 70 centimètres arrosé d'une eau recueillie à la source voisine. Certains pensent que cet endroit, trouvé seulement en 1981-1982, est l'ancien sanctuaire païen dédié à la déesse Bona.
»

Nous n'avons que peu modifié cette traduction automatique, l'estimant parfaitement compréhensible malgré certaines imperfections.

Nous n'avons pas visité cette église. Les images ci-dessous sont extraites d'Internet.


Le texte ci-dessus parle du diptyque d'Ageltrude. Nous avons recherché sur Internet des renseignements sur Ageltrude et son diptyque. Ageltrude serait une impératrice du Saint Empire et reine d'Italie ayant épousé en 880 Guy III de Spolète. Après la mort de son mari en 894, elle est régente pour son fils, Lambert. Elle meurt en 923. Le diptyque qui la cite daterait donc du début du Xesiècle plutôt que du IXesiècle.

Nous conseillons la lecture de l'article, accessible sur Internet, Le diptyque de Rambona et les idées de Rome à l'époque carolingienne, par Mme Lellia Cracco Ruggini, Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles Lettres. Année 2016. Nous ferons une descrition rapide ce ce diptyque (images 14 et 15) à la fin de cette page. Contentons-nous pour le moment de réproduire la partie de texte concernant la construction de l'abbaye de Rambona :

« Une légende sur deux lignes sépare cet espace quadrangulaire (représentant une Vierge en Majesté) de celui qui se trouve au-dessous (les saints Grégoire, Sylvestre et Flavien) :

Confessoris [pour confessoribus] D(omi)ni S(an)c(tis) Gregorius [pour Gregorio] Silvestro, Flaviani [pour Flaviano] cenobius Rambona [pour coenobium Rambonae] Ageltruda construxi [pour construxit ?]

À savoir, en laissant de côté les nombreuses inexactitudes de morphologie et de syntaxe :

Ageltrude édifia [ou bien « Moi, Ageltrude j'ai édifié »] le monastère de Rambona en l'honneur des confesseurs de Dieu, les saints Grégoire, Sylvestre et Flavien. »

Plus loin, une autre légende donne :

« Quod ego Oldoricus infimus D(omini) serbus [pour servus] et abbas sculpire minibit [pour monui=monebam probablement] »

Phrase que nous traduisons ainsi : « Ce que moi, Oldoric, infime serviteur de Dieu et abbé, ai donné l'ordre de graver ».

Il semblerait que ces deux inscriptions du diptyque et seulement celles-ci aient inspiré la rédaction du premier paragraphe du texte de Wikipedia :
« Elle a été construite au IXesiècle à la demande de l’impératrice Ageltrude, qui en a confié la gestion à l’abbé Olderic. La décision de l’impératrice Ageltrude d’y ériger son abbaye peut avoir été dictée par le désir de reconstruire un cenobium bénédictin datant du VIIe- VIIIesiècle et détruit.».
À la lecture de ce paragraphe, on aurait pu penser que son auteur en savait beaucoup plus, alors qu'il en savait peut-être moins, car l'allusion de fin de paragraphe,
« reconstruire un cenobium bénédictin datant du VIIe- VIIIesiècle et détruit.», est probablement une erreur de traduction de l'inscription du diptyque. Ce qui n'empêche pas
qu'Ageltrude a très bien pu installer son monastère sur l'emplacement d'un édifice plus ancien, détruit pour l'occasion.

L'étude de l'architecture du bâtiment se révèle difficile dans la mesure où nous n'avons aucune image de l'intérieur de la nef, qui, selon le texte de Wikipedia, serait préromane. Primitivement, cette nef devait être à trois vaisseaux avec les absides actuelles en prolongement des vaisseaux (images 1 et 2).

Ces absides ont été probablement remaniées à l'époque romane. Les colonnes demi-cylindriques blanches adossées aux murs semblent être un ajout à la construction. Il semblerait qu'en cette occasion, on ait utilisé en remploi les linteaux de fenêtres de la construction d'Ageltrude. C'est ce que semble montrer l'image 4. D'un examen superficiel, on déduirait qu'on a là une arcade. Mais une observation plus attentive fait découvrir un bloc monolithe taillé en forme d'arc. Par ailleurs, cette pièce est sous-dimensionnée par rapport à la baie qu'elle recouvre, montrant par là qu'il s'agit d'un remploi. On trouve sur les façades de ces absides d'autres blocs monolithes. Nous les estimons préromans.


Les seules images de l'intérieur concernent la crypte (images 5, 6, 7, 8). On constate immédiatement la disparité des chapiteaux et des colonnes. Étudions en particulier l'image 7. Le premier et le dernier chapiteau sont semblables (larges feuilles étalées dans les coins). Le second, de type cubique, est différent des deux premiers. Quant au troisième, de forme ovoïde, il est encore différent des précédents. Il en est de même pour les colonnes de cette crypte tantôt lisses, tantôt cannelées. Il s'agit manifestement de pièces utilisées en remploi. Cela ne nous surprend pas. Les cryptes sont souvent ainsi conçues, les constructeurs ayant utilisé des pièces anciennes en remploi. Par contre, ces découvertes successives de colonnes et de chapiteaux en remploi provoquent une réflexion d'ensemble. Nous pensons à présent que les chapiteaux, et, dans une moindre mesure les colonnes, devraient être considérés un peu à la manière des anthropologues qui découvrent une dent d'hominidé. À partir de cette seule dent, ils arrivent à reconstituer le personnage qui l'a portée. De même, à partir d'un chapiteau, de ses dimensions, de sa forme, on doit pouvoir retrouver les dimensions et la forme du bâtiment d'où il est issu. L'exercice est difficile mais il doit être possible. Dans le cas présent, on a déterminé à partir de la seule image 7, trois formes différentes de chapiteaux. On en déduit que ces trois groupes de chapiteaux doivent provenir de trois constructions différentes. Passons à l'examen de quelques images.

Image 9 : chapiteau à feuilles dressée. Un animal (oiseau?) émerge des feuillages.

Image 10 : chapiteau à feuillages (palmettes). Sur le tailloir sont représentés des entrelacs.

Image 11 : chapiteau à feuillages (palmettes). Sur la face latérale, on peut voir un lion à queue feuillue.

Image 12 : chapiteau cubique à feuillages (palmettes). Les larges feuilles étalées comme ici se retrouvent dans l'art des wisigoths.

Image 13 : chapiteau décoré d'un oiseau sur lequel est gravé AQLA (aquila = aigle) et d'un lion (ou un taureau). Il faudrait voir les deux autres faces pour savoir si les quatre symboles des Évangélistes sont représentés.


Le diptyque de Rambona

Cette pièce d'ivoire (images 14 et 15) développe les scènes suivantes.

En haut à gauche : le Christ dans une mandorle portée par deux anges.

Toujours à gauche, en dessous, la scène de Crucifixion. Le Christ est représenté, les bras étendus en signe d'accueil. Au dessus de lui, sont représentés le Soleil et la Lune. Sous les branches de la Croix, la Vierge et Saint Jean.

Sous les pieds du Christ, la Louve romaine avec Romulus et Remus. La présence de la Louve romaine est symbolique des liens qui unissaient le Saint Empire et l’Église de Rome.

En haut à droite, on a la scène classique de la Vierge à l'Enfant. La Vierge est encadrée par deux archanges aux six ailes croisées. Au-dessous de ces anges, des croix entrelacées.

En dessous et à droite, entourés de pampres de vigne, les saints Grégoire, Sylvestre et Flavian.

Enfin, en dessous encore, un personnage nimbé flottant dans les airs qui pourrait représenter l’Église (ce n'est qu'une hypothèse parmi d'autres).


Datation envisagée
pour l'abbaye de Rambona à Pollenza : nous n'avons aucun moyen de vérifier si l'intérieur de la nef est bien l’œuvre d'Ageltrude.
Notre évaluation repose donc essentiellement sur la construction de la crypte (avec remploi de pièces plus anciennes) : an 1075 avec un écart de 50 ans.