L'église Notre-Dame de Las Planques à Tanus  

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Sur cette église de Las Planques, voici quelques extraits de l'ouvrage « Haut-Languedoc Roman » de la collection Zodiaque, rédigé par Marcel Durliat : « Il s'agit d'un autre témoignage (note : après celui d'Ambialet) de l'art roman méridional, situé à la limite septentrionale de l'Albigeois ; dans un site superbe, en pleine forêt ... L'église de Las Planques est bâtie dans un méandre encaissé du Viaur, de telle sorte qu'elle domine la rivière de deux côtés. [...]

L'importance de l'église se justifie par le fait que Las Planques fut jusqu'à la Révolution un chef-lieu de paroisse et de consulat. Plus anciennement, ce fut le siège d'un prieuré monastique. Au XIesiècle, l'église qui portait de Notre-Dame de Belmont-Bellomonte - id est Plancas - appartenait à la puissante famille des Andouque. Vers 1062, le prêtre Deusdet achète à Didon d'Andouque et à ses neveux les terres avoisinant l'église pour les remettre à l'abbaye de Conques. [...] »


Concernant la datation de l'édifice, Marcel Durliat donne l'indication suivante : « Il apparaît donc que l'église de Las Planques fut construite par les moines de Conques dans le dernier tiers du XIesiècle, en s'inspirant de très près du modèle proposé par l'église du prieuré victorin d'Ambialet. [...] Cependant, étant légèrement postérieure à celle d'Ambialet, l'église bénéficia du progrès des techniques et elle fut voûtée dès l'origine. [...] »

Marcel Durliat a énormément participé à la mise en valeur de l'art roman en permettant de faire connaître et apprécier un grand nombre de monuments antérieurs à l'an 1200. En conséquence, l'ensemble de son œuvre mérite estime et attention. Il nous faut cependant dire que, en ce qui concerne les datations, nous sommes en total désaccord avec ses écrits. En fait, ceux-ci constituent une sorte de résumé de l'idéologie que nous combattons. Car il s'agit bien d'une véritable idéologie, un dogme établi à partir de principes de base : il n'existe plus d'églises antérieures à l'an mille, les estimations doivent se faire uniquement à partir des textes d'époque et non des données archéologiques ou architecturales ; les contradictions apparentes sont occultées.

Étudions le texte précédent : la phrase : « Cependant, étant légèrement postérieure à celle d'Ambialet, l'église bénéficia du progrès des techniques et elle fut voûtée dès l'origine. » nous fait croire à la réalité d'un progrès des techniques de construction de l'église d'Ambialet à celle de Las Planques. Un progrès qui devrait être perceptible sur les images que nous mettons à disposition de chacun sur ce site. Peut-être le voyez-vous, ami lecteur ? Ce n'est pas notre cas. Et, de son côté, Marcel Durliat ne nous dit pas comment il identifie ce progrès (hormis le fait qu'il nous dise qu'elle fut voûtée dès l'origine. Mais on ne sait comment il a fait pour le déterminer).

Selon nous, Marcel Durliat a bâti une sorte de scénario inspipar la charte de 1062 : « Vers 1062, le prêtre Deusdet achète à Didon d'Andouque et à ses neveux les terres avoisinant l'église pour les remettre à l'abbaye de Conques. [...] ». Selon ce scénario, les moines de Conques, possesseurs de terres à Las Planques vers 1062, y construisent une église. C'est l'église actuelle. Cette église d'apparence très rustique ne peut être que du XIesiècle. Mais comme elle est construite à partir de 1062 et qu'il faut un certain temps pour la construire, elle est « construite par les moines de Conques dans le dernier tiers du XIesiècle ».

Ce scénario semble avoir été accepté par tous les historiens de l'art. Et personne ne s'est posé la question de savoir ce qu'était devenue l'église citée en 1062 (donc avant l'église supposée construite dans le dernier tiers du XIesiècle ). On ne s'est pas posé la question, car on ne devait pas se la poser : cette église n'existait pas ! Elle ne pouvait pas exister ! C'était contraire au dogme !

En ce qui nous concerne, nous pensons que, jusqu'à preuve du contraire, l'église citée en 1062 est bien l'église que l'on voit actuellement. La construction par des moines de Conques dans le dernier tiers du XIesiècle serait une invention pure et simple.


D'après le plan de l'image 6, nous sommes en présence d'une église à nef à trois vaisseaux avec trois absides en prolongement de ces trois vaisseaux. Nous avons étudié ce type de plan dans le chapitre « Datation » et émis l'idée qu'il pouvait caractériser une église antérieure à l'an mille.

À cela s'ajoute le fait que les arcs reliant les piliers (images 12, 13 et 14) sont simples. On sait que les arcs doubles sont caractéristiques de l'art roman (postérieur à l'an mille).

Est-il possible que, contrairement à ce qu'écrit Marcel Durliat, cette église n'ait pas été voûtée à l'origine mais charpentée ?


Il nous est difficile de la savoir, les images n'étant pas suffisamment expilicites. On peut cependant avoir quelques idées en vue d'une investigation. La première d'entre elles consiste à analyser les piliers. Il faut comprendre que l'architecte qui a conçu le plan de l'église primitive a voulu quelque chose de parfait. Or, à l'époque, la perfection s'exprimait dans la symétrie, la régularité, l'équilibre des formes. Lorsque la nef comprenait plusieurs travées, il fallait que les travées soient parfaitement identiques et symétriques par rapport au plan, vertical orienté Est-Ouest. En conséquence, les piliers de la nef initiale devaient être tous identiques. Dans le cas d'une nef charpentée comme l'église Sainte-Madeleine de Béziers, tous les piliers sont identiques à section rectangulaire, de type R0000. Les constructeurs du Moyen-Âge qui ont voulu voûter une nef initialement charpentée ont été obligés de modifier la structure des piliers en leur accolant des pilastres pour porter les doubleaux eux-mêmes porteurs des voûtes. Les piliers qui étaient à section rectangulaire (type R0000) ont été transformés en piliers à section cruciforme (type R0101 ou R1111). Cette transformation a pu se faire en une seule fois, auquel cas les piliers restaient identiques entre eux. Mais, dans un grand nombre de cas, le voûtement a pu être progressif. Et les piliers sont différents les uns des autres. On ne cherchait plus à ce moment-là l'idéal de perfection des origines (peut-être remplacé par un autre idéal de perfection : la voûte imitant la voûte céleste). En conséquence si, dans une église voûtée, les piliers de la nef sont différents tout en ayant une structure de base à section rectangulaire identique, on peut envisager que la nef primitive était charpentée. Est-ce le cas ici ? Nous constatons que certains piliers ont une base cylindrique (image 15) alors que d'autres n'en ont pas (image 13).

Remarque : nous avons ajouté les images de la fresque de l'abside (images 19, 20 et 21). Ces fresques ont été très dégradées. Marcel Durliat, qui a sans doute disposé de témoignages anciens les décrit. Daprès la chevelure des personnages, ces fresques doivent dater du XIVeou du XVesiècle.


Datation envisagée pour cette église : an 825 avec un écart de 150 ans.

Deux détails nous semblent importants. D'une part la dédicace à la Vierge Marie. Nous pensons que, durant le premier millénaire, le vocable d'une église à la Vierge Marie était le signe d'une communauté importante.

D'autre part la phrase : « L'importance de l'église se justifie par le fait que Las Planques fut jusqu'à la Révolution un chef-lieu de paroisse et de consulat » nous apprend l'existence d'un consulat à Las Planques. Jusqu'à présent, les historiens médiévaux, se fiant aux documents écrits encore subsistants, estimaient que la création des consulats remontait au XIIesiècle. Nous pensons qu'ils sont nettement plus anciens. Et qu'ils pourraient remonter à l'époque romaine, inscrits dans la loi romaine, dont on sait qu'elle a survécu au moins jusqu'à l'an mille pour une partie importante de la population, en coexistence avec d'autres lois comme celles des goths ou des francs.