La cathédrale Saint-Alain de Lavaur
La
cathédrale Saint-Alain
Cette cathédrale de style gothique ne présente pas a priori
d'intérêt pour notre site consacré aux édifices préromans.
En dépit de cela, nous sommes amenés à nous poser une autre
question : « D'où vient la dédicace à Saint Alain ? »
La page du site Internet Wikipedia consacrée à cette
cathédrale nous apprend ceci : « L'origine
du Saint Alain honoré à Lavaur reste inconnue, ce n'est ni
Alain de la Roche, ni le Saint Alain honoré en Bretagne.
»
Quel est donc ce Saint Alain vénéré dans cet endroit ? Notre
hypothèse est la suivante : il n'y aurait pas un Saint Alain
mais des Alains. Les Alains constituaient une tribu barbare
décrite par l'historien romain du IVesiècle,
Ammien Marcellin. Il en parle à plusieurs reprises dans ses
livres intitulés « Histoires
» (Res Gestaes). Il nous apprend que ces peuples
occupaient à l'origine les régions situées au Nord et à
l'Est de la Mer Noire. Battus et refoulés par les Huns, ils
se seraient engagés comme auxiliaires d'autres triibus.
Certains d'entre eux se seraient mis au service des Huns
alors que d'autres passaient du côté des Goths ou des
Romains. Les faits se seraient passés vers l'an 360 de notre
ère. Voici la description des Alains par Ammien Marcellin :
«
Les Alains sont généralement beaux et de belle taille, et
leurs cheveux tirent sur le blond. Leur regard est plutôt
martial que féroce. Pour la rapidité de l'attaque et
l'humeur belliqueuse, ils ne cèdent en rien aux Huns. Mais
ils sont plus civilisés dans leur manière de s'habiller et
de se nourrir. Les rives du Bosphore Cimmérien et des
Palus-Méotides sont le théâtre ordinaire de leurs courses
et de leurs chasses, qu'ils poussent quelquefois jusqu'en
Arménie et en Médie. »
On retrouve les Alains une cinquantaine d'années plus tard,
mais cette fois-ci en Gaule où, alliés des Wisigoths de
Théodoric et des Romains d'Aetius, ils participent aux
combats contre les Huns d'Attila (Grégoire de Tours :
Premier Livre de l'Histoire des Francs ). Enfin,
un groupe d'Alains accompagne les Vandales de Genséric dans
leur conquête de l'Afrique en 428 (Procope : Histoire
de la Guerre contre les Vandales ). Après cela, on
n'entend plus parler d'eux. Hormis le fait que Jordanès qui
écrit vers 550 se dit Alain par sa mère.
Un autre auteur nous parle des Alains : un certain Ausone.
Il ne s'agit pas du célèbre poète latin mais d'un
personnage, sans doute de la même famille (peut-être son
petit-fils),qui décrit des événements ayant eu lieu après la
mort d'Ausone. D'après la description de cet auteur, on
devine qu'il devait y avoir au moment des événements dans le
Bordelais une colonie relativement importante d'Alains. Il
est fort possible que cette colonie se soit au moins en
partie installée du côté de Lavaur.
Une telle hypothèse peut apparaître totalement fantaisiste,
car non étayée par un quelconque document. En fait, c'est
l'hypothèse contraire qui devrait apparaître fantaisiste.
L'histoire, même la plus récente, nous apprend que la
colonisation de terres nouvelles s'est souvent effectuée
grâce à des déplacements massifs de communautés humaines. Et
divers témoignages parcellaires nous apprennent qu'il devait
en être de même durant le Premier Millénaire (Taïffages à
Tiffauges, Hispani dans le Biterrois vers l'an 800).
Ajoutons à cela une autre hypothèse. Nous avons constaté
que, dans leur très grande majorité, les cathédrales sont
consacrées à la Vierge Marie. C'est le cas pour la France.
C'est encore plus vrai pour l'Italie ou l'Espagne. À tel
point que nous envisageons que toutes les cathédrales aient
été consacrées à la Vierge Marie. Plus exactement, voici ce
qui a pu se passer. Dès les premiers siècles chrétiens, il
devait y avoir des centres cultuels rassemblant dans un même
enclos « paroissial » diverses constructions à caractère
cultuel : un peu comme les « enclos paroissiaux bretons »
qui regroupent en un même endroit une grande église, un
cimetière, un ossuaire, un calvaire, et parfois, une porte
monumentale. Autant qu'on le sache, d'après les fouilles qui
ont pu être faites sur certains « enclos », ceux-ci devaient
contenir plusieurs églises et un baptistère. Parmi ces
églises, il en était une de privilégiée : celle dédiée à
Sainte Marie. Et c'est dans cette église que l'évêque
s'asseyait (,posait son siège, sa cathèdre,). Une autre
église devait être réservée au Saint du lieu. Parfois une
communauté différente venait s'agréger à la communauté
première amenant avec elle son saint et construisant
l'église affectée à ce saint. Plus tard, l'église affectée
au saint a pris plus d'importance que celle dédiée à la
Vierge Marie. Et l'évêque a posé sa cathèdre dans la
nouvelle église. Ce qui explique que certaines cathédrales
ne sont pas (ou plus) dédiées à la Vierge Marie.
Il faut aussi comprendre que durant les débuts du
christianisme, l'évêque n'est pas le responsable d'une
construction (la cathédrale) d'un territoire (le diocèse).
Mais d'une communauté de fidèles. Il pouvait y avoir
plusieurs évêques dans la même ville : un évêque des
romains, un autre des wisigoths, un autre des francs. Et,
pourquoi pas, à Lavaur, un évêque des Alains ? La
cathédrale, initialement dédiée à Sainte Marie des Alains,
serait devenue la cathédrale Saint-Alain.
La
table d'autel de la cathédrale
D'après la même page de Wikipedia : « Depuis
1967, l’autel du chœur de Saint-Alain possède une table
dont nous ignorons la provenance exacte. Elle fut
retrouvée en 1876, dans la chapelle de l’hôpital de
Lavaur, mais ce n’est pas là son lieu d’origine. Il est
possible qu’elle vînt de la cathédrale et qu’elle fît
peut-être partie de la donation de l’évêque Izarn aux
bénédictins, mais une autre hypothèse la ferait provenir
de l’église Sainte-Foy de la Salvetat fondée à Lavaur en
1065 par les moines de l’abbaye Sainte-Foy de Conques,
laquelle prit ensuite le nom de Sainte-Croix et servit de
chapelle à la confrérie des pénitents bleus.
Cette
table romane, en marbre blanc probablement de Saint Béat,
s’inscrit dans la suite de la production des tables
d’autel de la province ecclésiastique de Narbonne.
La face supérieure est légèrement creusée, mais son grand
intérêt vient de la sculpture de sa tranche abattue en
chanfrein, de la même manière que celle de Bernard Guildin
à Saint-Sernin de Toulouse. Le principal thème de la face
antérieure : un Christ bénissant dans une mandorle
circulaire, est le même sur les deux tables. Une série
d’anges, comme à Toulouse, complète cette face. Sur le
côté droit, sont représentés deux anges soutenant la table
d’autel elle-même, motif qui se retrouve sur le tailloir
d’un des chapiteaux de Saint-Sernin. La sculpture du côté
gauche est d’une interprétation plus délicate ; selon M.
Durliat, elle représenterait deux anges vénérant le pain
du ciel. La quatrième face était destinée à être engagée
dans une maçonnerie et n’est pas décorée.
Globalement le programme des sculptures s’apparente à
celui que développe la table de Saint-Sernin et l’analyse
stylistique démontre que les deux tables sont
contemporaines. Celle de Lavaur fut probablement réalisée
par un sculpteur de Moissac, à l’époque où Bernard Gilduin
exécutait celle de Toulouse pour les chanoines de
Saint-Sernin. »
Le texte ci-dessus est certes intéressant … mais nous sommes
en total désaccord avec celui-ci. Nous pensons tout d'abord
que la table d'autel de Saint-Sernin de Toulouse est bien
antérieure au XIIesiècle. Cette date a été
certifiée par les historiens de l'art grâce à une
inscription, mais nous estimons que cette inscription a été
effectuée au XIIesiècle sur une pierre sculptée
longtemps auparavant, et ce, en vue d'une dédicace ou d'une
consécration d'autel. Nous estimons que si l'inscription de
la table de Saint-Sernin est probablement du XIIesiècle,
le style de l’œuvre est du Veou du VIesiècle.
Et il en est de même pour la table d'autel de Lavaur. Si on
veut rechercher l'équivalent du style de cette œuvre, ce
n'est certainement pas dans les sculptures de Vézelay, de
Conques ou de Moissac, qu'on le trouvera. Mais bien dans les
sarcophages des musées antiques d'Arles ou de Narbonne. Le
cartouche de l'image 5 est
identique à celui d'un sarcophage romain. Contrairement à ce
que dit le texte, le personnage bénissant de l'image
6 encadré par deux personnages sortis d'une gueule
de poisson n'est pas inscrit dans une mandorle (qui serait
en forme d'amande) mais un médaillon circulaire. Si ce
personnage est le Christ, il est représenté imberbe, comme
les Christs des premiers siècles chrétiens ... mais pas ceux
du XIIesiècle.
On trouverait beaucoup d'autres ressemblances avec des
œuvres du IVeou Vesiècle. Mais aussi
quelques différences, comme ces hommes émergeant d'une
gueule poisson (est-ce bien le cas ?). Ces différences nous
font envisager que cette table d'autel pourrait être
d'inspiration barbare. S'agirait-il d'Alains ?
Datation envisagée
pour cet autel de la cathédrale Saint-Alain de Lavaur : an
450 avec un écart de 100 ans.