L’abbaye Saint-Martin-du-Canigou à Casteil
La page du site Internet Wikipedia
consacrée à cette église nous apprend ceci : « C'est
à l'instigation du comte de Cerdagne Guifred II,
arrière-petit-fils de Guifred le Velu, que le monastère
fut établi. Les premières mentions datent de 997, date à
laquelle le chantier a probablement commencé. De
nombreuses donations au cours des années suivantes
montrent bien que le chantier fut mené de manière très
régulière. Le 12 juin 1005, Guifred II donne avec sa femme
Guisla un alleu situé sur les pentes du Canigou, sur le
territoire de la commune de Vernet, à l'église de
Saint-Martin. Ils effectuent un nouveau don le 14 juillet
1007.
L'église est consacrée le
10 novembre 1009 par Oliba, évêque d'Elne (son frère
était abbé de Saint Michel de Cuxa). Elle sera dédiée à
Marie et aux saints Martin et Michel. Quelques années plus
tard, l'église se dote des reliques de saint Gaudérique.
L'abbatiale est alors agrandie et re-consacrée (l'année
exacte n'est pas connue avec exactitude : soit 1014, soit
1026). Le comte Guifred II se retira à l'abbaye vers la
fin de sa vie : il y mourut en 1049.
L'abbaye commença alors
rapidement à décliner : dès le XIIe siècle,
elle est rattachée à l'abbaye de Lagrasse, dans l'Aude.
Cela fut cause d'un conflit qui se régla finalement par
arbitrage du pape. Mais l'abbaye sombrait irrémédiablement
dans la décadence.
Le terrible tremblement
de terre de 1428, qui fit tant de dégâts en Catalogne,
ébranla sérieusement le monastère : de nombreux bâtiments
furent détruits, le clocher fut écrêté, mais l'église
résista tant bien que mal. Les travaux de reconstruction
furent très longs en raison de l'insuffisance de moyens,
malgré la mobilisation de l'épiscopat d'Elne. [...]
Lors de la Terreur,
l'abbaye fut fermée après expulsion des derniers
religieux, et tous ses biens furent éparpillés. Les
bâtiments se transformèrent alors en carrière de pierres
pour les habitants des environs, les chapiteaux du cloître
furent pillés, de même que les sculptures et le mobilier.
Il faudra attendre le début du XXesiècle pour
que l'abbaye reprenne vie. L'évêque de Perpignan alors en
fonction, Mgr de Carsalade du Pont, entreprit à partir de
1902 la reconstruction du monastère, dont il ne restait
plus grand-chose, si ce n'est le clocher, l'église (dont
une partie de la voûte s'était effondrée), et trois
galeries du cloître inférieur.
De 1952 à 1983, dom Bernard de Chabannes achève la
restauration de l’abbaye et y rétablit la vie spirituelle.
»
Poursuivons notre lecture du site «
Wikipedia : «
L'église abbatiale :
L'abbatiale possède, à cause des contraintes du site, deux
églises superposées, ce qui est très rare, et une chapelle
haute dans un clocher indépendant comme on en trouve en
Italie. L'église inférieure presque enterrée et creusée en
partie dans le rocher est dédiée à la Vierge Marie et on
peut y retrouver la symbolique de la grotte de l'église
inférieure de l'abbaye Saint-Michel de Cuxa. L'église
supérieure est sous le vocable de saint Martin, l'Apôtre
des Gaules et patron du monastère. Dans le clocher, à
l'étage, la chapelle de saint Michel archange participe à
la liturgie que l'on trouve dans l'architecture
carolingienne.
Un acte de consécration
de 1009 mentionne les trois églises de la Vierge, de saint
Martin et de saint Michel. La datation est controversée,
1009 peut correspondre à la construction de la partie Est
sur les deux niveaux avec la suite des travaux avant 1014
ou 1026
L'église de la Vierge :
Cette église en partie souterraine ne dépasse pas les
trois mètres de hauteur avec un vaisseau central de 3,10 m
de largeur et des collatéraux de 2,20 m. Sa construction
fait l'objet d'une première campagne rapide à l'Est entre
997 et 1009, avec une structure de colonnes portant des
voutes d'arêtes, technique employée dans les cryptes et
trois petites absides. Les colonnes ont reçu un renfort de
maçonnerie et on peut penser qu'un mur fermait cette
partie à l'Ouest. On remarque comme à Saint-Michel de Cuxa
les marques de coffrage dans la construction des voûtes
d'arêtes. La deuxième campagne de construction vers
l'Ouest témoigne des progrès de l'architecture romane au
début du XIe siècle par le passage de la
colonne à la pile composée. Les six travées égales et
juxtaposées sont couvertes en berceau avec des arcs
doubleaux sur des piliers cruciformes, cet espace
modulaire, se répétant autant de fois qu'il y a de travées
dans l'édifice, va être la base de la réflexion des
architectes des XIe et XIIe
siècles.
L'église
Saint-Martin :
L'église supérieure, qu'elle soit le résultat d'une seule
campagne de construction, à savoir celle menée avant les
consécrations de 1014 ou 1026 en même temps que
l'agrandissement de l'église inférieure ou une deuxième
campagne après la construction de la partie Est, ne
reprend pas les évolutions techniques de la pile composée
du niveau inférieur. Sa construction a nécessité le
renforcement des colonnes de l'église de la Vierge qui
sont englobées dans des piles carrées. Comme l'église
inférieure, l'église Saint-Martin est composée de trois
nefs, séparées par des colonnes monolithes et voûtées en
berceau en plein cintre (sauf entre la troisième et la
quatrième travée, où la paire de supports est de forme
cruciforme et soutient un arc doubleau). Les chapiteaux
sont à peine épannelés avec un décor minimaliste. À
l'extérieur, les trois absides sont ornées d'une dentelure
de petits arcs juxtaposés, mais on n'en trouve pas sur les
murs latéraux de l'abbatiale, ni de lésènes ou saillies
verticales de pierre qui seront la marque de la décoration
du premier art roman méridional. Ce type de construction
dangereux de voûtes en berceau continu sur des arcades et
de minces colonnes veut reprendre le modèle le plus noble
de la basilique de l'architecture paléochrétienne et on
tente de voir s'il va fonctionner ou pas. Plus
tardivement, on adjoint à cette église une petite chapelle
afin d'y placer les reliques de saint Gaudérique avec la
création d'une quatrième abside au chevet de l'église.
Le clocher :
La chapelle dédiée à Saint Michel archange dans la
tour-porche est mentionnée dans l'acte de consécration de
1009 et on voit encore sur la face Est du clocher une
sorte d'échauguette en encorbellement au dessus du grand
passage qui donne accès au monastère et qui marque
l'abside de cette église. Cette coutume de mettre les
abbayes sous la protection de Saint Michel est fréquente
au dessus des accès des abbatiales carolingiennes. Après
une interruption, les travaux sont repris, marqués par un
léger décrochement et surtout par le décor de bandes
lombardes caractéristiques du premier art roman méridional
à partir des années 1030-1040. La partie haute sans ces
décors est probablement postérieure au tremblement de
terre de 1428 et devait comporter comme à Saint-Michel de
Cuxa des baies géminées. »
L'affaire semble claire, dépourvue de
tout problème. Relisons la page de Wikipedia : « C'est
à l'instigation du comte de Cerdagne Guifred II,
arrière-petit-fils de Guifred le Velu que le monastère fut
établi. Les premières mentions datent de 997, date à
laquelle le chantier a probablement commencé. De
nombreuses donations au cours des années suivantes
montrent bien que le chantier fut mené de manière très
régulière. Le 12 juin 1005, Guifred II donne avec sa femme
Guisla un alleu situé sur les pentes du Canigou, sur le
territoire de la commune de Vernet à l'église de
Saint-Martin. Ils effectuent un nouveau don le 14 juillet
1007. » . Tout a l'air d'être évident : le
monastère a été établi par Guifred II peu après l'an mille.
Et donc, logiquement, l'ensemble des bâtiments a été
construit postérieurement à l'an mille. Cependant, nous
avons rencontré ce genre d'argumentation à plusieurs
reprises. Nous pensons que l'auteur de cette page d'Internet
a été influencé par ce que nous appelons « les terreurs de
l'an mille »., terreurs qui affectent la plupart des
historiens de l'art qui se refusent à imaginer qu'il puisse
y avoir des constructions antérieures à l'an mille. Il faut
dire que les chartes antérieures à l'an mille sont rares et
se raréfient encore plus lorsqu'on remonte dans le temps.
Mais ce n'est pas parce qu'il n'existe pas de texte
antérieur avant l'an mille relatif à ce monastère que
celui-ci n'existait pas avant cette date. À titre de
comparaison, je ne sais absolument rien sur la vie de mes
arrières grands-parents, n'ayant pas songé à faire des
recherches généalogiques. Cela ne signifie pas que mes
arrière-grands-parents n'ont pas existé ! Je sais même
qu'ils devaient être huit, qu'ils ont vécu jusqu'à l'âge
adulte, ont eu des enfants, des petits-enfants et au moins
un arrière-petit-enfant.
Ce refus d'imaginer l'existence de
constructions antérieures à l'an mille conduit l'auteur de
la page du site Wikipedia à des positions d'équilibriste : «
Un acte de consécration
de 1009 mentionne les trois églises de la Vierge, de saint
Martin et de saint Michel. La datation est controversée,
1009 peut correspondre à la construction de la partie Est
sur les deux niveaux avec la suite des travaux avant 1014
ou 1026. ». L'auteur, conscient que les trois
églises n'ont pu être toutes construites entre l'an 1000 et
l'an 1009, se sent obligé de dire que ces constructions se
sont étalées jusqu'en 1026.
Autre interprétation partiale de cet auteur : «
Ce type de construction ... veut reprendre le modèle le
plus noble de la basilique de l'architecture
paléochrétienne et on tente de voir s'il va fonctionner ou
pas. ». Il a analysé cette église et en a déduit
qu'elle était de style paléochrétien. Mais plutôt que
d'envisager qu'elle pouvait dater de l'époque chrétienne, il
préfère continuer à dire qu'elle est postérieure à l'an
mille et qu'elle imite un modèle paléochrétien. Il laisse
même entendre qu'il s'agit d'un pâle modèle par sa fin de
phrase, « on tente de
voir s'il va fonctionner ou pas. » .
Autre incohérence. L'article nous signale que la chapelle
Saint-Michel est citée en 1009 (donc déjà construite à
cette date). Selon les divers plans, cette chapelle
daterait du XIesiècle. Ce qui ferait des
délais très rapides de construction (entre 1000 et 1009).
D'autant que la chapelle Saint-Michel n'est pas seule
concernée. Il y a aussi deux autres églises superposées. Ce
n'est pourtant pas sur ce point que nous insistons mais sur
une des phrases suivantes : « Cette
coutume de mettre les abbayes sous la protection de Saint
Michel est fréquente au dessus des accès des abbatiales
carolingiennes. ». Les abbatiales dites
carolingiennes sont censées dater des alentours de l'an 800.
Comment se fait-il qu'une pratique attribuée à l'an 800 se
retrouve vers l'an 1000 ? Surtout comment se fait-il que
l'auteur nous apprenne que la chapelle est fréquente au
dessus des accès des abbatiales carolingiennes alors même
que nous n'avons pas de témoignage de fréquence d’abbatiales
carolingiennes ? Car revenons à ce que nous ont appris les
historiens de l'art : toutes les anciennes abbayes sont
romanes et datent donc du XIeou du XIIesiècle
(et on nous dit que c'est le cas de celle de Saint-Martin
du Canigou). En somme, on nous parle d'abbatiales
carolingiennes mais ces abbatiales carolingiennes, on ne les
voit pas. En fait si ! on les voit ! ou plutôt on commence à
les voir … sur notre site.
Venons-en à notre propre évaluation.
L'église principale contient en fait deux églises
superposées : le bâtiment principal (images
13 et 14) contient en fait deux églises
superposées. L'église inférieure est dédiée à Notre-Dame (images 22, 23, 29, 30, 31, 32
). L'église supérieure est dédiée à Saint Martin (images
24, 25, 26, 27). L'église inférieure est voûtée en
berceau simple ou en voûte d'arêtes sur doubleaux. Mais il
ne s'agit pas là de l'état primitif. Les piliers
cylindriques de la première église ont été englobés dans une
maçonnerie (images 22,
23, 31 et 32). Très probablement, l'église
primitive de Notre-Dame devait ressembler à l'église
supérieure. À la différence près que cette église inférieure
devait être couverte d'un plancher alors que l'église
supérieure était couverte d'un toit charpenté.
Les deux églises doivent être contemporaines. Les nefs sont
à trois vaisseaux. Les atcs reliant les piliers sont
simples. Ceux-ci sont cylindriques de type C0000.
Nous estimons très ancien ce type d'église. Remarquons que
les trois absides et le clocher sont décorés d'arcatures
lombardes (images 15,
16, et 17).
Concernant les chapiteaux de ces églises, ils sont très
stylisés. Celui de l'image
27 pourrait représenter la scène classique des «
oiseaux au canthare ».
Comme il est dit sur le site Internet
Wikipedia, la galerie Sud (images
4 à 8) est le résultat d'une restauration avec
récupération de pièces anciennes. Les chapiteaux développent
des thèmes romans : des sphinx pour celui de l'image
9, des thèmes énigmatiques pour les images
10 et 11.
Datation envisagée
pour les églises Notre-Dame et Saint-Martin : an 700 avec un
écart de 200 ans.