L’église prieurale de Saint-Romain-le-Puy : page 1
Nous avons réservé deux pages à l'étude de l'église prieurale de Saint-Romain-le-Puy. Dans la présente, nous procédons à une visite de cette église en analysant certaines de ses nombreuses sculptures. La seconde page sera consacrée à une recherche sur l'évolution architecturale de cet édifice et un essai de datation des divers aménagements successifs.
Nous avions étudié très partiellement
cette église en octobre 2018. Voici ce que nous avions écrit
à ce moment-là : «Remarque
: le mot “Puy” vient du latin podium qui
signifie «endroit surélevé», une sorte de petit plateau.
C’est bien ce qu’est le site très pittoresque de
Saint-Romain-le-Puy (images
1, 2, 3 et 4).
Nous
n’avons pas d’image de l’intérieur de l’édifice mais nous
disposons du plan de la crypte (image
8) et
de l’église supérieure (image
9).
Ces plans témoignent d’une structure très complexe sans
doute due à de multiples transformations. Notons que, sur
le plan de l'image
9,
certaines parties sont attribuées au Xe siècle.
Ces parties (en noir sur cette image) seraient celles de
l’église primitive, un édifice à vaisseau unique terminé
par une sorte de transept débordant sur lequel étaient
greffées deux absidioles semi-circulaires et un chevet
plat. On retrouve le soubassement de ce chevet en
pointillés sur l'image
8
de
la crypte.
Ultérieurement, on aurait décidé de changer ce chevet en
construisant, en contrebas de celui-ci, la crypte (image
8) et
au-dessus de celle-ci, le chevet de l’église supérieure.
Pour la datation de cette église, nous reprenons la
datation suggérée par le plan : an 950 avec un écart
supérieur à 100 ans.»
Voilà donc l’analyse que nous avions
faite il y a plus de deux ans. Une analyse très succincte,
car nous n’avions aucune image de l’intérieur de cette
église.
Grâce à Dominique Robert qui a pu y pénétrer et prendre de
belles photographies (images
6 et 7 et de 10
à 39), nous pouvons reprendre l’analyse de cet
édifice. Voici par ailleurs des renseignements sur
l’histoire de cette église tirés du Livre Forez
et Velay Romans de la collection Zodiaque.
Selon l’auteur du texte, l’hist oire de cette église serait
bien documentée : «Un
libelle du prieur Jean de Bouteilhon, datant de 1488, nous
apprend qu’il avait en main les actes primitifs de
l’église : d’après ce document, l’église aurait été fondée
par un certain Bouchetal (Boschitaleus milles), sous
Conrad le Pacifique, qui la donna à l’église d’Ainay, sous
l’abbatiat d’Astier. Le règne de Conrad a duré de 937 à
983, l’abbatiat d’Astier de 980 à 983. C’est donc entre
ces deux dernières dates qu’il faut placer cette
fondation. D’autre part, Dom Estiennot indique que le
monastère de Saint-Romain fut construit en 1007. Quant au
château, il dût être élevé en même temps, pour défendre le
prieuré...». Le texte de Zodiaque
mentionne par la suite l’importance du monastère et de son
château mais ne précise pas les périodes de construction qui
ont manifestement eu lieu, tant l’architecture apparaît
bouleversée. Hormis cette allusion : «La
guerre contre les Anglais nécessita la construction de la
seconde enceinte, qui, ayant subi les coups des routiers
de Villandrado en 1431, dut être restaurée en 1433. Nous
avons sur les fortifications de Saint-Romain à cette
époque un témoignage précis, le dessin aquarellé de
l’Armorial de Guillaume Revel, recueil d’un grand intérêt
qui présente des croquis perspectifs des principales
places fortes de la région.»
Nous aurons l’occasion de revenir sur toutes les questions
concernant la datation dans la page suivante. Pour celle-ci,
nous allons effectuer une visite assez approfondie de
l’édifice.
Nous ne revenons pas sur les images
de 1 à 9. Passons aux suivantes.
Une grande baie aveugle encadrée par des colonnettes orne la
façade Sud du chevet (image
10). Cette baie surplombe une corniche à billettes
sous laquelle on découvre un bandeau horizontal de plaques
sculptées qui fait (ou faisait primitivement) le tour du
chevet. En voici un relevé non exhaustif :
Image 11 : la
plaque située à l’extrême gauche représente un lion à queue
feuillue. La tête du lion est représentée de face. Remarque
: contrairement à ce que l’on voit d’habitude, la queue du
lion ne passe pas entre les pattes arrière. Puis, de gauche
à droite, une image non identifiée, un quadrupède représenté
à la verticale (image rencontrée à plusieurs reprises), des
entrelacs.
Image 12 : vue du
bandeau à la jonction des deux absides sud et centrale. La
partie gauche de ce bandeau sera analysée dans les deux
images suivantes. Concernant la partie située à droite sur
le mur de l’abside centrale, on peut voir une plaque
représentant des lions affrontés, encadrée par deux plaques
aux motifs de croix ou d’entrelacs à feuillages.
Image 13 : la
scène de gauche est celle devenue pour nous très classique
des «oiseaux au canthare», deux oiseaux encadrant un vase et
s’y abreuvant. Ici, la scène est cependant nouvelle. Il
semblerait que le cou des oiseaux (des oies) soit relié à un
mât par l’intermédiaire d’une corde. La scène suivante est
celle, aussi très classique, du péché originel : à gauche,
Adam cueille le fruit défendu de la gueule du serpent
enroulé dans l’arbre, et ce, sous le regard d’Ève située à
droite. Le panneau suivant est difficilement lisible :
peut-être deux quadrupèdes dressés sur leurs pattes et
affrontés.
Image 14 : à
gauche, on retrouve la scène précédente, puis deux autres
scènes non identifiables. Enfin, une plaque tout à fait
différente des autres puisqu’elle semble porter une
inscription; ligne du haut : A(LD?)E; ligne du milieu : BER.
Concernant la ligne du bas, nous avions cru lire: 16(5 ?)6.
En fait, d'après Dominique Robert, il fallait lire : TUS.
Une confirmation en a été donnée, grâce à une image de
meilleure qualité. Les trois lignes permettent de
reconstituer le nom ALDEBERTUS. Nous reproduisons ici le
texte que nous a fait parvenir Dominique Robert : «
Pour certains, dont l'Association de bénévoles Aldebertus
qui s'occupe du site, ce nom serait celui du premier
prieur, voir ici
leur site web. Pour Wikipedia,
Aldebertus aurait été le maître-maçon: “Au XIe
siècle, le prieur a fait agrandir l'église de Bouchetal
vers l'est. Les travaux ont été signés par le maître
maçon, Aldebertus. Il a démoli l'abside et les absidioles
et a construit une crypte pour compenser la dénivellation,
puis a édifié au-dessus le chœur et les absidioles.” »
Nous aurons l'occasion de revenir sur ces affirmations dans
la page suivante consacrée à la datation de cet édifice.
Image 15 : fenêtre
du chevet. Il s’agit d’une fenêtre à linteau monolithe
taillé en forme d’arc. Nous pensons –sans certitude avérée–
que ce type de fenêtre est préroman.
La visite se poursuit par l’intérieur de l’édifice (images
de 16 à 21). Remarquons que de très belles fresques
ont été conservées. Nous ne sommes pas suffisamment
compétents dans le domaine des fresques, mais il nous semble
cependant que celle de l'image
22, représentant des saints vêtus de tuniques et
d’étoles portant des croix grecques, pourrait être de type
byzantin. Il faudrait faire une comparaison avec d’autres
images du même type. Malheureusement, nous disposons de peu
d’images sur ce site.
Les
chapiteaux de la nef (images de 23 à 29)
Remarquons en premier lieu que tous ces chapiteaux –ainsi
que ceux de la crypte que nous verrons plus loin– sont
installés sur des colonnes cylindriques, et non sur des
colonnes semi-cylindriques engagées dans la paroi, comme on
le voit dans la plupart des églises romanes. La remarque
peut sembler tout à fait anodine, mais elle ne l’est pas
lorsque l’on constate que, par ailleurs, la corbeille des
chapiteaux semble obéir à la même logique circulaire et non
semi-circulaire. La question se pose au sujet de chacun de
ces chapiteaux : est-il aussi sculpté sur la partie non
visible ? Ou, d’une façon équivalente : a-t-il été
initialement sculpté dans la partie actuellement non visible
? Les deux questions amenant le même type de réponse : ces
chapiteaux seraient de remploi. Nous ne pouvons répondre à
ces questions, mais ce serait un jeu d’enfant pour un
visiteur occasionnel de passer la main derrière le
chapiteau, ou pour un archéologue confirmé de faire un
moulage au silicone de ces parties non visibles.
Image 23 : sur le
chapiteau de droite, on peut voir un personnage aux bras
levés émergeant des feuillages : orant? Atlante?
Image 24 :
chapiteau à trois rangées : entrelacs au-dessous, scène non
identifiée au milieu, rosaces et masques au-dessus.
Image 25 : sur le
chapiteau de gauche, on peut voir, au-dessus d’entrelacs aux
angles, deux figures apparentées à des têtes de bouquetins
encadrant une colonne striée. Représentation que nous voyons
pour la première fois.
Image 26. C’est le
chapiteau de l’image précédente : croix entrelacée (ce n’est
pas le «nœud de Salomon»). Image vue dans des
représentations préromanes.
Image 27 : sur le
chapiteau de gauche, on retrouve la même représentation qu’à
l'image 25. Le
chapiteau de droite est à entrelacs.
Image 28 : image
inversée par rapport à l’image précédente. Une différence
cependant concernant la tête de bouquetin de l’angle : ce
serait plutôt un torse d’homme émergeant au-dessus des
entrelacs.
Image 29. Deux
chapiteaux à trois rangées diversifiées : entrelacs,
feuilles dressées, rosaces, volutes.
Les
chapiteaux de la crypte (images de 30 à 39)
L’abside centrale de la crypte (image
30) contient un certain nombre de chapiteaux.
Certains ont été déposés sur le sol en bas à gauche (image
31) et en bas à droite
(image 32). Les
chapiteaux de la colonnade (images
suivantes de 33 à
39) seront examinés de gauche à droite.
Image 31 :
chapiteau à entrelacs.
Image 32 :
chapiteau à entrelacs.
Images 33 et 34 :
sur la face avant (image
33), un lion crachant des feuillages. Sur la face
de droite (image 34),
un animal hybride à corps de quadrupède, queue de serpent
crachant des feuillages et tête d’oiseau retournée pour
piquer le corps. Symbolisme?
Image 35 : scène
classique des «oiseaux au canthare». Entrelacs sur la face
de droite.
Image 36 : autre
scène classique des «oiseaux au canthare».
Image 37 : vue du
fond de la crypte en direction de l’ouest. On y voit deux
colonnettes surmontées de chapiteaux.
Image 38 :
chapiteau à entrelacs.
Image 39 :
chapiteau à entrelacs.
On remarque que dans cette crypte, les colonnes, de forme
cylindrique, sont constituées de fûts cylindriques de
tailles différentes, qui ont probablement été utilisés en
remploi.
La datation que nous avions établie précédemment, «an
950 avec un écart supérieur à 100 ans», doit être
réévaluée dans la page suivante.