L'église Saint-Étienne de Beauvais
Nous avons effectué une visite rapide de
ce monument en octobre 2021. La totalité des images de cette
page a été réalisée lors de cette visite.
Ami lecteur, vous êtes en droit d'être surpris en voyant ces
images et de vous interroger : « Comment se fait-il qu'elles
soient insérées dans un site consacré au Premier Millénaire
de notre ère ? ». Nous allons vous en donner la raison.
Mais auparavant, lisons ensemble un extrait de l'article du
site Internet Wikipédia consacré à cette église : « La construction de l'église
actuelle. Aucun document d'époque sur la
construction de l'église actuelle ne subsiste. Seule
l'analyse archéologique permet de dire que le chantier a
dû être lancé autour se 1100. La datation exacte ne fait
pas l'unanimité, et des avis extrêmes veulent que la
construction du chevet jusqu'à la sixième travée de la nef
soit achevée dès la fin du XIe siècle (David J.
Mc Gee) ou le début du XIIe siècle, ou bien
seulement peu avant le milieu du XIIe siècle
(Millard Fillmore Hearn). Plus communément, l'on hésite
entre deux approches moins éloignées : achèvement du chœur
en 1109, mais voûtement d'ogives seulement après
l'achèvement du transept quelques années plus tard, ou
bien achèvement du chœur vers 1120 y compris les voûtes
d'ogives, et achèvement de la nef jusqu'à la troisième
travée (en progressant d'est en ouest) au cours des années
1130.
Indépendamment
des divergences de point de vue sur la datation, l'on
distingue quatre campagnes de travaux pour l'église
romane. La première porte sur le chœur qui était long de
25 mètres sur 18 mètres de large, ainsi que sur les
parties orientales du transept. La deuxième voit la
construction du reste du transept, ainsi que de la sixième
travée de la nef et des bas-côtés. Seulement les bas-côtés
sont voûtés dès le départ. Ce n'est que par la suite que
les voûtes des croisillons sont lancées ; peu importe si
l'on considère cette phase comme faisant partie de la
seconde ou de la troisième campagne. Celle-ci concerne
l'édification de la cinquième, de la quatrième et de la
troisième travée de la nef et des bas-côtés, ainsi que du
portail septentrional. Les bas-côtés sont une fois de plus
voûtés dès le départ. En dehors des campagnes de
construction telles que définies habituellement, le
mur-pignon du croisillon nord est doté d'un riche décor
sculpté vers 1145.
La
quatrième campagne se situe seulement à la fin du XIIe
siècle ou au début du XIIIe siècle, mais l'on
évite de se prononcer sur des éléments antérieurs intégrés
dans cette campagne, qui commence à la suite d'un incendie
en 1180. Il ravage une partie de Beauvais et affecte
également le progrès du chantier. La date n'est pas tout à
fait certaine, et certaines sources avancent l'année 1188,
quand le pays souffre d'une grande sècheresse. Presque
tous les historiens de Beauvais prétendent que toutes les
églises du faubourg sont entièrement détruites, mais ceci
est au moins faux en ce qui concerne Saint-Étienne, car le
transept et les quatre dernières travées de la nef et des
bas-côtés datent incontestablement d'avant 1180.
Indiscutablement, toutes les voûtes de la nef ainsi que
les deux premières travées proviennent de cette campagne.
Le portail occidental clairement gothique n'est ajouté que
tout à la fin de la quatrième campagne, voire
ultérieurement. »
Commençons d'abord par expliquer les raisons pour lesquelles
nous avons inséré l'étude de cette édifice dans une étude
plus large consacrée aux monuments antérieurs à l'an 1000.
La première de ces raisons consiste à réaliser que l'an
mille ne doit pas être considéré comme une date butoir mais
comme une date assortie d'une approximation. On devrait
plutôt parler des « alentours de l'an mille ». Et nous
pensons que notre étude doit pouvoir aborder des monuments
que nous estimons dater du onzième siècle. Soit parce que,
pour une même époque, il peut y avoir construction de deux
types de monuments, les uns futuristes, les autres
passéistes. Soit parce que la bonne connaissance d'une
période ultérieure peut permettre à acquérir de proche en
proche une meilleure connaissance de la période que l'on
veut étudier.
Nous venons de dire que notre site s'efforce d'étudier des
monuments dont certains peuvent dater du XIe
siècle. Or que constate-on dans le texte ci-dessus ? Que
l'église Saint-Étienne pourrait avoir été construite vers
l'an 1100 … c'est-à-dire à la fin du XIe siècle.
Elle fait donc partie du cadre de notre étude. Elle en fait
partie comme d'autres déjà étudiées telles que Vézelay ou
Autun ou d'autres à venir prochainement, comme la cathédrale
de Noyon. Toutes ces églises ont en commun d'être de grandes
dimensions, d'une architecture très élaborée … et de «
flirter » avec la barre des « 1100 ». Et ces églises
devraient amener à se poser la question : « Comment se
fait-il que sur une même période et dans une même région, il
y ait deux églises aussi différentes, l'une très archaïque,
l'autre très évoluée. Dans le cas présent, la Basse-Œuvre,
étudiée dans la page précédente, et cette église dédiée à
Saint Étienne.
Cela étant dit, le texte ci-dessus nous étonne quelque peu.
Son auteur nous parle d'une construction effectuée en quatre
étapes se succédant d'Est en Ouest. Les images infirment
selon nous ce raisonnement. Observons l'image
7. Sont visibles, de gauche à droite, trois travées
de nef et une travée de transept. Si, sur les travées de
nef, les arcs sont en plein cintre, ils sont brisés au
niveau du transept. Selon nous la nef serait antérieure au
transept. Et l'image 8 nous
révèle que le chœur, à droite, serait du XIVe
siècle (gothique flamboyant, absence de chapiteaux sur les
piliers). Sur l'image 11,
on voit que les deux dernières travées de nef (à droite)
pouvues d'arcs brisés sont postérieures aux travées de
gauche. Par ailleurs, selon l'auteur de ce texte, les
croisées d'ogives auraient été installées dès le début de la
construction vers l'an 1100. Nous pensons que la
construction des voûtes en croisées d'ogives constitue la
grande invention de l'architecture gothique. Une invention
qui se serait produite peu avant l'an 1200.
Quelle pourrait être la chronologie des constructions ?
Selon nous, il existait une église peut-être antérieure à
l'an 1100. La nef n'était pas voûtée maix charpentée, hormis
peut-être les collatéraux. Dans un premier temps, on aurait
décidé de créer un transept, à l'intérieur de la nef. Ce
faisant, on a supprimé une travée de nef et on en a retréci
une autre voisine du transept. Le chœur qui existait
auparavant a été remplacé par un autre. Mais sans doute
auparavant, deux autres travées avaient été ajoutées à la
nef et les vôutes sur croisée d'ogives avaient été lancées.
L'auteur du texte nous apprend que cette
église est romane. Il est possible que les arcs en plein
cintre de la nef aient conduit à ce jugement. Cependant,
nous constatons que les chapiteaux de la nef (comme ceux de
l'image 12) ne
présentent pas les caractéristiques d'originalité typiques
du premier art roman. Nous les estimons plutôt gothiques.
La première fois que nous avons visité l'église
Saint-Étienne de Beauvais, nous avons admiré la belle
résille de pierre qui décore le pignon de la façade Nord du
croisillon Nord (images 2
et 3) et nous avons envisagé à la comparer à
d'autres résilles comme celle du portail de Clonfert en
Irlande, estimée romane, voire préromane. Il y avait
cependant un obstacle à cette idée : la présence d'une très
belle rosace d'époque gothique. Cependant les images
1, de la façade Sud, et
2, de la façade Nord, exactement semblables à
l'exception de la rosace, nous ont conduits à penser que la
rosace avait été percée ultérieurement. Nous avons alors
pensé que les statues solidaires de la rosace avaient été
posées contre la résille préexistante (image
4). Cette idée a été abandonnée après avoir observé
la présence d'un « engoulant » dévorant la corniche
horizontale supportant la résille sculptée, à droite du
groupe de statues (image 4).
Un engoulant est une extrémité sculptée en forme de gueule,
une tête d'animal réel ou imaginaire. La plupart des
engoulants que nous connaissons sont d'époque gothique. En
conséquence, la résille et la rosace pourraient être toutes
deux d'époque gothique.
Datation
envisagée pour l'église Saint-Étienne de Beauvais
La visite que nous avons effectuée de cette église était
bien trop courte pour une évaluation correcte de l'ensemble.
Cependant, nous devons exprimer notre désaccord avec
l'évaluation proposée sur le site Internet Wikipédia. Selon
nous, seules les parties inférieures (piliers, arcs et
triforiums) de quatre travées de nef pourraient être
qualifiées de « romanes » : an 1100 avec un écart de 50 ans.
Le transept serait de peu postérieur : an 1150 avec un écart
de 50 ans. Le voûtement en croisée d'ogives de la nef et du
transept seraient plus tardifs : an 1225 avec un écart de 50
ans. Et plus tardif encore, le choeur : an 1300 avec un
écart de 50 ans. Mais, nous le répétons, il s'agit là d'une
évaluation sommaire qui devrait être complétée par plusieurs
visites plus approfondies.