La basilique Sainte-Amelberge de Susteren (Limburg/Pays-Bas)
Nous n'avons pas visité cette église.
Les images ci-dessous ont pour source Internet.
Selon Madame Ava van Deijk, auteure du livre Pays-Bas
romans de la Collection Zodiaque
:
« L'ancienne
abbatiale, consacrée à Saint Sauveur, peut être considérée
comme un édifice typiquement ottonien. Il est du reste
remarquable qu'il soit demeuré pratiquement intact et, par
là, unique au Pays-Bas, ceci en dépit du fait que
certaines parties en ont été restaurées au cours des
années 1885-1891 avec une telle vigueur qu'il serait juste
d'employer à ce sujet le terme de reconstruction. Ajoutons
que l'on peut émettre des doutes sur l'interprétation des
restaurateurs en plusieurs parties de l'édifice. Cela vaut
en particulier pour la partie supérieure du massif
occidental et pour l'extérieur de la crypte, située à
l'Est du chœur.
L'église date en majeure partie de la seconde moitié du XIe
siècle ; le double monastère bénédictin auquel elle
appartenait à l'origine aurait été offert à saint
Willibrord par Pépin d'Herstal et son épouse Plectrude au
début du VIIIe siècle. Le patronage de Saint
Sauveur indique, lui aussi, une fondation très ancienne.
Il faut noter par ailleurs que, depuis le XVIIIe
siècle, l'église est consacrée à Sainte Amelberga, qui
aurait été la première abbesse de l'édifice construit
après la dévastation par les Normands, au cours du dernier
quart du IXe siècle. L'abbaye abritait alors
une communauté de moniales. [...]
Le
plan est celui d'une basilique à trois nefs et transept.
[...] De
façon tout à fait singulière, la crypte, datant du milieu
du XIe siècle, n'est pas située sous le chœur,
mais derrière lui. C'est donc une crypte extérieure à
l'église formant avec l'abside la partie la plus ancienne
car, ici aussi, selon la coutume, la construction dût
avoir lieu d'Est en Ouest (voir plan de l'image
5). [...]
[...] À
l'extérieur de l'édifice, le mur d'origine est encore
visible à certains endroits, sous forme de galets et de
grès charbonneux : ainsi, par exemple, au niveau de la
claire-voie (partie
supérieure du mur de la nef),
dans la partie inférieure du transept Nord et sur une
partie de l'abside. [...] »
Commentaires
du texte ci-dessus
On retrouve dans ce texte certains des poncifs ou
contradictions amplement décrits dans les pages précédentes.
Mais relisons ceci : « L'ancienne
abbatiale, consacrée à Saint Sauveur, peut être considérée
comme un édifice typiquement ottonien. », puis
« L'église
date en majeure partie de la seconde moitié du XIe
siècle » et précisons ce que signifient les
mots « carolingien » et « ottonien ».
Bien que nous n'aimions pas ces deux mots qui semblent
attribuer l'invention de styles d'architecture à des
initiatives de rois (nous leur préférons des mots tels que
« du IXe siècle » ou « du Xe
siècle »), nous devons les expliquer. L'architecture dite
« carolingienne » se serait développée lors de la
dynastie du même nom, de l'an 800 à l'an 887, la première
moitié du IXe siècle étant privilégiée.
L'architecture dite «ottonienne » se serait développée
lors de la dynastie du même nom, de l'an 962 à l'an 1024, la
deuxième moitié du Xe siècle étant privilégiée.
Les styles d'architecture ne sont pas encore tout à fait
définis. mais on peut les considérer comme distincts et
distants de plus d'un siècle. Et le style dit « typiquement
ottonien. » ne peut être que différent du style
roman de la seconde moitié du XIe siècle. Nous
voyons donc dans ce rapprochement de ces deux phrases la
manifestation de ce que nous avons appelé les
« terreurs de l'an mille des historiens » :
ceux-ci seraient « terrorisés » face à l'idée
qu'un monument puisse être antérieur à l'an mille.
Un autre de ces poncifs nous est révélé par la phrase
: « l'édifice
construit après la dévastation par les Normands, au cours
du dernier quart du IXe siècle ». Nous
retrouvons ici le caractère légendaire des destructions
opérées par les Normands. « Caractère
légendaire » ? Il nous faut préciser ce mot !
Les épisodes de destructions par les Normands sont évoqués
dans de nombreuses vies de Saints. Les historiens accordent
en général une confiance très médiocre à ces vies de saints
dont la plupart semblent taillées sur le même modèle et
raconter, avec des variantes, les mêmes actions
extraordinaires du saint magnifié. Par contre, en ce qui
concerne les dévastations par les Normands, le doute n'est
pas permis et il ne vient à l'esprit de personne que les
dommages auraient pu être provoqués par d'autres que les
Normands : une abbaye concurrente, un seigneur local,
des paysans révoltés. Si nous écrivons cela, c'est parce que
nous avons constaté que dans les siècles qui nous précèdent,
les principales dévastations n'ont pas été opérées par des
envahisseurs extérieurs, mais des adversaires intérieurs
(guerres de religion, révolutions). De plus, si on raisonne
en matière de stratégie militaire, pour qu'une opération
militaire puisse être organisée en territoire neutre ou
ennemi, il faut disposer d'une base opérationnelle située à
proximité de ce territoire. Or, jusqu'à présent, les seuls
restes typiquement normands se trouvent au Nord de
l'Angleterre, bien loin de certaines abbayes des Alpes ou du
Massif Central qui auraient été dévastées par les Normands.
Terminons ensuite par la confusion révélée dans la même
phrase : « l'édifice
construit après
la dévastation par
les Normands ». Un édifice « dévasté »
doit-il être obligatoirement « reconstruit » ?
Chaque année, des milliers de français découvrent leurs
habitations dévastées à la suite d'un cambriolage. Ces
habitations sont-elles reconstruites après cet
événement ? Si nous insistons sur ce point, c'est bien
parce que les diverses dévastations décrites dans les vies
de saints s'apparentent plus à des pillages qu'à des
volontés destructrices. Les pillards en question s'attaquent
plus à des trésors (objets liturgiques, reliquaires,
peut-être même reliques) qu'à des abbayes. Dans la pratique,
les pillards s'emparent des objets précieux … et décampent
le plus rapidement possible, et, bien sûr, sans démonter
l'église, pierre après pierre.
Concernant le dernier paragraphe, commençant par « [...] À
l'extérieur de l'édifice, le mur d'origine est encore
visible [...]
», certaines de ses parties , la « claire-voie
» et la
« partie
inférieure du transept Nord »,
sont visibles sur l'image
2 (en blanc écru). Cependant, nous ne pensons pas
qu'elles appartiennent au mur d'origine : le transept
Nord est, selon nous, postérieur à la nef ; la
claire-voie, qui appartient aux partes supérieures, est plus
susceptible d'avoir été modifiée.
Datation
Nous pensons que cette église est nettement plus ancienne
que ne l'écrit l'auteure.
La crypte.
Voilà ce qu'elle nous dit : « De
façon tout à fait singulière, la crypte, datant du milieu
du XIe siècle, n'est pas située sous le chœur
». Elle a raison de souligner le caractère exceptionnel de
cette crypte, mais nous avons eu auparavant
l'occasion de voir le même type de singularité tout à côté,
en Belgique, à Stavelot et Fosses-la-Ville. Nous avons pour
ces deux églises émis l'idée que les cryptes situées à
l'extérieur et à l'Est du chœur de l'actuelle église
pouvaient être les restes de la partie inférieure du chœur
d'une église plus ancienne (images
1 et 6, plan de l'image
5). Cette église devait être à nef triple ou
quintuple et chevet carré. Nous ne pouvons pas pour autant
certifier cette hypothèse.
La nef (images
7 et 8 et plan de l'image
5). C'est cette nef qui serait « typiquement
ottonienne ». Ses caractéristiques sont les
suivantes : nef à trois vaisseaux charpentés, le vaisseau
central étant porté par un système mixte de piliers
(alternance de piliers rectangulaires et de colonnes
cylindriques). En règle générale (mais ce n'est pas
clairement visible ici), une travée de vaisseau central
correspond à deux travées des collatéraux.
L'ouvrage Ouest,
décoré d'arcatures lombardes (image
4), serait postérieur à la nef (an 1025 avec un
écart de 50 ans).
Datation envisagée
pour la nef de la basilique Sainte-Amelberge de Susteren :
an 950 avec un écart de 50 ans.