L'église Notre-Dame de Roermond (Limburg/Pays-Bas) 

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Nous n'avons pas visité cette église. Les images ci-après sont issues d'Internet.

Selon Madame Ava van Deijk, auteure du livre Pays-Bas romans de la Collection Zodiaque (extraits) : « Longtemps, Roermond fit partie du comté de Gueldre : la ville
était en fait le chef-lieu de la Haute-Gueldre. C'est à peu près à l'époque de la fondation de l'abbaye, c'est-à-dire au début du XIIIe siècle, que la ville dût obtenir ses droits de cité.


Église abbatiale Notre-Dame (O.L. Vrouwe Munsterkerk)

De l'abbaye de moniales cisterciennes consacrée à la Sainte Vierge, l'église est le seul monument conservé. Les derniers vestiges des bâtiments monastiques furent démolis en 1924 (!) [...] Un document de 1218 nous apprend que l'abbaye fut fondée officiellement par le Comte Gérard IV de Gueldre (1207-1229), mais il est vraisemblable que la construction en avait été entreprise auparavant. [...] En effet, en 1220 et 1224, il est fait mention de consécrations concernant probablement la partie orientale de l'église. On peut se demander si l'achèvement particulièrement rapide des travaux donne à entendre qu'une église existait déjà en ce lieu ? Cette thèse est défendable si on se souvient qu'en 1213, Roermond subit les pillages de l'armée d'Otton IV et que son église fut dévastée. Dans ce cas, il ne s’agirait d'une reconstruction d'un édifice déjà existant. Des contradictions et d'autres anomalies dans le plan de l'église trouvent ainsi une explication, comme, par exemple, le fait que celle-ci, avec ses tours et sa riche décoration, réponde bien mal à la conception architecturale cistercienne. [...] »


Commentaires de ce texte

Il témoigne d'une erreur rencontrée fréquemment, la confusion entre « construction » et « fondation » : on construit des bâtiments ; on fonde une communauté humaine. Une coïncidence entre la construction et la fondation est certes possible mais, de fait, assez rare, si l'on se réfère à des exemples actuels. Le plus souvent, lorsqu'il y a fondation d'une communauté, soit son installation se fait dans des bâtiments construits longtemps auparavant, soit son installation est très progressive et la nécessité de construire des bâtiments plus importants ne se manifeste que longtemps après.

Une autre erreur consiste à s'imaginer que les relations entre communautés religieuses sont des relations sereines et apaisées. Elles ne le sont parfois pas à l'intérieur de ces communautés. Elles peuvent l'être encore moins entre deux communautés lorsque ces communautés se font concurrence dans une même région. Et, pour le Moyen-Âge, cela a pu donner naissance à des conflits armés, ou à l'intervention de la force publique pour chasser une communauté de son monastère.

Les éléments qui nous sont rapportés pourraient faire envisager le scénario suivant : en 1204, l'empereur Otton IV s'empare de l’abbaye de Roermond et en chasse les moines, peut-être à la demande de Gérald IV de Gueldre. Celui-ci installe dans l'abbaye qui n'a pas été détruite une communauté de religieuses cisterciennes. Cette installation est accompagnée de consécrations (car il faut resacraliser le lieu). Mais une question se pose : comment se fait-il que l'on ait aucun document concernant la communauté ayant précédé la communauté cistercienne ? La réponse est simple : les archives qui ont été conservées sont celles du dernier occupant des lieux, les religieuses cisterciennes. Si celles-ci ont fait chasser la communauté précédente, qui avait peut-être l'appui de la population autochtone, croyez-vous qu'elles s'en seraient vantées ?


Datation

Les analyses précédentes (celles de Madame Ava van Deijk et les nôtres) permettent d'envisager l'hypothèse d'une église construite au moins partiellement avant 1218.
À cela s'ajoute le fait que sur la plupart des vues de cet édifice (images 1, 2, 5, 6, 7, 8), les arcs sont en plein cintre. On ne voit des arcs brisés que sur l'ouvrage Ouest (image 5) et le chœur (image 9). Imaginons que l'abbatiale de Roermond ait été construite après la fondation de 1118. Compte tenu des délais de construction (mobilisation des capitaux, élaboration d'un plan, chantier préparatoire), l'édification réelle n'a pu commencer que vers 1230. C'est-à-dire, sauf erreur de notre part (une erreur pour laquelle il faudrait apporter des preuves), en pleine période gothique ; avec des éléments très caractéristiques de cette période (arcs brisés, fenêtres à lancettes, arcs-boutants, …). Ce qui n'est pas le cas.

Sur l'image 6 on peut voir, à l'extrême gauche et à l'extrême droite, des arcs à double rouleau. Et, en remontant en direction du chœur, les arcs sont à simple rouleau (à gauche et à droite sur l'image 6 et image 7). Nous estimons que l'arc à double rouleau est plus récent que l'arc à simple rouleau. En conséquence, le « pseudo-transept » qui précède l'ouvrage Ouest serait plus récent que la nef.

Nous pensons que celle-ci est la partie la plus ancienne de l'édifice. Elle devait être primitivement charpentée. Le vaisseau central est formé de deux travées visibles à l'extérieur (partie centrale de l'image 5). Pour chacune des travées du vaisseau central, correspondent deux travées des collatéraux. Il semblerait que ce système ait été prévu dès l'origine, mais il faudrait vérifier sur place. Le modèle peut être qualifié « d'ottonien ». Notons l'existence de tribunes (ou triforiums) permettant de faire le tour complet de l'édifice à l'étage supérieur.

Datation envisagée pour la nef de l'église Notre-Dame de Roermond : an 950 avec un écart de 100 ans.