La basilique Notre-Dame de Maastricht (Limburg/Pays-Bas) 

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Nous n'avons pas visité cette basilique, c'est pourquoi les images de la présente page ont été recueillies sur Internet.

Nous commençons par un long exposé sur l'origine de Maastricht par Madame Ava van Deijk, auteure du livre Pays-Bas romans de la Collection Zodiaque :

« À l'époque de l'empereur Auguste (27 av. J.C . - 14 apr. J.C .), une ligne fortifiée fut aménagée le long du Rhin. Maastricht, Trajectum ad Mosam ou encore Trajectum Superioris, apparaît à cette époque, comme établissement romain, à un endroit déjà habité à l'âge du fer. [...] Il est certain que depuis le premier siècle, il a existé un pont sur la Meuse. L'établissement, situé près du confluent du Geer (Jeker) et de la Meuse, se développa des deux côtés de ce pont. Celui-ci présentait un intérêt stratégique capital, car il assurait la liaison entre Cologne et l'Ouest. Le pont se trouvait un peu plus haut que celui aux arches en plein cintre que nous voyons actuellement et qui a été construit au cours du dernier quart du XIIIe siècle. Au IVe siècle, les attaques répétées des troupes franques rendirent nécessaire l'érection d'une forteresse ou castellum. Au Ve siècle néanmoins, les Francs réussirent à s'emparer de ces contrées et à les soumettre à leur autorité. Elles passèrent plus tard sous celle des rois mérovingiens.

Au IVe siècle, Servatius (Servais), évêque de Tongres, se rendant à Maastricht, mourut avant d'y arriver. Cela aurait eu lieu en 384. L'évêque fut enterré ensuite hors des murs de la ville romaine près du pont romain. Autour du tombeau de Servais, se développa assez rapidement un culte qui fut à l'origine d'une église funéraire.

Tout cela explique pourquoi, depuis lors, Maastricht s'est organisé autour de deux noyaux : l'un formé par le
castellum romain, où se trouvait l'église Notre-Dame (O.L. Vrouwekerk), l'autre autour du tombeau de Saint Servais, (Sint-Servaaskerk), devant les entrées occidentales du castellum. C'est aussi pour cette raison que la cité future connut ce qu'on appelle la double seigneurie : la partie entourant la basilique Notre-Dame dépendant de l'évêque de Liège, l'église libre impériale, des Ducs de Brabant.

Sans doute assez rapidement, une concurrence farouche s'établit entre les deux églises. Concurrence qui tenait au prestige que chacune d'elles entendait revendiquer pour son propre compte. Bien que la question soit d'importance, on ne peut savoir de façon sûre laquelle de ces deux églises remplissait la fonction de cathédrale. La question est liée à la présence d'un siège épiscopal à Maastricht. On sait seulement qu'à partir du 
VIe siècle, un certain nombre d'évêques se faisaient appeler non seulement évêque de Tongres, mais aussi de Maastricht. On ignore toutefois à quel moment le siège épiscopal a été déplacé ; en outre, il est possible que Maastricht ait servi seulement de lieu de résidence, non de siège épiscopal indépendant. Au début du VIIIe siècle, ce dernier fut transféré à Liège.

Si jamais Maastricht a possédé une cathédrale, celle-ci aurait dû être logiquement Notre-Dame. En effet, dès le début, il a existé des liens étroits entre les évêques de Liège et le chapitre de Notre-Dame. En outre, il est plausible que la cathédrale se soit élevée dans le plus ancien des deux noyaux, le
castellum romain. Le fait que les évêques recevaient hommage au titre de co-souverains semble constituer un autre argument de poids. Enfin, parmi les cathédrales de la Gaule, le patronage de Notre-Dame était particulièrement recherché.

Cependant, comme la présence de deux noyaux d'habitation le faisait déjà pressentir, Maastricht servait de résidence, non seulement à l'évêque, mais aussi à la cour, celle des rois francs, qui a dû se trouver dans l'angle Sud-Est du Vrijthof. En 1204, le roi remit la ville en fief au Duc de Brabant.
[...] »


Commentaires de ce long texte

1) La phrase « L'établissement,[...], se développa des deux côtés de ce pont. Celui-ci présentait un intérêt stratégique capital, car il assurait la liaison entre Cologne et l'Ouest. » révèle ce qui est selon nous une erreur commune à la grande majorité des historiens. Selon ce qui est écrit ci-dessus, le pont, et en conséquence, la route portée par ce pont, présentent un intérêt stratégique. Nous pensons que ce n'est pas la route qui présente un intérêt stratégique mais le fleuve : ici la Meuse, mais surtout, tout à côté, le Rhin, et ailleurs, le Danube et le Rhône. Prenons l'exemple du Rhône qui se jette dans la Méditerranée : toutes les villes importantes étaient durant la période antique des ports maritimes ou fluviaux permettant d'accéder rapidement au centre de la Gaule : Narbonne, Béziers, Lattes, Nîmes (si ce n'est un port maritime, du moins très proche de la mer par le fleuve Vistre, actuellement ensablé), Arles, Avignon, Cavaillon, Vienne, Lyon. Les historiens ont tendance à affirmer que le Rhin constituait une frontière naturelle. Nous pensons le contraire : c'était une voie de pénétration en Germanie comme l'est actuellement l'Amazone pour la forêt brésilienne. Si les romains ont pu s'installer pendant des siècles dans des villes comme Cologne, Coblence ou Strasbourg, c'est parce qu'en cas d'attaque, une puissante flotte romaine pouvait se porter à leur secours.

2) La phrase « [...] Maastricht s'est organisé autour de deux noyaux : l'un formé par le castellum romain, où se trouvait l'église Notre-Damee, [...] l'autre autour du tombeau de Saint Servais, » confirme une hypothèse formulée par André Corboz (Haut Moyen-Âge, Office du Livre, Fribourg). À l'aide d'exemples, André Corboz montre que les villes du Haut Moyen-Âge pouvaient être constituées de plusieurs quartiers séparés entre eux et fermés. Nous avons pu vérifier cette hypothèse dans de nombreux cas. Et, en ce qui concerne la ville de Toulouse, Ausone exalte le capacité de ses citoyens à réunir cinq villes en une seule. Nous pensons que ces quartiers séparés et indépendants d'une même ville étaient occupés par des peuples différents, chacun ayant sa propre culture, sa propre langue, ses propres lois. Il devait y avoir un quartier latin, hérité des romains, et un ou plusieurs quartiers barbares (le mot « barbare » pouvant désigner une population autochtone installée là avant les romains, ou une population immigrée de peuples fédérés).

3) Les phrases « Sans doute assez rapidement, une concurrence farouche s'établit entre les deux églises. Concurrence qui tenait au prestige que chacune d'elles entendait revendiquer pour son propre compte. Bien que la question soit d'importance, on ne peut savoir de façon sûre laquelle de ces deux églises remplissait la fonction de cathédrale. » viennent en complément de ce qui a été dit ci-dessus. Nous ne pensons cependant pas que la concurrence dont il est ici question, concurrence probablement révélée par des textes historiques, soit une question de prestige. S'il est exact que les quartiers étaient occupés par des peuples distincts, les antagonismes devaient largement dépasser les questions de prestige. D'ailleurs, le prestige cache le plus souvent des situations plus conflictuelles : mettre un employé « au placard » signifie qu'on veut s'en débarrasser à moindres frais.

4) La phrase « Bien que la question soit d'importance, on ne peut savoir de façon sûre laquelle de ces deux églises remplissait la fonction de cathédrale. » nous amène à suggérer la réponse : « Et si les deux églises avaient été des cathédrales ? ». Nous avons dit auparavant que chacun des deux quartiers pouvait être occupé par une ethnie spécifique ayant sa propre culture, sa propre langue, ses propres lois … et son propre évêque. Déroulons à présent l'écheveau en utilisant les révélations du texte avant et après la phrase ci-dessus. Il y a le quartier de l'ancien castellum romain. Dans ce quartier, se trouve l'église Notre-Dame. Or comme le dit l'auteure : « parmi les cathédrales de la Gaule, le patronage de Notre-Dame était particulièrement recherché.». En fait, notre recherche nous a permis de comprendre que le patronage d'une cathédrale par Notre-Dame de l'Assomption était quasi systématique et ce, pour une raison simple : les évêques sont successeurs des apôtres qui ont été envoyés évangéliser le monde au moment de l'Assomption de Notre-Dame. Ce quartier est occupé par des latins. L'église Notre-Dame est en relation avec la cathédrale de Liège qui se trouve dans une région francophone à langue héritée du latin. Saint Servais est venu de Tongres qui se trouve dans une région néerlandophone. On apprend que l'évêque de Tongres est aussi évêque de Maastricht. L'évêque de Tongres, néerlandophone, ne pourrait-il pas être aussi évêque de la population néerlandophone de Maastricht ? Laquelle population néerlandophone est en concurrence avec la population latine de la même ville.

5) La phrase «  C'est aussi pour cette raison que la cité future connut ce qu'on appelle la double seigneurie : la partie entourant la basilique Notre-Dame dépendant de l'évêque de Liège, l'église libre impériale, des Ducs de Brabant. » révèle aussi une autre pratique du Haut Moyen-Âge qui s'est perpétuée jusqu'au Bas Moyen-Âge : la partition de la ville en deux seigneuries, une dépendant de l'évêque, l'autre dépendant du seigneur vassal du roi. Ces deux personnages avaient pouvoir de juridiction sur les habitants des quartiers dont ils avaient la charge. Ils avaient aussi le droit de percevoir des taxes. Cette pratique pourrait être issue des édits de Constantin qui a décidé de confier les juridictions urbaines aux chrétiens, et, en premier lieu, à leurs évêques. Les villes quant à elles n'avaient pas la possibilité de se défendre seules. Elles ont confié cette défense d'abord aux armées romaines puis à des peuples fédérés tels que vandales, goths, burgondes, francs. Lesquels peuples dépendaient des juridictions de leurs rois respectifs.


Poursuivons la description de l'église Notre-Dame par Madame Ava van Deijk :

« La source écrite la plus ancienne mentionnant la basilique Notre-Dame date du XIe siècle. Elle nous informe que l'évêque de Liège, Baldéric II (1008-1018), fonda une crypte dans l'église Notre-Dame. Dès le IXe siècle cependant, il est fait mention de biens offerts à l'église Notre-Dame dans d'anciens kalendaria ce qui signifié qu'à cette époque l'église existait déjà. »


Commentaire de cette partie

Notons d'abord l'importance de la phrase : « Dès le IXe siècle cependant, il est fait mention de biens offerts à l'église Notre-Dame dans d'anciens kalendaria ce qui signifié qu'à cette époque l'église existait déjà. » En quoi cette phrase peut-elle avoir de l'importance, direz-vous, ami lecteur ? Tout simplement parce que si cette église avait été en France, on aurait obtenu comme phrase : « Dès le IXe siècle cependant il est fait mention de biens offerts à une église Notre-Dame dans d'anciens kalendaria, mais ce n'est pas l'église que l'on voit, parce qu'elle date du XIIe siècle. ». Eh oui ! En France, cette église ne serait même pas datée du XIe siècle. L'évêque Baldéric II qui vivait dans le premier quart du XIe siècle n'a pas pu aménager cette crypte dans cette église puisque, en France, les églises ont été construites après l'an 1050. Avant cette date, c'était le néant! Du moins pour les historiens ou archéologues français arc-boutés sur leurs convictions. Bien entendu, nous préférons la position des historiens néerlandais, au moins sur ce point.

La phrase « Elle nous informe que l'évêque de Liège, Baldéric II (1008-1018), fonda une crypte dans l'église Notre-Dame. » semble confirmer un point de vue que nous avons exprimé à plusieurs reprises : il est possible que, dans certains cas, la crypte (église inférieure) soit construite peu avant ou en même temps que l'église supérieure. Mais dans la plupart des cas que nous avons rencontrés, les cryptes sont aménagées à l'intérieur d'églises déjà construites, seuls les murs du pourtour étant anciens, les colonnes et les chapiteaux étant souvent de remploi.


Le plan de l'image 1 et la vue par satellite de l'image 2 font apparaître certains éléments caractéristiques déjà vus à Kerkrade-Rolduc (page précédente). Soit, en partant de la droite (Est) :

– Un chevet constitué d'une vaste abside semi-circulaire, de diamètre presque aussi grand que la largeur totale de l'église. Cette abside est encadrée par deux tours à base carrée et deux absidioles semi-circulaires complètant l'ensemble.

–  L'abside, les tours et les absidioles sont greffées sur un transept fortement débordant. Il s'agit d'un transept bas : le faîte des toits des croisillons ne dépasse pas le mur gouttereau du vaisseau central de la nef.

–  une première travée de nef.

–  un « pseudo-transept » (transept bas non débordant).

–  une deuxième travée de nef.

–  un autre « pseudo-transept » plus étroit que le précédent.

–  l'ouvrage Ouest très étroit.


L'image 8 de l'intérieur de la nef présente la succession, de gauche à droite, d'une travée de nef, d'un pseudo-transept, et d'une autre travée de nef. Cette succession est identique à ce que l'on a vu à Kerkrade (page précédente).

On peut donc imaginer le même scénario de construction de cette église. À l'origine, une nef à trois vaisseaux et quatre (voire cinq) travées. Elle est entièrement charpentée. Probablement, le vaisseau central est prolongé par une abside. Il en est peut-être de même pour les vaisseaux secondaires. Le vaisseau central est porté par des piliers à section rectangulaire et des colonnes cylindriques disposés en alternance. Les arcs reliant les piliers sont simples.

Nous pensons que, comme à Kerkrade, le transept et les deux pseudo-transepts ont été construits ultérieurement, mais toujours en période romane (XIIe siècle) en remplacement de travées de nef. Un nouveau chevet aurait été greffé sur le transept.

Le voûtement en croisées d'ogives très élaborées serait une création du XIVe siècle, voire XVe siècle.


Datation envisagée pour la basilique Notre-Dame de Maastricht : an 950 avec un écart de 100 ans.