L'église Sainte-Croix de Nin
• Balkans • Article
précédent • Article suivant
La plupart des images de cette page ont été prises lors de
la visite de cette église, effectuée en septembre 2011. Les
autres sont extraites de galeries d'images d'Internet.
La page du site Internet Wikipédia consacrée à cette église
nous apprend ceci :
« L'église de la
Sainte-Croix, la cathédrale la plus petite du monde
Parmi les monuments ayant le plus de valeur et le mieux
préservés d'architecture chrétienne, l'église de la
Sainte-Croix date du IXe siècle, première
période chrétienne des Croates. L'église est la seule
structure sacrée dans Nin qui soit restée intacte depuis
sa construction. Elle mesure 7,80 m de long, 7,60 m de
large et 8,20 m de haut (mesures intérieures), tandis
que ses murs ont 57 cm d'épaisseur. On l'appelle
populairement “la cathédrale la plus petite du monde”
(surnom qu'elle doit à Thomas Jackson, architecte
anglais qui a achevé le clocher de Sainte-Anastasia à
Zadar au XIXe siècle). Pendant la période des
dirigeants croates, c'était la chapelle de la cour du
prince. L'édifice a été construit sur les vestiges de
maisons antiques (Ier-VIe siècle)
visibles encore aujourd'hui et entouré de tombes
médiévales. »
Commentaires divers
Cette petite église n'est probablement pas « “la
cathédrale la plus petite du monde” ».
Car, selon nous, elle n'a jamais été une cathédrale. Une
cathédrale doit être suffisamment vaste pour contenir un
nombre important de fidèles. De plus, à l'époque, l'évêque
devait être installé dans l'abside, face aux fidèles.
L'architecture d'une cathédrale devait être celle d'une
basilique à nef à trois vaisseaux et non d'un édifice à plan
en croix. De plus, la plupart des cathédrales étaient
dédiées à Sainte Marie. Et nous verrons plus loin, dans la
page consacrée au musée archéologique de Nin, qu'il y avait
dans Nin plusieurs églises à plan basilical dont l'une
dédiée à la Vierge Marie.
Mais alors pourquoi cette église a-t-elle été désignée comme
cathédrale ? Nous ne pensons pas que ce soit dû à une idée
saugrenue de « Thomas
Jackson, architecte anglais ... au
XIXe siècle ». Thomas Jackson a
sans doute réagi à des affirmations d'historiens locaux
désignant cette église comme étant une cathédrale. Il faut
comprendre l'importance de Nin dans l'imaginaire croate.
C'est à l'évêque Grégoire de Nin qu'est attribué le
fondement de la nation croate. Cet évêque a négocié avec la
papauté le respect de l'identité croate dans le domaine
liturgique. C'est l'événement fondateur de la Croatie. Or au
XIXe siècle, alors qu'il y avait eu auparavant
une dizaine d'églises, il ne restait à Nin que deux églises,
Saint-Anselme et Sainte-Croix. L'église Saint-Anselme
autrefois préromane a été profondément modifiée à l'époque
baroque et il était impossible de la désigner comme
cathédrale primitive. Il restait l'église Sainte-Croix,
assurément ancienne, qui a aussitôt été attribuée au « IXe
siècle, première période chrétienne des Croates. ».
Si nous mettons cette phrase en caractères gras, c'est pour
faire apparaître le caractère idéologique de l'affirmation.
Car nous verrons plus loin que nombre d'autres édifices de
Dalmatie, d'apparence identique, voire plus archaïque que
celui-ci, sont tous attribués au XIe siècle,
autres affirmations à caractère idéologique. Il ne faut
cependant pas jeter le blâme sur les historiens croates.
Dans tous les pays, les historiens ont procédé de même, et,
dans de nombreux cas, certains continuent à le faire au
détriment parfois de la vérité historique.
Sur la vue par satellite de l'image
1, on peut voir l'église au centre du paysage
quadrillé des anciens quartiers de la ville de Nin. Nous ne
connaissons pas l'interprétation qui a été donnée de ce plan
de fouilles, mais il semblerait que l'on soit en présence
d'un quartier résidentiel et non d'un palais, ce que
pourtant laisserait croire l'affirmation ci-dessus, «Pendant
la période des dirigeants croates, c'était la chapelle
de la cour du prince. » On peut
voir aussi que la chapelle s'inscrit logiquement dans ce
quartier. On peut donc penser qu'elle a été construite au
milieu de ce quartier après l'achat d'une ou plusieurs
habitations.
Les images 2, 3, 4, 5 montrent
une église à plan en croix : autour d'un noyau carré portant
une tour-lanterne cylindrique, sont disposés quatre corps de
bâtiment à plan rectangulaire donnant à l'ensemble un plan
en forme de croix grecque. Une structure presque parfaite
avec des frontons décorés d'arcatures aveugles : trois pour
ceux des côtés entrée et abside, une pour les deux autres
côtés. Cette apparente harmonie est cependant en partie
détruite par les deux absidioles semi-circulaires situées de
part et d'autre de l'abside principale, rectangulaire (image 4). D'où la
question que nous nous posons : ces deux absidioles ne
seraient-elle pas le résultat de travaux ultérieurs ?
Cette église Sainte-Croix de Nin n'est pas une exception en
Europe. Plusieurs sont décrites sur notre site. En
particulier en Géorgie et en Arménie. Mais il en existe
aussi en Europe de l'Ouest. Dont certaines dédiées à Sainte
Croix. Nous pensons en particulier à Sainte-Croix de
Montmajour, dans les Bouches-du-Rhône. Mais ces églises
n'ont pas comme celle-ci trois absides. Ce qui nous fait
envisager que les absidioles ont été ajoutées
ultérieurement. Peut-être à une période de plus grande
dévotion à la Sainte Trinité ?
Nous estimons que cet édifice est préroman : absence du
système chapiteau-tailloir, utilisation d'impostes, absence
de décor sculpté sur ces impostes, emploi d'un décor peint
(fresques, image 14).
À tout cela, il faut ajouter la présence du linteau du
portail d'entrée (image 6
puis image 7).
C'est le seul élément sculpté de cette église. Il est orné
de deux bandeaux superposés de feuillages entrelacés
enroulés en forme de disques. Dans le bandeau supérieur, les
disques contiennent un objet : fleur à 4 pétales, croix
pattée (image 7).
Ce décor est, selon nous, typiquement préroman.
Datation
envisagée pour l'église Sainte-Croix de Nin : an
850 avec un écart de 100 ans.