L'église Saint-Denis de Bökenförde
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Nous n'avons pas visité cette église. Notre étude de cet
édifice s'est inspirée de pages d'Internet (ex : Wikipédia)
et de l'analyse de galeries d'images issues d'Internet. Nous
avons en particulier abondamment consulté le site Internet http :
//romanische-schaetze.blogspot.com/ qui a recueilli
les images de plusieurs centaines de monuments. Notre site
traitant seulement du premier millénaire, nous n'avons
conservé que les monuments susceptibles d'appartenir à cette
période, mais ce site, dont le nom se traduit en français
par « Trésors
romans », est beaucoup plus riche en monuments et
nous en conseillons la lecture. Certaines images ci-dessous
sont extraites de ce site Internet. De plus, nous avons pu
identifier un nombre important de monuments grâce au livre Westphalie
Romane de la Collecton Zodiaque,
écrit par Uwe Lobbedey.
La page du site Internet Wikipédia consacrée à cette église
nous apprend ceci :
« Histoire et architecture
En 1005, le roi Henri II fit don de vastes propriétés à
Bökenförde, à l’évêque Rethar de Paderborn. Le domaine du
predium de
Bökenförde à “villa bochinvordi” avait
déjà été mis à la disposition du roi pour don par son
aumônier de cour Meinwerck, qu'il a nommé évêque de
Paderborn en 1009. Une église est également incluse dans
la liste des domaines, de sorte que l’église Bökenförde
est considérée comme l’église de la famille Immedinger.
La
basilique romane à deux travées a été construite au XIIe
siècle. La tour et l’église font forte impression. Dans la
partie ancienne de l’église, il y a des travées de nef
carrées. Un transept a été ajouté vers 1900. Dans les
bas-côtés, il y avait à l’origine des absides murales,
dont les rudiments sont encore conservés. Les bas-côtés
sont équipés de voûtes en berceau dans le sens de la
longueur avec des capuchons de point 1 . Environ
la moitié du bas-côté nord a été remplacée par une
extension gothique au XVIe siècle. Le hall de
la tour est ouvert sur la nef depuis 1900. L’église est un
lieu de pèlerinage depuis 1719. »
Note 1 : Un
capuchon de point est une « voûte en berceau plus petite »
qui coupe généralement une « voûte principale » à angle
droit (moins souvent obliquement). Ces
« voûtes secondaires » sont placées, par exemple, au-dessus
des ouvertures des fenêtres ou des portes, dans des niches
ou des pièces auxiliaires plus petites afin d’améliorer
l’éclairage de la voûte ou de permettre un accès latéral.
Commentaires sur ce texte
On note tout d'abord la manifestation d'une pratique
rencontrée presque systématiquement à l'occasion des
commentaires sur l'histoire des monuments : l'auteur du
texte (d'un site Internet ou d'un livre spécialisé) nous
apprend qu'il existait une église antérieure à l'an mille.
Puis, immédiatement après, que l'église actuelle est du XIIe
siècle. Qu'est devenue l'église précédente ? On n'en dit mot
!
C'est bien ce qui se passe ici : « En
1005, le roi Henri II fit don de vastes propriétés à
Bökenförde,... Une
église est également incluse dans la liste des domaines
...». Avec un fort indice de probabilité, l'église citée
dans le texte de 1005 est l'église Saint-Denis de Bökenförde
(ou dans son voisinage immédiat) et elle est antérieure à
l'an mille. Cette information est immédiatement suivie par «
La
basilique romane à deux travées a été construite au XIIe
siècle. ». Dans ce rapprochement entre les deux
phrases, se dégage une ambiguité, si ce n'est une
contradiction. Si la première partie est solidement
argumentée (on y cite Henri II, Rethard, Meinwerck) et
probablement vraie, la seconde n'est, quant à elle, pas
argumentée. Concernant le comportement de l'auteur, nous
avons alors deux choix possibles. Soit il est réellement
convaincu que cette église est du XIIe siècle et
il dispose d'arguments solides pour le prouver. Mais ces
arguments, pourquoi ne les expose-t-il pas ? Et pourquoi ne
rien dire sur l'église antérieure à l'an mille qui aurait
disparu ? Ne serait-ce que de l'avoir cherchée et de ne
l'avoir pas trouvée ? Pour le deuxième choix, l'auteur n'est
pas réellement convaincu que cette église est du XIIe
siècle. Mais on peut s'étonner que, ne serait-ce que par pur
chauvinisme, il ne proclame pas que des parties de l'édifice
datent du IXe ou Xe siècle. C'est ce
que nous comptons écrire ci-dessous et pourtant nous n'avons
aucune raison d'être chauvins vis-à-vis de cette église que
nous venons tout juste de découvrir.
Nous devons à présent parler de la phrase, « Dans
les bas-côtés, il y avait à l’origine des absides murales,...».
Ce que l'auteur appelle une « abside murale » est très
probablement une abside à plan semi-circulaire insérée dans
le mur extérieur Est. Cette abside n'est donc pas visible de
l'extérieur. Nous pensons que cette information est très
intéressante, bien que nous ne soyons pas encore en mesure
de l'évaluer correctement. Dans le cas des nefs à trois
vaisseaux, il y plusieurs types de terminaison du plan côté
Est : murs plats (absides non apparentes) ou absides
apparentes. Et, dans le détail, d'autres possibilités encore
en fonction du nombre d'absides (1 ou 3). Nous pensons que
les choix architecturaux sont liés à des convictions
religieuses. Ainsi, aux premiers temps du christianisme, le
prosélytisme était interdit. Et donc les absides construites
à l'intérieur de l'édifice ne devaient pas être visibles de
l'extérieur. Un plan d'église est très fréquent : celui des
nefs à trois vaisseaux avec trois absides en prolongement de
ces vaisseaux. Mais ce plan se diversifie suivant si les
trois absides sont visibles de l'extérieur ou si une seule,
l'abside centrale, est visible (les deux autres étant «
murales », comme dans le cas présent). Nous pensons que dans
chacun des cas, les choix architecturaux sont liés au dogme
de la Trinité qui pouvait être une source de polémiques
entre communautés. Ainsi, une abside visible et les deux
autres cachées pourrait signifier l'affirmation d'un dieu
unique vis-à-vis de l'extérieur, mais en trois personnes,
côté intérieur (objet de débat entre chrétiens et
musulmans). Mais cela pourrait aussi signifier la primauté
du Père sur le Fils et le Saint-Esprit (objet de débat entre
chrétiens orthodoxes et hérétiques ariens). Nous pensons que
des deux plans de nefs à trois vaisseaux et trois absides en
prolongement, le plus ancien serait celui à deux absides
murales. Mais ce, sans certitude avérée.
Images
1 et 2 : Les collatéraux, susceptibles d'assurer
une ancienneté, sont les corps de bâtiment bas situés entre
le clocher et le transept.
Image 4 :
L'abside principale témoigne selon nous d'un art roman
tardif (XIIe siècle).
Image 6 : Selon
le texte ci-dessus, les piliers situés à l'extrême gauche et
l'extrême droite, ainsi que la travée au-delà, dateraient de
l'an 1900 (appartenance au transept). Nous l'avions envisagé
pour les piliers néo-romans mais pas pour la colonnade
au-delà.
Images 5 et 7 : Ces
images sont insuffisantes et nous n'en possédons pas
d'autre. On peu néanmoins envisager que les deux travées
situées entre le clocher et le transept étaient à l'origine
à trois vaisseaux charpentés dans le système lié (une travée
du vaisseau central correspond à deux travées des
collatéraux). Les piliers étaient (et sont encore)
rectangulaires de type R0000.
Les arcs reliant les piliers étaient en plain cintre et à un
seul rouleau. Tout cela témoigne selon nous d'une grande
ancienneté.
Datation envisagée
pour l'église Saint-Denis de Bökenförde : an 750 avec un
écart de 150 ans.
Cette haute datation est confirmée selon nous par la
présence d'une Vierge à l'Enfant (images
8 et 9). Cette présence pourrait ne pas être
totalement arbitraire. Nous avons en effet constaté qu'aux
premiers temps du christianisme, les évêques étaient
responsables de paroisses assimilables, non à nos diocèses
actuels, mais à de plus petites unités géographiques comme
les doyennés d'aujourd'hui. L'église qui accueillait
l'évêque, la cathédrale, était en général dédiée à
Notre-Dame de l'Assomption. Or nous n'avons pas de
représentation de Notre-Dame au moment de l'Assomption. Par
contre nous avons des représentations de la Vierge Marie
avec un petit bonhomme. Ce bonhomme n'est pas un bébé
emmailloté, mais souvent un enfant voire un petit adulte ou
un enfant vêtu comme ici d'un costume d'adulte. Nous pensons
qu’initialement, ce petit bonhomme n'était pas Jésus Enfant,
mais l'évêque du lieu présenté par la Vierge Marie comme son
successeur en ce lieu. Bien sûr, les représentations
ultérieures sont des Vierges à l'Enfant. La présence de
cabochons sur les vêtements de la Vierge est signe d'une
antériorité à l'an mille (comme la statue de Sainte Foy de
Conques).