Évolution des couvrements (« arcs et voûtes ») 

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Nous avons préféré utiliser les mots « arcs » et « voûtes » plutôt que le terme moins usité de « couvrement » (définition : « ouvrage qui délimite un espace, une baie, un entre-colonnement, une pièce, un vaisseau, etc., par le haut). Il faut cependant noter que les arcs et les voûtes sont des types particuliers de couvrement.


Évolution des arcs (« couvrements d’une baie »)


1. Le linteau monolithe (formé d’une seule pierre)

Un linteau est une pièce de forme en général parallélépipédique, placée sur les montants ou piédroits d’une baie, permettant de la protéger. L’ouverture obtenue est de forme rectangulaire. Elle permet l’installation d’une porte. Lorsque le linteau est en pierre, les dimensions de la porte sont réduites, ne permettant le passage qu’à une personne. Cela vient des propriétés de la pierre : la pierre a une très bonne résistance à la compression. Mais une beaucoup moins bonne résistance aux autres forces (traction, flexion, torsion). Plusieurs facteurs peuvent intervenir dans la fabrication du linteau. Il y a d’abord le choix de la pierre. En règle générale, elle provient d’une carrière située à proximité et elle ne se distingue pas des autres pierres de construction. Mais bien sûr, elle est choisie sans défaut. Les dimensions sont adaptées à ce que l’on veut faire. En effet, il faut tenir compte non seulement du poids de la pierre, mais aussi de la charge placée au-dessus. Une pierre trop mince placée en porte-à-faux peut casser sous son propre poids. A plus forte raison si on la surcharge. En conséquence, pour réaliser un linteau en pierre solide, plusieurs conditions doivent être réalisées : la baie doit être étroite, le linteau doit être épais et la charge au dessus du linteau doit être faible.


Image 1 : Schéma de linteau monolithe.

Image 2 : Linteau de porte (XIXesiècle) à Saint-André-de-Buèges (Hérault). On remarque que le linteau est fendu. Mais, par chance, les deux morceaux de pierre se sont « recalés » après s’être déplacés.

Image 3 : Linteau de porte (XIXesiècle) à Pouzols-Minervois (Aude). Une épaisseur plus grande de la pièce évite des accidents comme celui constaté sur l'image 2.

Image 4 : Les « accidents » du linteau - Trop longue portée.

Image 5 : Les « accidents » du linteau - Linteau insuffisamment épais.

Image 6 : Les « accidents » du linteau - Linteau trop chargé.


L’image 7 du temple de Pula en Ystrie fait apparaître les solutions trouvées au couvrement du péristyle d’un temple romain. Les massives colonnes sont peu écartées (solution apportée au problème signalé dans l’image 4). Deux colonnes successives portent un linteau appelé architrave. Cette architrave est une pierre de grandes dimensions (solution apportée au problème signalé dans l’image 5). La façade du temple est surmontée d’un fronton aux dimensions assez modestes afin de ne pas trop charger les architraves (solution apportée au problème signalé dans l’image 6). Ce type de couvrement de baie correspond à une première étape. Nous pouvons d’ores et déjà envisager qu’il a persisté jusqu’au IIIe siècle de notre ère.



2. Le linteau allégé (ou amélioré)

Il existe plusieurs façons de pallier à certains des inconvénients précédemment décrits.

Il y a d’abord la forme du linteau. On a vu précédemment qu’il fallait que le linteau soit suffisamment épais. Mais il n’est pas nécessaire que le linteau soit épais sur toute la largeur. En effet, la force principale s’exerce au milieu. Il suffit donc que le milieu soit plus épais que les côtés. Mais comme le dessous du linteau doit laisser libre le passage d’une porte, il faut que l’épaisseur se manifeste au-dessus et au centre. D’où la forme d’un toit à deux pentes. Celui-ci a l’autre avantage de faire dévier une partie des poussées vers les côtés (image 8 : Les améliorations - Linteau en bâtière).

Une autre amélioration possible consiste à protéger le pilier par un arc. Celui-ci diminue la charge au-dessus du linteau en déviant les poussées vers les côtés (image 9 : Les améliorations - Linteau avec arc de décharge).


Une autre amélioration consiste à alléger les parties surmontant le linteau. On peut utiliser des matériaux plus légers. Mais il existe une technique toute simple que chacun d’entre nous connaît bien pour la voir chaque jour ou presque. Elle consiste à disposer toutes les ouverture à la verticale les unes des autres (image 10 : Les améliorations - Allègement des parties supérieures).

On peut voir sur l’image 11 un linteau par un arc de décharge. Alors que dans l’image 12, on découvre un linteau en bâtière surmonté par un arc de décharge. On peut considérer que le linteau allégé constitue une deuxième étape dans le couvrement des baies. Néanmoins, cette deuxième étape ne permet pas de conduire à des datations hormis peut-être dans le cas du linteau en bâtière. On constate en effet dans certaines des images précédentes que, même au XIXesiècle, on peut utiliser des linteaux monolithes sans employer des méthodes permettant de les alléger (linteau en bâtière, arc de décharge).



3. Le linteau en bois

Il existe un cas très particulier de linteau allégé. C’est le linteau en bois. Le bois a la particularité d’avoir une bonne résistance à la flexion. Comparativement meilleure que la pierre.

L’étude de la maison sur linteau de bois d’Auch confirme cette analyse. On constate que le linteau de bois couvre une très large ouverture. Comparativement même plus large que celle des portes voisines qui sont pourtant toutes couvertes d’arcs ou de linteaux découpés (image 13). Par ailleurs, les façades en bois percées de larges fenêtres sont plus légères que les façades en pierre.

A Rome, l’église Sainte Marie du Trastevere (image 14) a certainement été très restaurée. Cependant, c’est probablement la basilique romaine du IVe siècle. Elle est analogue à la basilique de Tarragone dont la reconstitution de l’espace intérieur est représentée dans l’image 15. Les explications fournies en regard de cette image nous apprennent que les linteaux ou architraves étaient en bois. Ce qui est tout à fait normal. Des architraves en pierre n’auraient pas pu supporter, non seulement le grand écartement entre les piliers, mais la charge du mur qui les surmonte.

En conséquence, on peut considérer que le linteau (ou l’architrave) de bois constitue une amélioration notable du linteau. Qui plus est, il nous apparaît qu’il n’aurait pas pu y avoir de construction de basilique sans utilisation du bois pour les architraves. Ce que nous appellerons étape 3 dans l’évolution du couvrement des baies correspondrait à l’étape 1 de la construction des basiliques.



4. L’arc en plein cintre


Les romains ont construit des arcs. C’était souvent pour soutenir des gradins d’amphithéâtres (vomitoires). Il y avait aussi les arcs de triomphe (image 16 : arc de Cavaillon). Mais dans ce dernier cas, l’arc a plus une valeur symbolique qu’un rôle technique.

Il y a un paradoxe que nous ne sommes pas arrivés à résoudre. D’une part, l’arc existe chez les romains à une période relativement ancienne : selon certains auteurs les arcs de triomphe dateraient du premier siècle. Par contre l’église du Trastevere (image 14) où l’on s’attendrait à voir des arcs porteurs ne daterait que du IVesiècle. Faut-il en déduire que les datations ont été mal faites ? Ou qu’il a fallu près de trois siècles pour que les romains admettent la supériorité de l’arc sur le linteau ?

Le schéma de l’image 17 effectue une comparaison entre l’arc en plein cintre et le linteau (différences de largeur). On constate que l’arc en plein cintre protège une ouverture de baie plus large que celle protégée par un linteau.

Sur l’image 18 nous avons voulu expliquer pour quelles raisons l’arc en plein cintre était plus performant que le linteau. Nous avons représenté par une flèche bleue les forces exercées sur un élément de l’arc (couleur orange, à gauche) et sur le linteau (couleur orange à droite). Bien que ces flèches soient de mêmes dimensions, dans la réalité les forces ne sont pas identiques. On constate que, à gauche les forces sont des forces de compression sur une surface assez restreinte. Alors qu’à droite, les forces s’exercent en flexion sur une surface plus grande.

Nous pensons qu’il y a eu un réel progrès entre le linteau en bois et l’arc. Ce qui permet de définir l’étape 4. Il faut cependant noter que ce progrès a dû s’accompagner d’un progrès dans la technique de réalisation de l’arc (précision des mesures, précision de la taille).


5. Rupture d'une poutre


Avant de poursuivre notre analyse de l’évolution des arcs, il nous faut essayer de comprendre de quelle façon s’effectue la rupture d’une poutre. Nous pensons que l’image ci-dessus de l’éclair (image 19) est représentative de ce phénomène de rupture. Cette très belle image fait apparaître que lorsqu’il existe une très forte différence de pression entre le haut et le bas, il y a des tentatives de passage d’un flux par une multiplicité de minuscules canaux qui se recoupent les uns les autres. Parfois le chemin s’arrête avant d’avoir traversé la masse d’air. Lorsqu’un chemin a enfin traversé cette masse, tout le flux s’engouffre dans ce chemin créant l’éclair. On retrouve la même idée dans le film bien connu « L’ouragan vient de Navarone  ». Rappelons l’intrigue : un commando doit faire sauter un barrage. Il réussit à faire exploser une bombe au pied du barrage. Mais apparemment rien ne se produit. Tranquille, l’artificier répond : « Maintenant c’est à l’eau de faire son travail ». Et, effectivement, quelques secondes plus tard un filet d’eau suinte. Puis très rapidement le filet s’amplifie et, en quelques secondes le lac de retenue se vide.

Nous avons voulu traduire ce phénomène dans l’image 20. L’éclair de l’image 19 a été reproduit à la surface d’une poutre représentée bombée comme si elle fléchissait (en fait ce fléchissement est ici fortement accentué).



6. Le linteau découpé


Sur l’image 21 nous vous proposons un petit problème : soit un linteau (ou une poutre de pierre) de forme parallélépipédique. On sait que sous une pression donnée ce linteau donné doit se briser. Comment éviter qu’il se brise ? Réponse à l’image 22.


L’idée est de scier le linteau. De faire comme si c’était un arc aplati. Les forces se reportent sur les côtés. Bien sûr, il faut renforcer ces côtés de manière à ce qu’il ne
s‘écartent pas ou ne se brisent pas.

Nous n’avons pas fait le test. C’est d’ailleurs assez délicat car il faut pouvoir effectuer des coupes très précises. Cependant des photos de linteaux ainsi découpés montrent que les largeurs d’ouverture sont supérieures à celles des linteaux simples (image 25). Ceci étant et même s’il existe dans ce cas une très nette amélioration, le premier millénaire ne peut être concerné par cette technique qui semble n’apparaître qu’au XIXesiècle.

Une dernière question se pose : le linteau a été découpé en morceaux puis reconstitué. Il forme donc un seul bloc (image 23). Comment se fait-il qu’il ne se brise pas ? Ce qui se serait passé s’il n’avait pas été découpé en morceaux. Pour le comprendre, il faut revenir à notre image de la foudre (image 19). Sur cette image, on voit que l’onde de rupture est ramifiée et se propage. Il doit en être de même en ce qui concerne le linteau. « L’onde de rupture » est ramifiée et étendue à l’ensemble du morceau de linteau. Mais le plan de coupe arrête la propagation (image 24). Nous ne donnons là qu’un essai d’explication. Des spécialistes de la résistance des matériaux seraient sans nul doute plus convaincants que nous.



7. L’arc doublé


L’analyse que nous avons faite précédemment est peut être erronée. Cependant, elle nous conduit à envisager la situation schématisée dans l’image 26. Sur cette image sont représentés deux arcs : celui de gauche est simple. Celui de droite est double (ou à double voussure). Il est formé de deux arcs concentriques superposés. Les deux arcs, le simple et le double, sont d’épaisseur identique.

Notre hypothèse est la suivante : l’arc double est plus résistant que l’arc simple : la frontière entre les deux arcs constituerait un barrage à « l’onde de rupture ». Bien sûr, cette hypothèse doit être vérifiée d’une façon expérimentale. Mais si, comme nous le pensons, cette hypothèse est justifiée, alors l’arc double serait une amélioration par rapport à l’arc simple. Et la présence d’arcs doubles (ou doublés) dans une construction pourrait être le signe d’une datation plus récente. Ainsi les églises de Locmaria de Quimper (image 27) ou de Nant (image 28) pourraient être plus anciennes que les églises Sainte-Foy de Conques (image 29) ou de Saint-Paul-de-Mausole à Saint-Rémy-de-Provence (image 30).



8. L'arc brisé


On connaît l’importance de l’arc brisé (image 31) dont la forme permet un plus grand élancement des voûtes. On l’a même pris pour modèle représentatif de l’art gothique alors qu’il est déjà présent dans l’art roman. Sa présence peut donc constituer un élément de datation … mais on a déjà sans doute quitté le Premier Millénaire, l’arc brisé n’apparaissant probablement qu’après l’an mille. Ci-dessous, les images 32 et 33 montrent des arcs brisés à Semur-en-Brionnais et à la cathédrale d’Autun.




Évolution des voûtes (« couvrements d’une pièce »)


Nous avons parlé ci-dessus du couvrement des baies. Vue en coupe horizontale, une baie peut être représentée par un segment (espace de dimension 1 si on ne tient pas compte de l’épaisseur des murs). La pièce est quant à elle dans la plupart des cas, et toujours en coupe horizontale, un rectangle (espace de dimension 2). En conséquence l’étude précédente faite sur un espace de dimension 1 peut être généralisée à la dimension 2. Nous n’étudierons que des cas particuliers.


1. Le plancher et le plafond (couvrement horizontal)

Les pièces dont il est question ici sont de grandes dimensions. Il ne peut pas exister pour la période donnée de couvrements par des linteaux de pierre comme on peut en voir dans le temple de Karnak en Égypte. La seule possibilité de couvrement horizontal est l’utilisation du bois.

Il y a eu très probablement au cours du Premier Millénaire des plafonds en bois, mais nous n’avons pas connaissance de plafonds ou de planchers entièrement conservés datant de cette époque. Le portique de Lorsch (image 34), bâtiment à usage civil daté du IXe siècle, devait disposer de telles installations. Bien que, beaucoup plus tardif, du XIVe ou XVe siècle , le plafond du Palais des Archevêques de Narbonne (image 35) donne une idée de ce que pouvait être le plafond de Lorsch ou d’autres bâtiments du même type.


2. Le toit charpenté (étape 1 du couvrement)

Selon nous, les premières basiliques étaient dotées d’un toit charpenté. Ce n’est que plus tard, grâce à l’évolution des techniques, que les toits des basiliques auraient été voûtés. A noter cependant que la voûte était connue dès l’époque romaine, mais son usage aurait été répandu plus tard. Cependant, les deux systèmes, couvrement charpenté et couvrement voûté, ont pu coexister jusqu’à nos jours. Malgré cet inconvénient qui doit être envisagé au cours de chaque étude ponctuelle, on admettra que le toit charpenté est la première étape de couvrement d’un toit (image 36).

Il faut cependant remarquer que la construction d’un toit en charpente nécessite l’utilisation de pièces de bois de grandes dimensions. Un exemple nous est fourni sur le site . Il s’agit de la charpente en bois de la cathédrale de Bourges. Cette charpente est datée aux alentours de 1250. Elle recouvre une voûte gothique. Les experts ont établi que les bois coupés étaient de faible diamètre (20 à 34 cm) pour obtenir des poutres d’assez grande longueur (13 à 15m). Pour construire cette charpente, on aurait employé 380 grumes. Nous pensons que les charpentes des édifices des églises romanes ou préromanes devaient être plus massives. En conséquence, les diamètres devaient être nettement plus importants (40 cm ou plus). Ce qui aurait exigé l’abattage de chênes nettement plus anciens.

Nous estimons que, compte tenu des dimensions maximums que l’on peut obtenir d’une poutre de bois, la largeur intérieure d’un vaisseau central ne peut excéder 12, 5 mètres.

A cela il faut ajouter une constatation. Il semblerait que les premières églises aient été toutes charpentées. Et très nombreuses. En conséquence, on a dû assister à une véritable déforestation au cours du Premier Millénaire. Ce qui est contraire à l’idée qu’on se faisait jusqu’à présent d’une campagne dépeuplée retournée à l’état sauvage, envahie de forêts et de broussailles.

Le même site Internet sur la charpente de la cathédrale de Bourges nous apprend que toutes les grumes étaient identiques provenant de troncs de 50 ans d’âge. Et, toujours selon ce site, cela signifierait que l’exploitation des forêts était déjà rationalisée : cinquante ans auparavant, on avait prévu de planter ou de laisser pousser des chênes destinés à devenir des pièces de charpentes.

Selon nous, il est probable que la rationalisation de la gestion des forêts s’est effectuée bien avant. Peut-être dès le Premier Millénaire. Nous verrons plus loin pour quelles raisons cette hypothèse est envisagée.



3. La voûte en cul-de-four

Les absides, éléments du chevet ou ouvrage Est, seront étudiées dans une page ultérieure de ce site. Si nous en parlons ici, c’est parce qu’elles semblent apparaître dès la première étape du couvrement des nefs. C’est à dire, avant la voûte en plein cintre.

L’abside que l’on voit ici (images 37 et 38) est associée à une nef plafonnée, avec,très probablement, un toit en charpente. La salle, dite des Philosophes, se trouve à Tivoli, dans la villa d’Hadrien construite en 134 de notre ère. Pour autant, cette salle des Philosophes date elle réellement de 134 ? C’est difficile de l’assurer. En effet la villa d’Hadrien a été occupée par divers empereurs après la mort d’Hadrien en 138. Ceux-ci ont pu faire des ajouts ou des modifications. L’abside en cul-de-four est construite dans la technique typiquement romaine de l’opus caementicus (coffrage de ciment). Une remarque : les fenêtres rectangulaires de cette abside sont surmontées d’arcs qui nous semblent d’époque très récente.

L’abside de l’église Saint-Hippolyte de Loupian (image 39) témoigne des hésitations dans la construction d’une voûte en cul-de-four.



4. La voûte en plein cintre (étape 2 du couvrement)

Assez paradoxalement la voûte en plein-cintre aurait pu succéder à la voûte en cul-de four. Le paradoxe pourrait n’être qu’apparent. On vient de voir que les premières voûtes en cul-de-four auraient été construites en opus caementicus. Alors que les premières voûtes en plein-cintre seraient en pierres assemblées. Des techniques différentes pourraient expliquer le paradoxe. En tout cas, selon nous, si l’abside de l’église de Saint-Martin-de-Fénolar (image 40) est couverte d’un plein-cintre et non d’un cul-de-four, c’est parce que les constructeurs ne se sentaient pas capables de construire un cul-de-four absidal. Il s’agirait donc là d’une construction archaïque. Nous aurons l’occasion de reparler de cette magnifique chapelle qui serait beaucoup plus ancienne que le XIe siècle affiché à l’entrée (date envisagée : le VIe siècle … pour la chapelle … et surtout pour ses fresques !) .

La voûte en plein cintre de Saint-Sylvestre de Colombiers (image 41) serait plus tardive, mais toujours attribuable au Premier Millénaire.

Concernant le collatéral de l’abbatiale de Saint-Guilhem-le-Désert (image 42), il est voûté en plein cintre, mais pas sur doubleaux. Alors que le vaisseau central de la même église (image 43) est quant à lui sur doubleaux. Vue l’étroitesse du collatéral, les constructeurs n’ont pas jugé nécessaire d’installer des doubleaux.


5. La voûte sur doubleaux (étape 3 du couvrement)


La voûte en berceau (plein cintre ou brisé) sur doubleaux serait une amélioration de la voûte en berceau (plein cintre ou brisé). Les doubleaux auraient pour fonction « d’alléger » la voûte en supportant une partie de la masse et en déplaçant le point d’application des forces sur les murs gouttereaux (image 45). Dans certains cas comme à l’église de Saint-Pierre-le-Vieux à Huesca, on peut avoir un doublement du doubleau. Il est très probable que, dans ce cas le couvrement primitif était en charpente. Une charpente qu’on a décidé de remplacer plus tard par une voûte en berceau. Dans le cas contraire d’une construction en une seule étape, on ne voit pas pourquoi les architectes auraient décidé d’effectuer une construction plus inesthétique que celle a un seul doubleau (image 44).




6. La voûte en berceau brisé (étape 4 du couvrement)


Les propriétés de la voûte en berceau brisé sont connues. Il est inutile de les décrire. Et ce d’autant plus que, très probablement, la voûte en berceau brisé n’est pas antérieure à l’an 1000 (image 46).



7. La voûte sur croisée d’ogives (étape 5 du couvrement)

La voûte sur croisée d’ogives date aussi du deuxième millénaire. Elle est même postérieure à la voûte en berceau brisé. Nous pensons (sans preuve) qu’elle date de la fin du XIIesiècle et que sa propagation a dû être très rapide. Nous n’en parlons pas ici afin d’étaler une érudition malsaine, mais parce que la croisée d’ogives est importante pour la compréhension de certains édifices du premier millénaire. C’est en effet une innovation majeure. C’est même l’innovation qui, selon nous, caractérise l’art gothique (image 47).

Attention ! la voute sur croisée d’ogives n’est pas la voûte d’arrêtes. Celle-ci est obtenue par l’intersection de deux voûtes en berceau plein cintre d’axes perpendiculaires entre eux. Elle a pu être construite nettement plus tôt dès le premier millénaire lorsqu’on a commencé à construire des transepts (le couvrement de la croisée du transept peut être une voûte d’arêtes). La voûte d’arêtes a pu donner naissance à la voûte sur croisée d’ogives.

Le principal problème qui peut affecter les bâtiments de grande hauteur est le vent. On le sait pour les gratte-ciel. Mais c’est vrai aussi pour les hautes bâtisses de Moyen-Âge.

Le vent peut agir de plusieurs façons sur les structures. Il y a d’abord le fort coup de vent ou la tornade. Souvent très localisée, cette tornade peut emporter des édifices sur son passage. Un bâtiment peut aussi être endommagé par des rafales moins fortes mais qui engendrent des vibrations qui finissent par déstabiliser la structure. Et il y a encore le vent latéral dont l’action est expliquée dans l’image 48. Sous l’action du vent latéral, le corps du bâtiment représenté en plan par un carré (première image) se déforme en un losange (deuxième image). Les diagonales du carré qui étaient égales deviennent différentes. Lorsque le vent cesse le corps du bâtiment reprend sa forme carré. A la longue la structure se déstabilise.

C’est ce qui se passe dans un échafaudage. Dans le cas d’un échafaudage, pour éviter que la structure se déforme, on installe des croisillons rejoignant des sommets opposés. C’est ce qu’on a fait dans la troisième image : on a installé des barres sur les diagonales du carré. Et ainsi, la structure ne se déforme pas en un losange. La croisée d’ogives joue ce rôle de raidisseur. Grâce à cette croisée d’ogives, le couvrement d’une structure à plan carré ou rectangulaire est possible sur une grande hauteur.


Mais en quoi cette croisée d’ogives concerne-t-elle le Premier Millénaire ? Eh bien justement parce que les édifices du Premier Millénaire n’en avaient pas… Ce qui n’empêchait pas le vent de souffler et donc de déstabiliser les bâtiments. Tout particulièrement les tours. Donc, qu’ont fait les bâtisseurs du XIIIe ou XIVe siècle pour préserver leurs tours ? Ils y ont mis des croisées d’ogives ! Ce qui fait que parfois, en pénétrant dans une belle tour romane on a la surprise de découvrir à l’intérieur une croisée d’ogives. C’est le cas au clocher de l’église Sainte-Madeleine de Béziers (image 49).

C’est aussi le cas dans la même ville au clocher de la cathédrale Saint-Nazaire. De telles adjonctions peuvent prêter à confusions en laissant imaginer que ces clochers sont du XIVesiècle alors qu’ils sont nettement antérieurs à cette période. Et il faut bien se douter que Béziers n’est pas un cas unique.



8. La voûte sur consoles (étape 6 du couvrement)

C’est la dernière étape du couvrement. Elle date du XIIIe siècle (milieu ? fin ?) . Observons l’image 50 du portail d’entrée de l’abbatiale de Saint-Guilhem-le-Désert. On y voit une voûte sur croisée d’ogives posée sur des piliers adossés au mur. L’image 51 du bras sud du transept montre aussi une croisée d’ogives, mais cette fois-ci portée par des chapiteaux à atlantes.

Nous pensons que les constructeurs du Moyen-Âge assimilaient les forces à un liquide s’écoulant du toit. Il fallait donc une canalisation (une « descente »), pour diriger ce liquide vers le sol. La croisée d’ogive faisait office de gouttière, le chapiteau de naissance et le pilier de descente. L’idée de supprimer et d’envoyer les forces directement dans le mur par l’intermédiaire d’une console insérée dans le mur serait venue plus tard, vers 1250.