Évolution des couvrements (« arcs et voûtes »)
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Nous avons préféré utiliser les mots «
arcs » et « voûtes
» plutôt que le terme moins usité de «
couvrement » (définition : « ouvrage qui délimite
un espace, une baie, un entre-colonnement, une pièce, un
vaisseau, etc., par le haut). Il faut cependant noter que
les arcs et les voûtes sont des types particuliers de
couvrement.
Évolution des
arcs (« couvrements d’une baie »)
1. Le linteau monolithe
(formé d’une seule pierre)
Un linteau est une
pièce de forme en général parallélépipédique, placée sur les
montants ou piédroits d’une baie, permettant de la protéger.
L’ouverture obtenue est de forme rectangulaire. Elle permet
l’installation d’une porte. Lorsque le linteau est en
pierre, les dimensions de la porte sont réduites, ne
permettant le passage qu’à une personne. Cela vient des
propriétés de la pierre : la pierre a une très bonne
résistance à la compression. Mais une beaucoup moins bonne
résistance aux autres forces (traction, flexion, torsion).
Plusieurs facteurs peuvent intervenir dans la fabrication du
linteau. Il y a d’abord le choix de la pierre. En règle
générale, elle provient d’une carrière située à proximité et
elle ne se distingue pas des autres pierres de construction.
Mais bien sûr, elle est choisie sans défaut. Les dimensions
sont adaptées à ce que l’on veut faire. En effet, il faut
tenir compte non seulement du poids de la pierre, mais aussi
de la charge placée au-dessus. Une pierre trop mince placée
en porte-à-faux peut casser sous son propre poids. A plus
forte raison si on la surcharge. En conséquence, pour
réaliser un linteau en pierre solide, plusieurs conditions
doivent être réalisées : la baie doit être étroite, le
linteau doit être épais et la charge au dessus du linteau
doit être faible.
Image
1 : Schéma de linteau monolithe.
Image 2 : Linteau
de porte (XIXesiècle) à Saint-André-de-Buèges
(Hérault). On remarque que le linteau est fendu. Mais, par
chance, les deux morceaux de pierre se sont « recalés »
après s’être déplacés.
Image 3 : Linteau
de porte (XIXesiècle) à Pouzols-Minervois
(Aude). Une épaisseur plus grande de la pièce évite des
accidents comme celui constaté sur l'image
2.
Image 4 : Les «
accidents » du linteau - Trop longue portée.
Image 5 : Les «
accidents » du linteau - Linteau insuffisamment épais.
Image 6 : Les «
accidents » du linteau - Linteau trop chargé.
L’image
7 du temple de Pula en Ystrie fait apparaître les
solutions trouvées au couvrement du péristyle d’un temple
romain. Les massives colonnes sont peu écartées (solution
apportée au problème signalé dans l’image
4). Deux colonnes successives portent un linteau
appelé architrave.
Cette architrave est une pierre de grandes dimensions
(solution apportée au problème signalé dans l’image
5). La façade du temple est surmontée d’un fronton
aux dimensions assez modestes afin de ne pas trop charger
les architraves (solution apportée au problème signalé dans
l’image 6). Ce type
de couvrement de baie correspond à une première étape. Nous
pouvons d’ores et déjà envisager qu’il a persisté jusqu’au IIIe
siècle de notre ère.
2. Le linteau allégé (ou
amélioré)
Il existe plusieurs façons de pallier à certains des
inconvénients précédemment décrits.
Il y a d’abord la forme du linteau. On a vu précédemment
qu’il fallait que le linteau soit suffisamment épais. Mais
il n’est pas nécessaire que le linteau soit épais sur toute
la largeur. En effet, la force principale s’exerce au
milieu. Il suffit donc que le milieu soit plus épais que les
côtés. Mais comme le dessous du linteau doit laisser libre
le passage d’une porte, il faut que l’épaisseur se manifeste
au-dessus et au centre. D’où la forme d’un toit à deux
pentes. Celui-ci a l’autre avantage de faire dévier une
partie des poussées vers les côtés (image
8 : Les améliorations - Linteau en bâtière).
Une autre amélioration possible consiste à protéger le
pilier par un arc. Celui-ci diminue la charge au-dessus du
linteau en déviant les poussées vers les côtés (image
9 : Les améliorations - Linteau avec arc de
décharge).
Une autre amélioration consiste à
alléger les parties surmontant le linteau. On peut utiliser
des matériaux plus légers. Mais il existe une technique
toute simple que chacun d’entre nous connaît bien pour la
voir chaque jour ou presque. Elle consiste à disposer toutes
les ouverture à la verticale les unes des autres (image
10 : Les améliorations - Allègement des parties
supérieures).
On peut voir sur l’image
11 un linteau par un arc de décharge. Alors que
dans l’image 12, on
découvre un linteau en bâtière surmonté par un arc de
décharge. On peut considérer que le linteau allégé constitue
une deuxième étape dans le couvrement des baies. Néanmoins,
cette deuxième étape ne permet pas de conduire à des
datations hormis peut-être dans le cas du linteau en
bâtière. On constate en effet dans certaines des images
précédentes que, même au XIXesiècle, on peut
utiliser des linteaux monolithes sans employer des méthodes
permettant de les alléger (linteau en bâtière, arc de
décharge).
3. Le linteau en bois
Il existe un cas très particulier de linteau allégé. C’est
le linteau en bois. Le bois a la particularité d’avoir une
bonne résistance à la flexion. Comparativement meilleure que
la pierre.
L’étude de la maison sur linteau de bois d’Auch confirme
cette analyse. On constate que le linteau de bois couvre une
très large ouverture. Comparativement même plus large que
celle des portes voisines qui sont pourtant toutes couvertes
d’arcs ou de linteaux découpés (image
13). Par ailleurs, les façades en bois percées de
larges fenêtres sont plus légères que les façades en pierre.
A Rome, l’église Sainte Marie du Trastevere (image 14) a certainement été très restaurée.
Cependant, c’est probablement la basilique romaine du IVe
siècle. Elle est analogue à la basilique de Tarragone dont
la reconstitution de l’espace intérieur est représentée dans
l’image 15. Les
explications fournies en regard de cette image nous
apprennent que les linteaux ou architraves étaient en bois.
Ce qui est tout à fait normal. Des architraves en pierre
n’auraient pas pu supporter, non seulement le grand
écartement entre les piliers, mais la charge du mur qui les
surmonte.
En conséquence, on peut considérer que le linteau (ou
l’architrave) de bois constitue une amélioration notable du
linteau. Qui plus est, il nous apparaît qu’il n’aurait pas
pu y avoir de construction de basilique sans utilisation du
bois pour les architraves. Ce que nous appellerons étape 3
dans l’évolution du couvrement des baies correspondrait à
l’étape 1 de la construction des basiliques.
4. L’arc en plein cintre
Les romains ont construit des arcs. C’était souvent pour
soutenir des gradins d’amphithéâtres (vomitoires). Il y
avait aussi les arcs de triomphe (image
16 : arc de Cavaillon). Mais dans ce dernier cas,
l’arc a plus une valeur symbolique qu’un rôle technique.
Il y a un paradoxe que nous ne sommes pas arrivés à
résoudre. D’une part, l’arc existe chez les romains à une
période relativement ancienne : selon certains auteurs les
arcs de triomphe dateraient du premier siècle. Par contre
l’église du Trastevere (image
14) où l’on s’attendrait à voir des arcs porteurs
ne daterait que du IVesiècle. Faut-il en
déduire que les datations ont été mal faites ? Ou qu’il a
fallu près de trois siècles pour que les romains admettent
la supériorité de l’arc sur le linteau ?
Le schéma de l’image 17
effectue une comparaison entre l’arc en plein cintre et le
linteau (différences de largeur). On constate que l’arc en
plein cintre protège une ouverture de baie plus large que
celle protégée par un linteau.
Sur l’image 18 nous
avons voulu expliquer pour quelles raisons l’arc en plein
cintre était plus performant que le linteau. Nous avons
représenté par une flèche bleue les forces exercées sur un
élément de l’arc (couleur orange, à gauche) et sur le
linteau (couleur orange à droite). Bien que ces flèches
soient de mêmes dimensions, dans la réalité les forces ne
sont pas identiques. On constate que, à gauche les forces
sont des forces de compression sur une surface assez
restreinte. Alors qu’à droite, les forces s’exercent en
flexion sur une surface plus grande.
Nous pensons qu’il y a eu un réel progrès entre le linteau
en bois et l’arc. Ce qui permet de définir l’étape 4. Il
faut cependant noter que ce progrès a dû s’accompagner d’un
progrès dans la technique de réalisation de l’arc (précision
des mesures, précision de la taille).
Avant de poursuivre notre analyse de
l’évolution des arcs, il nous faut essayer de comprendre de
quelle façon s’effectue la rupture d’une poutre. Nous
pensons que l’image ci-dessus de l’éclair (image
19) est représentative de ce phénomène de rupture.
Cette très belle image fait apparaître que lorsqu’il existe
une très forte différence de pression entre le haut et le
bas, il y a des tentatives de passage d’un flux par une
multiplicité de minuscules canaux qui se recoupent les uns
les autres. Parfois le chemin s’arrête avant d’avoir
traversé la masse d’air. Lorsqu’un chemin a enfin traversé
cette masse, tout le flux s’engouffre dans ce chemin créant
l’éclair. On retrouve la même idée dans le film bien connu «
L’ouragan vient de
Navarone ».
Rappelons l’intrigue : un commando doit faire sauter un
barrage. Il réussit à faire exploser une bombe au pied du
barrage. Mais apparemment rien ne se produit. Tranquille,
l’artificier répond : « Maintenant
c’est à l’eau de faire son travail ».
Et, effectivement, quelques secondes plus tard un filet
d’eau suinte. Puis très rapidement le filet s’amplifie et,
en quelques secondes le lac de retenue se vide.
Nous avons voulu traduire ce phénomène dans l’image
20. L’éclair de l’image
19 a été reproduit à la surface d’une poutre
représentée bombée comme si elle fléchissait (en fait ce
fléchissement est ici fortement accentué).
6. Le linteau découpé
Sur l’image 21 nous
vous proposons un petit problème : soit un linteau (ou une
poutre de pierre) de forme parallélépipédique. On sait que
sous une pression donnée ce linteau donné doit se briser.
Comment éviter qu’il se brise ? Réponse à l’image
22.
L’idée est de scier le linteau. De faire
comme si c’était un arc aplati. Les forces se reportent sur
les côtés. Bien sûr, il faut renforcer ces côtés de manière
à ce qu’il ne
s‘écartent pas ou ne se brisent pas.
Nous n’avons pas fait le test. C’est d’ailleurs assez
délicat car il faut pouvoir effectuer des coupes très
précises. Cependant des photos de linteaux ainsi découpés
montrent que les largeurs d’ouverture sont supérieures à
celles des linteaux simples (image
25). Ceci étant et même s’il existe dans ce cas une
très nette amélioration, le premier millénaire ne peut être
concerné par cette technique qui semble n’apparaître qu’au
XIXesiècle.
Une dernière question se pose : le linteau a été découpé en
morceaux puis reconstitué. Il forme donc un seul bloc (image 23). Comment se
fait-il qu’il ne se brise pas ? Ce qui se serait passé s’il
n’avait pas été découpé en morceaux. Pour le comprendre, il
faut revenir à notre image de la foudre (image
19). Sur cette image, on voit que l’onde de rupture
est ramifiée et se propage. Il doit en être de même en ce
qui concerne le linteau. « L’onde de rupture » est ramifiée
et étendue à l’ensemble du morceau de linteau. Mais le plan
de coupe arrête la propagation (image
24). Nous ne donnons là qu’un essai d’explication.
Des spécialistes de la résistance des matériaux seraient
sans nul doute plus convaincants que nous.
7. L’arc doublé
L’analyse que nous avons faite précédemment est peut être
erronée. Cependant, elle nous conduit à envisager la
situation schématisée dans l’image
26. Sur cette image sont représentés deux arcs :
celui de gauche est simple.
Celui de droite est double
(ou à double voussure). Il est formé de deux arcs
concentriques superposés. Les deux arcs, le simple et le
double, sont d’épaisseur identique.
Notre hypothèse est la suivante : l’arc double est plus
résistant que l’arc simple : la frontière entre les deux
arcs constituerait un barrage à « l’onde de rupture ». Bien
sûr, cette hypothèse doit être vérifiée d’une façon
expérimentale. Mais si, comme nous le pensons, cette
hypothèse est justifiée, alors l’arc double serait une
amélioration par rapport à l’arc simple. Et la présence
d’arcs doubles (ou doublés) dans une construction pourrait
être le signe d’une datation plus récente. Ainsi les églises
de Locmaria de Quimper (image
27) ou de Nant (image
28) pourraient être plus anciennes que les églises
Sainte-Foy de Conques (image
29) ou de Saint-Paul-de-Mausole à
Saint-Rémy-de-Provence (image
30).
8. L'arc brisé
On connaît l’importance de l’arc brisé (image
31) dont la forme permet un plus grand élancement
des voûtes. On l’a même pris pour modèle représentatif de
l’art gothique alors qu’il est déjà présent dans l’art
roman. Sa présence peut donc constituer un élément de
datation … mais on a déjà sans doute quitté le Premier
Millénaire, l’arc brisé n’apparaissant probablement qu’après
l’an mille. Ci-dessous, les
images 32 et 33 montrent des arcs brisés à
Semur-en-Brionnais et à la cathédrale d’Autun.
Évolution des voûtes (« couvrements d’une pièce »)
Nous avons parlé ci-dessus du couvrement des baies. Vue en
coupe horizontale, une baie peut être représentée par un
segment (espace de dimension 1 si on ne tient pas compte de
l’épaisseur des murs). La pièce est quant à elle dans la
plupart des cas, et toujours en coupe horizontale, un
rectangle (espace de dimension 2). En conséquence l’étude
précédente faite sur un espace de dimension 1 peut être
généralisée à la dimension 2. Nous n’étudierons que des cas
particuliers.
1.
Le plancher et le plafond (couvrement horizontal)
Les pièces dont il est question ici sont de grandes
dimensions. Il ne peut pas exister pour la période donnée de
couvrements par des linteaux de pierre comme on peut en voir
dans le temple de Karnak en Égypte. La seule possibilité de
couvrement horizontal est l’utilisation du bois.
Il y a eu très probablement au cours du Premier Millénaire
des plafonds en bois, mais nous n’avons pas connaissance de
plafonds ou de planchers entièrement conservés datant de
cette époque. Le portique de Lorsch (image
34), bâtiment à usage civil daté du IXe
siècle, devait disposer de telles installations. Bien que,
beaucoup plus tardif, du XIVe ou XVe
siècle , le plafond du Palais des Archevêques de Narbonne (image 35) donne une
idée de ce que pouvait être le plafond de Lorsch ou d’autres
bâtiments du même type.
2. Le toit charpenté
(étape 1 du couvrement)
Selon nous, les premières basiliques étaient dotées d’un
toit charpenté. Ce n’est que plus tard, grâce à l’évolution
des techniques, que les toits des basiliques auraient été
voûtés. A noter cependant que la voûte était connue dès
l’époque romaine, mais son usage aurait été répandu plus
tard. Cependant, les deux systèmes, couvrement charpenté et
couvrement voûté, ont pu coexister jusqu’à nos jours. Malgré
cet inconvénient qui doit être envisagé au cours de chaque
étude ponctuelle, on admettra que le toit charpenté est la
première étape de couvrement d’un toit (image
36).
Il faut cependant remarquer que la construction d’un toit en
charpente nécessite l’utilisation de pièces de bois de
grandes dimensions. Un exemple nous est fourni sur le site
. Il s’agit de la charpente en bois de la cathédrale de
Bourges. Cette charpente est datée aux alentours de 1250.
Elle recouvre une voûte gothique. Les experts ont établi que
les bois coupés étaient de faible diamètre (20 à 34 cm) pour
obtenir des poutres d’assez grande longueur (13 à 15m). Pour
construire cette charpente, on aurait employé 380 grumes.
Nous pensons que les charpentes des édifices des églises
romanes ou préromanes devaient être plus massives. En
conséquence, les diamètres devaient être nettement plus
importants (40 cm ou plus). Ce qui aurait exigé l’abattage
de chênes nettement plus anciens.
Nous estimons que, compte tenu des dimensions maximums que
l’on peut obtenir d’une poutre de bois, la largeur
intérieure d’un vaisseau central ne peut excéder 12, 5
mètres.
A cela il faut ajouter une constatation. Il semblerait que
les premières églises aient été toutes charpentées. Et très
nombreuses. En conséquence, on a dû assister à une véritable
déforestation au cours du Premier Millénaire. Ce qui est
contraire à l’idée qu’on se faisait jusqu’à présent d’une
campagne dépeuplée retournée à l’état sauvage, envahie de
forêts et de broussailles.
Le même site Internet sur la charpente de la cathédrale de
Bourges nous apprend que toutes les grumes étaient
identiques provenant de troncs de 50 ans d’âge. Et, toujours
selon ce site, cela signifierait que l’exploitation des
forêts était déjà rationalisée : cinquante ans auparavant,
on avait prévu de planter ou de laisser pousser des chênes
destinés à devenir des pièces de charpentes.
Selon nous, il est probable que la rationalisation de la
gestion des forêts s’est effectuée bien avant. Peut-être dès
le Premier Millénaire. Nous verrons plus loin pour quelles
raisons cette hypothèse est envisagée.
3. La voûte en cul-de-four
Les absides, éléments du chevet ou
ouvrage Est, seront étudiées dans une page ultérieure de ce
site. Si nous en parlons ici, c’est parce qu’elles semblent
apparaître dès la première étape du couvrement des nefs.
C’est à dire, avant la voûte en plein cintre.
L’abside que l’on voit ici (images
37 et 38) est associée à une nef plafonnée,
avec,très probablement, un toit en charpente. La salle, dite
des Philosophes, se trouve à Tivoli, dans la villa d’Hadrien
construite en 134 de notre ère. Pour autant, cette salle des
Philosophes date elle réellement de 134 ? C’est difficile de
l’assurer. En effet la villa d’Hadrien a été occupée par
divers empereurs après la mort d’Hadrien en 138. Ceux-ci ont
pu faire des ajouts ou des modifications. L’abside en
cul-de-four est construite dans la technique typiquement
romaine de l’opus
caementicus (coffrage de ciment). Une remarque :
les fenêtres rectangulaires de cette abside sont surmontées
d’arcs qui nous semblent d’époque très récente.
L’abside de l’église Saint-Hippolyte de Loupian (image
39) témoigne des hésitations dans la construction
d’une voûte en cul-de-four.
4. La voûte en plein
cintre (étape 2 du couvrement)
Assez paradoxalement la voûte en
plein-cintre aurait pu succéder à la voûte en cul-de four.
Le paradoxe pourrait n’être qu’apparent. On vient de voir
que les premières voûtes en cul-de-four auraient été
construites en opus
caementicus. Alors que les premières voûtes en
plein-cintre seraient en pierres assemblées. Des techniques
différentes pourraient expliquer le paradoxe. En tout cas,
selon nous, si l’abside de l’église de
Saint-Martin-de-Fénolar (image
40) est couverte d’un plein-cintre et non d’un
cul-de-four, c’est parce que les constructeurs ne se
sentaient pas capables de construire un cul-de-four absidal.
Il s’agirait donc là d’une construction archaïque. Nous
aurons l’occasion de reparler de cette magnifique chapelle
qui serait beaucoup plus ancienne que le XIe
siècle affiché à l’entrée (date envisagée : le VIe
siècle … pour la chapelle … et surtout pour ses fresques !)
.
La voûte en plein cintre de Saint-Sylvestre de Colombiers (image 41) serait plus
tardive, mais toujours attribuable au Premier Millénaire.
Concernant le collatéral de l’abbatiale de
Saint-Guilhem-le-Désert (image
42), il est voûté en plein cintre, mais pas sur
doubleaux. Alors que le vaisseau central de la même église (image 43) est quant à
lui sur doubleaux. Vue l’étroitesse du collatéral, les
constructeurs n’ont pas jugé nécessaire d’installer des
doubleaux.
5. La voûte sur doubleaux (étape 3 du couvrement)
La voûte en berceau (plein cintre ou brisé) sur doubleaux
serait une amélioration de la voûte en berceau (plein cintre
ou brisé). Les doubleaux auraient pour fonction
« d’alléger » la voûte en supportant une partie de
la masse et en déplaçant le point d’application des forces
sur les murs gouttereaux (image
45). Dans certains cas comme à l’église de
Saint-Pierre-le-Vieux à Huesca, on peut avoir un doublement
du doubleau. Il est très probable que, dans ce cas le
couvrement primitif était en charpente. Une charpente qu’on
a décidé de remplacer plus tard par une voûte en berceau.
Dans le cas contraire d’une construction en une seule étape,
on ne voit pas pourquoi les architectes auraient
décidé d’effectuer une construction plus inesthétique
que celle a un seul doubleau (image
44).
6. La voûte en berceau brisé (étape 4 du couvrement)
Les propriétés de la voûte en berceau brisé sont connues. Il
est inutile de les décrire. Et ce d’autant plus que, très
probablement, la voûte en berceau brisé n’est pas antérieure
à l’an 1000 (image 46).
7. La voûte sur croisée
d’ogives (étape 5 du couvrement)
La voûte sur croisée d’ogives date aussi du deuxième
millénaire. Elle est même postérieure à la voûte en berceau
brisé. Nous pensons (sans preuve) qu’elle date de la fin du
XIIesiècle et que sa propagation a dû être très
rapide. Nous n’en parlons pas ici afin d’étaler une
érudition malsaine, mais parce que la croisée d’ogives est
importante pour la compréhension de certains édifices du
premier millénaire. C’est en effet une innovation majeure.
C’est même l’innovation qui, selon nous, caractérise l’art
gothique (image 47).
Attention ! la voute sur croisée d’ogives n’est pas la voûte
d’arrêtes. Celle-ci est obtenue par l’intersection de deux
voûtes en berceau plein cintre d’axes perpendiculaires entre
eux. Elle a pu être construite nettement plus tôt dès le
premier millénaire lorsqu’on a commencé à construire des
transepts (le couvrement de la croisée du transept peut être
une voûte d’arêtes). La voûte d’arêtes a pu donner naissance
à la voûte sur croisée d’ogives.
Le principal problème qui peut affecter les bâtiments de
grande hauteur est le vent. On le sait pour les gratte-ciel.
Mais c’est vrai aussi pour les hautes bâtisses de Moyen-Âge.
Le vent peut agir de plusieurs façons sur les structures. Il
y a d’abord le fort coup de vent ou la tornade. Souvent très
localisée, cette tornade peut emporter des édifices sur son
passage. Un bâtiment peut aussi être endommagé par des
rafales moins fortes mais qui engendrent des vibrations qui
finissent par déstabiliser la structure. Et il y a encore le
vent latéral dont l’action est expliquée dans l’image
48. Sous l’action du vent latéral, le corps du
bâtiment représenté en plan par un carré (première image) se
déforme en un losange (deuxième image). Les diagonales du
carré qui étaient égales deviennent différentes. Lorsque le
vent cesse le corps du bâtiment reprend sa forme carré. A la
longue la structure se déstabilise.
C’est ce qui se passe dans un échafaudage. Dans le cas d’un
échafaudage, pour éviter que la structure se déforme, on
installe des croisillons rejoignant des sommets opposés.
C’est ce qu’on a fait dans la troisième image : on a
installé des barres sur les diagonales du carré. Et ainsi,
la structure ne se déforme pas en un losange. La croisée
d’ogives joue ce rôle de raidisseur. Grâce à cette croisée
d’ogives, le couvrement d’une structure à plan carré ou
rectangulaire est possible sur une grande hauteur.
Mais en quoi cette croisée d’ogives
concerne-t-elle le Premier Millénaire ? Eh bien justement
parce que les édifices du Premier Millénaire n’en avaient
pas… Ce qui n’empêchait pas le vent de souffler et donc de
déstabiliser les bâtiments. Tout particulièrement les tours.
Donc, qu’ont fait les bâtisseurs du XIIIe ou XIVe
siècle pour préserver leurs tours ? Ils y ont mis des
croisées d’ogives ! Ce qui fait que parfois, en pénétrant
dans une belle tour romane on a la surprise de découvrir à
l’intérieur une croisée d’ogives. C’est le cas au clocher de
l’église Sainte-Madeleine de Béziers (image
49).
C’est aussi le cas dans la même ville au clocher de la
cathédrale Saint-Nazaire. De telles adjonctions peuvent
prêter à confusions en laissant imaginer que ces clochers
sont du XIVesiècle alors qu’ils sont nettement
antérieurs à cette période. Et il faut bien se douter que
Béziers n’est pas un cas unique.
8. La voûte sur consoles (étape 6 du couvrement)
C’est la dernière étape du couvrement. Elle date du XIIIe
siècle (milieu ? fin ?) . Observons l’image
50 du portail d’entrée de l’abbatiale de
Saint-Guilhem-le-Désert. On y voit une voûte sur croisée
d’ogives posée sur des piliers adossés au mur. L’image
51 du bras sud du transept montre aussi une croisée
d’ogives, mais cette fois-ci portée par des chapiteaux à
atlantes.
Nous pensons que les constructeurs du Moyen-Âge assimilaient
les forces à un liquide s’écoulant du toit. Il fallait donc
une canalisation (une « descente »), pour diriger ce liquide
vers le sol. La croisée d’ogive faisait office de gouttière,
le chapiteau de naissance et le pilier de descente. L’idée
de supprimer et d’envoyer les forces directement dans le mur
par l’intermédiaire d’une console insérée dans le mur serait
venue plus tard, vers 1250.