Évolution de l'ouvrage Est : l'abside
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Rappelons la démarche qui a été la nôtre concernant la
datation des édifices antérieurs à l'an 1100 (et, parmi
ceux-ci, les édifices antérieurs à l'an 1000).
Dans un premier temps, nous avons estimé que ces édifices ne
pouvaient être que des églises. Au cours de notre recherche,
notre point de vue a évolué. Nous pensons à présent que la
plupart des églises ont pu avoir été utilisées à usage
civil, comme lieux de réunion. Et nous pensons aussi que des
édifices à plan centré analogues à la rotonde
d'Aix-la-Chapelle étaient plus des édifices civils que
religieux. Dans un deuxième temps, en comparant les diverses
églises que nous avions visitées, nous avons conclu que
l'étude globale d'une église était trop complexe, car une
église est formée d'un certain nombre de parties qui ne sont
pas forcément construites toutes en même temps. En fait, une
église ne contient que peu de parties : la nef, le chevet,
éventuellement un transept ou un ouvrage Ouest,
éventuellement aussi une crypte, le clocher, la sacristie.
Nous avons rapidement réalisé que certains de ces éléments,
comme la sacristie ou les chapelles latérales, voire le
clocher ou la crypte, ne faisaient pas partie d'un plan
initial de construction durant le premier millénaire.
De toutes les parties restantes, la nef nous a semblé être
celle qui était la plus facile à évaluer. Surtout quand il
s'agissait d'une nef à trois vaisseaux. Le chevet est, quant
à lui, plus délicat à étudier. En effet, le chevet abrite le
sanctuaire qui est l'espace sacré de l'église. En
conséquence, cet espace, jugé l'élément le plus important de
l'église, est celui qui subit le plus d'améliorations et
donc de transformations. Et nous avons constaté à de
nombreuses reprises que des chevets pouvaient être
postérieurs à des nefs.
Mais ce remplacement de chevets anciens
par des chevets plus récents n'est pas la seule cause de
difficulté de datation des chevets. D'autres conditions
viennent obscurcir la problématique. Des conditions que nous
n'arrivons pas toujours à déceler. Il y a tout d'abord des
innovations liées l'esthétique ou à la symbolique de la
partie concernée. Il faut comprendre qu'une nef est une
simple salle de réunion : on peut négliger son décor. Il
n'apparaît pas nécessaire qu'elle soit voûtée. Une abside
protégeant le sanctuaire à droit à plus d'égards. C'est le
premier endroit que l'on couvre de fresques. On peut estimer
nécessaire qu'elle soit voûtée à l'image du ciel.
Il peut aussi y avoir des innovations liées à la doctrine
religieuse. Les changements de doctrines provoqueront des
modifications du sanctuaire. On le sait en ce qui concerne
les cas les plus récents : au XVIIIesiècle, les
embellissements des chœurs à la suite des résolutions prises
lors du concile de Trente ; au XXesiècle, les
déplacements d'autels majeurs après celles du concile
Vatican II. Nous ne doutons pas que des changements de
doctrines suivies de modifications ou des remplacements de
sanctuaires aient pu aussi se produire au cours du premier
millénaire.
D'autres modifications du sanctuaire peuvent être liées à
l'organisation de la communauté religieuse ou à la liturgie
: si le célébrant est seul dans son sanctuaire à participer
au sacrifice divin, il n'a pas besoin de bénéficier d'une
grande abside. Si, au contraire, il est accompagné d'un
grand nombre de personnes : diacres, acolytes,
thuriféraires, choristes, il lui faut une grande abside.
L'étude des chevets se révélant très complexe, nous avons
envisagé de la séparer en deux parties : l'étude des absides
et l'étude des chevets. Souvent on confond les deux mots :
abside et chevet. Notre définition de l'abside est celle
d'une pièce de bâtiment unique contenant un objet à
caractère sacré, souvent un autel. Le chevet, que nous
désignons aussi sous le nom « ouvrage Est » est la partie
sacrée. Il contient une ou plusieurs absides.
Les images
1 , 2, 3 et 4 des salles de Tivoli montrent des
absides de grandes dimensions (Remarque
: nous appelons ces absides des « salles », car nous ne
savons pas exactement quelle était leur fonction : salles de
thermes, édifices religieux, etc.). Ces absides sont
couvertes de voûtes en cul-de-four. Mais il ne s'agit pas
d'un cul-de-four comme ceux fabriqués durant la période
romane : avec une clef de voûte. Ici, il n'y a pas de clé de
voûte. La voûte, en béton, comme beaucoup de constructions
romaines, utilise la technique du porte-à-faux. C'est la
technique utilisée pour couvrir d'un toit les bories ou
capitelles des garrigues du Sud de la France. Situées dans
le Latium, les jardins de Tivoli, contiennent un ensemble de
monuments romains. La ville aurait été fondée par l'Empereur
Hadrien qui vivait au IIesiècle de notre ère.
Tous les monuments ont-ils été construits sous le règne
d'Hadrien ? La question doit être posée.
Les images 5, 6 et 7
de la chapelle Saint-Martin de Fenollar font apparaître que,
très probablement, l'abside était entièrement couverte de
fresques. La fenêtre axiale visible sur ces images
n'existait pas initialement et aurait été percée après. Nous
pensons que les absides les plus anciennes étaient couvertes
de mosaïques ou de fresques. À cause des fresques, les
ouvertures devaient être réduites, voire totalement
absentes.
Les images 8 et 9
du prieuré Saint-Gabriel montrent une abside percée d'un
unique fenêtre semblable à une meurtrière. Ce serait pour
nous un signe d'ancienneté.
Les absides des images
de 10 à 15 sont à plan carré. Ce qui est pour nous
signe d'ancienneté. Une ancienneté que nous avons encore de
la difficulté à évaluer : entre l'an 350 et l'an 1000 !
Cependant, une date avancée (entre l'an 350 et l'an 700)
nous semble plus envisageable. Nous nous posons des
questions au sujet de ce plan carré. Il y a deux
possibilités : soit les constructeurs n'arrivaient pas à
construire des voûtes en cul-de-four ; soit le plan très
particulier de ces édifices a été fait en imitation de celui
du Temple de Jérusalem, lui-même issu du plan des temples
égyptiens (plan avec la cella et de la procella). Nous
pensons plutôt à la seconde hypothèse car, les chevets étant
de taille réduite, il devait être relativement facile de
coincer un cul-de-four.
Les images 16, 17 et 18
montrent un tel type de construction : une abside à plan
carré à l’extérieur, semi-circulaire à l'intérieur.
Avec les
images 19 et suivantes, on voit apparaître des
absides de grandes dimensions. Certaines comme celles des images de 20 à 24 sont
pourvues de grandes fenêtres. Toutes indices d'une moins
grande ancienneté. On reste cependant dans une période
antérieure à l'an 1100. Concernant l'image
22 du Temple de Lanouée, on constate que la voûte
en cul-de-four a été construite sur une charpentée de bois.