Analyse des arcs ou arcades  

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Le problème de la protection (ou du couvrement) des ouvertures

La partie supérieure d’une baie (porte, fenêtre , voire une ouverture de largeur plus grande) est soumise à de très fortes pressions à cause des masses importantes qui la surplombent. En effet, les matériaux usuels comme le bois ou la pierre ont une mauvaise résistance à la flexion. Si le bois fléchit, la pierre quant à elle, se brise.

Par contre la pierre a une grande résistance à la compression. C’est cette dernière propriété que les maçons ont essayé d’exploiter au maximum. Elle leur a permis de couvrir de grandes baies par diverses sortes d’arcs que nous allons décrire ci-dessous.

Mais auparavant observons que le couvrement a pu être opéré grâce à des linteaux de pierre.


Les linteaux en bâtière

Lorsque la pierre est taillée d’un seul bloc (bloc monolithe), les maçons ont utilisé des artifices pour permettre de protéger ce linteau de pierre. Tout d’abord, le linteau de pierre est surmonté d’un système de décharge de façon à éviter que le poids de la partie de mur surmontant le linteau repose au centre de celui-ci . Ce système peut être un arc de décharge ou un oculus ou tout autre système permettant de dévier les poussées vers les bords du linteau. Concernant le linteau, un certain nombre de conditions sont imposées à sa fabrication. Il doit être de dimensions suffisamment importantes en épaisseur et en hauteur et suffisamment réduites en largeur (écartement entre les piliers de support). Un cas particulier est le linteau en bâtière dont la forme ressemble à celle d’un pignon de toit. Il faut bien comprendre que ce type de linteau, fréquent durant le Haut Moyen-âge ne s’est pas imposé pour des raisons esthétiques mais pour des raisons techniques : plus épais au centre que sur les bords, il résiste mieux aux forces de pression.


L’image 1 est celle d’un linteau en bâtière. Remarquer la fente au-dessus du linteau. Elle semble courir au-dessus de lui en englobant avec le linteau la partie cimentée. Il semblerait que la forme de toit en pente de la pierre ait fait reporter les efforts sur les côtés.

Le linteau en bâtière de l’image 2 est orné d’un bas-relief représentant à gauche l’enfer (un démon à forme de lion dévore un damné) et le paradis (l’élu tient avec une laisse le dangereux lion). Ce qui est remarquable, ce sont les trois pierres surmontant le linteau. On y voit là les prémisses d’un arc de décharge.

Cet arc de décharge apparaît dans l’image 3 au dessus d’un autre linteau en bâtière. L’espace entre l’arc et le linteau a été utilisé pour y insérer une sculpture appelée tympan.


L’image 5 montre un arc en plein cintre (le tracé est celui d’un demi-cercle).

Arcs outrepassés : Dans les deux images suivantes 6 et 7 les arcs sont nettement outrepassés. Ceci signifie que leur forme est celle d’un secteur circulaire supérieur au demi-cercle. Les deux églises citées, San Pedro de la Nave et San Juan de Banos, sont toutes situées en Espagne. Elles sont datées du premier millénaire.


Dans les images 8, 9 et 10 ci-dessous, on peut réaliser que la forme outrepassée des arcs n’est pas spécifique à l’Espagne. L’arc outrepassé aurait été inventé par les wisigoths qui, par la suite l’auraient transmis aux Arabes ayant envahi l’Espagne.

Cependant, dans le cas de l’image 8, il faut noter que la forme outrepassée n’est pas tant due à la forme même de l’arc qu'à la présence des impostes qui semblent accentuer la courbure.


Regardons à présent l’image 9. Une image tout à fait intéressante. En effet, l’arc qui se présente à nous est formé de belles pierres taillées très régulièrement.
Sauf que … !! Sauf que, juste en dessous, il existe un mince cordon de pierres disposées régulièrement. Ce cordon de pierres n’a aucune utilité de soutien de l’arc qui le surplombe. Il ne sert à priori à rien. Sauf que si, par la pensée on l’enlève, on voit apparaître un arc outrepassé. Et si, toujours par la pensée, on prolonge cet arc jusqu’au ras de l’imposte, l’arc outrepassé devient vraiment analogue à ceux rencontrés en Espagne.

Il semble donc que, par une double opération consistant à enlever un morceau des pierres situées juste au-dessus des impostes et ajouter un bandeau de pierres à l’intrados de l’arc, on ait transformé un arc outrepassé en un arc en plein cintre.

Cet exemple n’est pas unique : on le retrouve à Saint-Jacques de Béziers. Et incite à se poser quelques questions.

Sur l’image 10 du portail de l’église Saint-Salvy à Albi, l’arc est légèrement outrepassé.


Arcs en « anse de panier » : Les arcs que l’on voit ici (celui juste devant la fresque pour l’image 8 et le premier des deux pour Saint-Félix de Bayssan (image 12) sont dits « en anse de panier ». Les arcs en anse de panier sont construits à partir de trois arcs de cercle tangents entre eux. Une forme un peu analogue est celle de l’ellipse. Cette particularité (arcs de cercles tangents) n’apparaît pas dans le cas de Saint-Félix de Bayssan où les arcs sont brisés. Et à Lavardin (image 11), la forme de l’arc devrait être identique à celle de l’arc triomphal situé devant lui. Par ailleurs, l’arc en anse de panier, tout comme l’arc elliptique, sont des figures géométriques faciles à construire. Et aussi, faciles à reproduire architecturalement. Il semblerait donc que ces deux arcs soient le résultat d’un accident de construction (affaissement de la voûte) et non celui d’un acte délibéré en vue de construire une voûte de forme elliptique. En conséquence, et jusqu’à preuve du contraire, nous considérerons que, concernant le premier millénaire, il n’y a pas eu de construction d’arcs en anse de panier mais des affaissements d’arcs.

Arcs entrelacés : Les arcs entrelacés sont constitués d’une suite d’arcs en plein cintre . On construit d’abord un demi-cercle. Puis en prenant pour centre le point d’arrivée du demi-cercle, on construit un demi cercle de même rayon. Et ainsi de suite…


Dans l’église de Saint-Gildas-de-Rhuys on peut voir, derrière l’autel, au-dessus des colonnes du déambulatoire, des arcs surhaussés (image 15). Cette forme d’arc semble très originale. En fait elle ne l’est pas tant que cela. Observons en effet l’ensemble des piliers à partir de la gauche (au-dessus du personnage portant une chemise rouge). On peut voir successivement deux piliers alignés (en ligne droite) puis quatre autres épousant la forme arrondie du déambulatoire. On peut voir aussi que l’écart entre deux colonnes est plus important dans la partie droite que dans la partie courbe (ce qui est logique). On constate aussi que tous les chapiteaux sont à la même hauteur. Il en est de même pour le sommet des arcs portés par ces chapiteaux. En conséquence, si l’architecte voulait que ces arcs soient en plein cintre, il était bien obligé de surhausser les arcs de la partie circulaire.

En conséquence, on peut dire que le surhaussement de certains arcs est principalement dû à des considérations d’ordre esthétique.

Arc brisé : Chacun connaît l’importance de l’arc brisé. On en a même parfois dit qu’il caractérisait l’art gothique. Ce qui est faux ! Il est présent dans l’église de Saulieu, à la base de l’édifice. Pourtant l’église de Saulieu est bien une église romane. On le voit par ses chapiteaux et aussi par sa voûte, en berceau plein cintre (image 16).


Il reste à donner les définitions suivantes :

Arcs polylobés : l’image 17 se passe de commentaire.

Arc triomphal : c’est l’arc séparant la nef du transept (c’est-à-dire l’assemblée des fidèles et l’assemblée des prêtres).

Arc absidal : c’est l’arc séparant le transept de l’abside principale. Le terme est beaucoup moins utilisé, car, dans de nombreux cas, il n’y a pas de transept. Et donc, arc absidal et arc triomphal sont confondus sous le même terme : arc triomphal.