Le service militaire romain : question banale ?
« A
Rome le service militaire était obligatoire pour tous les
citoyens romains. Il était d’une durée de 15 ans (ou de 25
ans ?). A l’issue de cette période le vétéran recevait un
lopin de terre en guise de récompense des services rendus
à la nation. ».
« On pose la question à Jésus : « Faut-il
payer le denier à César ? ». Il répond « Rendez
à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu
».
Voilà donc deux propos très anodins, que tout le monde
connaît, et qui ne semblent pas poser problème.
Étudions tout d’abord la première phrase. Elle est très
ambiguë. D’une part le caractère obligatoire du service
militaire fait penser à une armée de conscription. Mais, a
contrario, la durée de ce service fait penser à une armée de
métier. Alors ? armée de conscription ? ou armée de métier ?
Très probablement les deux. Nous n’avons pas eu l’occasion
de connaître les textes traitant de la question mais nous
envisageons qu’il ait pu y avoir une évolution dans le
temps. Durant les siècles précédant notre ère chrétienne,
l’armée romaine devait être composée de citoyens romains
engagés pour une durée relativement courte (un ou deux ans).
Puis, au fur et à mesure que la puissance romaine a
augmenté, cette armée s’est transformée en armée de métier.
Et déjà les légionnaires de César devaient être enrôlés pour
une longue durée et convenablement rémunérés.
La phrase « A
l’issue de cette période le vétéran recevait un lopin de
terre en guise de récompense des services rendus à la
nation. » amène une autre réflexion : «
Au bout de vingt ans de carrière dans les armées le
vétéran se retire et touche une petite retraite.
Exactement comme les salariés actuels. Tout compte fait
c’est très simple !». Simple ? Allons donc!
Consultons un employé des caisses de retraite et il nous
dira si c’est aussi facile que cela. Eh bien, il nous dira
que ce n’est pas du tout simple. Le soldat romain a très
bien pu être blessé au cours des combats et être incapable
de cultiver son lopin de terre. Par contre il peut très bien
gérer un débit de boissons. C’est donc un débit de boissons
qu’il faut lui donner et non un lopin de terre. Un autre
soldat est mort au combat en laissant une veuve ; c’est à la
veuve qu’il faut donner un lopin de terres, ou un débit de
boissons ou de l’argent. Un autre soldat a préféré « claquer
» sa solde et il s’est endetté. En conséquence son lopin de
terre, ou plutôt la somme qui doit lui être allouée sera
plus petite. Par contre un autre, beaucoup plus économe, a
mis de coté une certaine somme d’argent qu’il ne pouvait
emporter avec lui au combat. Il l’a donc confiée à son
centurion en lui demandant d’obtenir un lopin de terre plus
grand. Et ainsi de suite… On voit donc que la situation
n’est pas aussi simple qu’on l’imaginait auparavant. Et
qu’il faut réaliser un véritable suivi de carrière de
l’employé comme le font actuellement toutes les caisses de
retraites. En conséquence, un personnel administratif
important devait assister les soldats romains : d’où
l’importance que devait avoir le siège de la légion.
Par ailleurs il faut bien comprendre que, pour que le
système marche, il faut de la part des bénéficiaires un
maximum de confiance entre les individus et dans la validité
du système. Imaginons qu’au bout de 20 ans de bons et loyaux
services, le vétéran, venant réclamer son lopin de terre,
obtienne la réponse suivante : « Il
n’y en a plus ! le dernier a été donné il y a 10 jours. Et
tu es le centième à venir faire une réclamation ».
A coup sûr une telle réponse ne peut provoquer que des
réactions de révolte. Ce qui risque d’être dangereux face à
des soldats connaissant le maniement des armes.
De fait, pour que le système marche, il faut que le « lopin
de terre » ou « le débit de boisson » ou une somme en
numéraire, aient été mis de coté dès l’engagement du soldat,
vingt ans avant qu’il se retire des armées.
Cet ensemble de dispositions suppose une très importante
organisation permettant de superviser la vie du soldat :
accidents, maladies, décès, promotions, changements de
carrière, etc. Permettant aussi de gérer et faire fructifier
les énormes sommes mises à disposition de l’organisation. On
peut penser que, tout comme nos modernes « fonds de pension
» , ces sommes ont pu servir à tous les grands travaux
d’infrastructure (routes, ponts, aqueducs, canaux
d’irrigation, monuments publics, etc).
On peut vérifier cette hypothèse à
partir des images 4 et 5.
Sur l'image 4 est
représentée la carte de France des casernes principales (ou
sièges) des légions romaines. Il s’agit de sièges
parfaitement documentés : Arles (6elégion),
Béziers (7elégion), Narbonne (10elégion),
Orange (2elégion), près de Marseille (Fos?)(
4elégion scythique), Strasbourg (8elégion),
Saint Pol de Léon(siège ? ou simple annexe d’une légion ?).
Il faut néanmoins remarquer que la documentation étant
parcellaire d’autres villes comme Vienne, Lyon, Nimes ou
Autun ont pu être des sièges de légions.
L'image 5 est
aussi révélatrice. Il s’agit aussi d’une carte de France sur
laquelle ont été signalés toutes les villes possédant des
monuments romains tels que amphithéâtres, théâtres, arcs de
triomphe, thermes, forums . On a marqué
en rouge les villes pour lesquelles les monuments
sont prouvés et en
bleu lorsqu’ils sont probables. On a considéré
qu’il fallait au moins deux monuments pour prouver
l’importance d’une ville. Bien sûr il peut y avoir des
erreurs ou des oublis. Néanmoins cette carte fait apparaître
une grande concentration de villes fortement dotées de
monuments romains dans des régions très spécifiques : le
Bas-Languedoc (Narbonne, Béziers, Nimes) et la vallée du
Rhône (Arles, Orange, Cavaillon, Glanum, Vaison la Romaine,
Vienne, Lyon). D’autres régions sont un peu moins bien
dotées : la Bourgogne avec Autun, les Pyrénées avec Saint
Bertrand de Comminges, la Saintonge avec Saintes. Enfin,
pour d’autres, on assiste à une quasi absence de monuments
romains.
Il existe une corrélation entre les images
5 et 6 laissant envisager un lien entre la
présence en certains endroits de légions romaines et
l’existence dans les mêmes endroits de monuments romains.
La richesse en monuments romains de ces villes pourrait donc
être due à la présence de légions romaines.
De telles considérations peuvent permettre d’expliquer pas
mal de questions. Comme, par exemple, l’origine du mot «
Septimanie ».
« Faut-il
payer le denier à César ?». Nous ne nous
préoccuperons pas de la réponse de Jésus à cette question
estimant que c’est la question elle-même qui pose problème.
Essayons de la réactualiser : «
Faut-il payer l’impôt à Macron, notre actuel ministres des
Finances ? » ,ou bien, : «
Faut-il payer l’impôt à Obama, actuel président des USA? ».
Dans chacun des cas la question prête à sourire. Car on sait
très bien que, dans le premier cas, on n’a pas le choix : on
est bien obligé de payer l’impôt à Macron. Et dans le second
cas, la question ne se pose pas non plus : pour quelles
raisons irait-on payer un impôt à un étranger ?
Si donc cette question est posée à Jésus, c’est parce que, à
l’époque, elle faisait débat au sein de la société juive.
Certains étaient partisans de payer un impôt à César,
d’autres étaient partisans du contraire. Mais, cette
décision ne pouvait être que collective. Ou bien tout le
monde payait l’impôt, ou bien tout le monde ne le payait
pas. L’armée romaine, quant à elle, ne semble pas
s’impliquer dans cette décision. Elle laisse le choix à la
communauté juive de décider de payer ou de refuser de payer.
Si elle laisse ce choix, c’est parce qu’elle offre quelque
chose en échange du denier versé par chacun. Et ce quelque
chose ne peut être que la paix.
En conséquence, il faut envisager que l’armée romaine ait
été plus une force de maintien de l’ordre qu’une force
d’occupation. L’armée romaine ne devait pas être là pour
gérer un territoire, mais pour en assurer la paix.