L'abbatiale Sainte Marie de Casamari à Veroli
Nous n'avons pas visité cette église.
Les images ci-dessous sont extraites d'Internet.
Ami lecteur de notre site, vous êtes en droit de vous
étonner. En effet, ce site Internet est principalement
consacré à l'étude des monuments du Premier Millénaire. Or
manifestement cet édifice n'en fait pas partie. Comme nous
le verrons, il s'agit d'une église que l'on peut qualifier
de « gothique
» dont la construction remonte probablement au XIIesiècle,
donc bien après l'an mille. Pourquoi alors procédons-nous à
son étude ? Ami lecteur, Il faut comprendre que notre
démarche est issue d'un constat : les archives disparaissent
au cours du temps. En particulier les documents écrits. En
conséquence, plus un monument est ancien, moins il est
documenté. C'est en particulier ce qui a conduit bon nombre
d'historiens de l'art à commettre des erreurs. Une église
citée en 1057 devenait une église construite en 1057. Une
église non citée avant l'an mille - c'est le cas de presque
toutes - devenait une église postérieure à l'an mille.
Nous sommes donc mieux renseignés sur des édifices plus
récents qui, par ailleurs, sont plus nombreux que les
édifices anciens. On peut donc plus facilement dater
l'ensemble des constructions et repérer les innovations.
Nous avons la conviction qu'il existe une simultanéité de
l'innovation. Une innovation architecturale effectuée durant
le Moyen-Âge, dans une toute petite partie de l'Europe,
devait être connue dans toute l'Europe moins de trente ans
plus tard. Cela ne signifie pas qu'elle était effectivement
réalisée c;ar souvent d'autres questions entrent en jeu
(opportunité, moyens financiers, infrastructures,
compétences humaines). Il faudrait un peu
« tordre le cou » à l'idée qu'il existe des pays ou des
régions « attardés » : un parc national ne peut être
considéré comme « attardé » si le smartphone n'y passe pas.
Notre idée est donc de repérer les principales innovations,
de dater les plus récentes et de remonter l'information.
Ainsi, par exemple, on commence par dater la croisée
d'ogives. Ce qui doit se faire assez facilement en
multipliant les informations. Puis on remonte à la voûte
d'arêtes ou à l'arc brisé. Et ainsi de suite sachant qu'il
existe une date butoir : celle des premières basiliques
paléochrétiennes.
Et donc des églises comme l'abbatiale Sainte Marie peuvent
servir de support à notre étude.
La page du site Internet Wikipedia consacrée à cet édifice
nous apprend ceci :
« Le
site antique : L'abbaye fut fondée sur un ancien
municipe romain nommé Cereatae Marianae (dédié à la
déesse). Durant les siècles de décadence de l'Empire
romain, Cereatae fut en proie à une crise économique et
sociale, due à la chute de l'Empire et aux invasions
barbares.
Les
bénédictins : En 1035, des moines bénédictins
sont établis dans ce site et construisent une première
abbaye. Ils édifient pour commencer un monastère avec une
église de taille modeste, monastère qui est ensuite
agrandi par l'abbé Giovanni dans la moitié du XIe
siècle.
Les
difficultés et l'arrivée des cisterciens : Durant
le schisme d'Anaclet II, Bernard de Claivaux plaide pour
un rattachement de Casamari à l'ordre cistercien, alors
plus proche des idéaux évangéliques. Le pape Innocent II
approuve ce changement.
Le développement de
l'abbaye est attesté par les nombreuses donations et les
achats de chapelles. [...]
L'église
abbatiale : Les
architectes sont probablement les mêmes qu'à Fossanova
(rebâtie entre 1186 et 1208). À Casamari, ils œuvrent en
1203 et 1217. Entre les deux chantiers, ils abandonnent la
voûte d'arêtes pour la croisée d'ogives. Le plan de la
nouvelle abbatiale respecte la nouvelle architecture
cistercienne mise en place en Bourgogne (toujours visible
à Fontenay aujourd'hui, toutefois moins fidèle au modèle
bourguignon que Fossanova). [...] »
Tout d'abord une précision : Bernard de Clairvaux est né en
1090 et mort en 1153. Le pontificat d'Innocent II eut lieu
entre 1130 et 1143. On peut donc dater entre 1130 et 1143
(plutôt vers 1130), le rattachement de Casamari à l'ordre de
Citeaux.
Ajoutons une remarque : on a souvent tendance à considérer
la fondation d'une abbaye comme une création ex nihilo. Si
bien que certains historiens de l'art datent la construction
d'une abbatiale de la fondation de la communauté. On voit
que dans le cas présent, l'abbaye dite «
cistercienne »
a été créée à partir d'une abbaye qui existait auparavant au
début du XIesiècle et peut-être avant.
Laquelle abbaye était construite sur un site antique. Il
nous faut admettre qu'il puisse exister des restes de ce
site antique et de l'abbaye bénédictine qui lui a succédé.
Cela étant, il est fort peu probable que l'église
représentée sur les images
4, 5 et 6 soit antérieure à l'an 1130. Son plan
est homogène sans réfections apparentes. On en déduit
qu'elle a été construite intégralement après 1130. Il s'agit
d'une construction que l'on peut qualifier de gothique, même
si elle est de transition entre le roman et le gothique : il
y a existence de piliers de type «
roman »
mais les chapiteaux à crochets, les consoles sculptées et
surtout les arcs reliant les piliers doubles et brisés, font
déjà partie du répertoire gothique.
Reprenons ce qui nous est dit ci-dessus : «
Les architectes sont probablement les mêmes qu'à Fossanova
(rebâtie entre 1186 et 1208). À Casamari, ils œuvrent en
1203 et 1217. Entre les deux chantiers, ils abandonnent la
voûte d'arêtes pour la croisée d'ogives ».
Nous ne connaissons pas les arguments ayant permis de
déterminer que Fossanova avait été bâtie entre 1186 et 1208.
Nous ne savons non plus quelles sont les preuves d'un
abandon de « la voûte
d'arêtes pour la croisée d'ogives », entre 1203 et
1217. Nous pensons cependant que la connaissance de ces
preuves serait intéressante pour l'histoire de
l'architecture. La voûte en croisée d'ogives est selon nous
l'invention majeure de l'architecture gothique. La voûte
d'arêtes pourrait être beaucoup plus ancienne, obtenue par
le croisement de deux voûtes en berceau. L'adoption de la
voûte en croisée d'ogives aurait pu se faire aux alentours
de l'an 1200. Nous avons pu en avoir l'intuition par
l'examen des voûtes de la cathédrale de Béziers, détruites
en 1209, reconstruites en croisée d'ogives à partir de 1215.
Dernière remarque : l'auteur du site Internet nous apprend
que Fossanova est construite après 1186. Et Casamari après
1203. Cela n'est pas logique.
Il faut comprendre que la fondation de Casamari qui fait
suite au schisme d'Anaclet n'est pas la seule fondation
cistercienne. Le schisme d'Anaclet n'est peut-être pas un
simple conflit religieux ou un conflit entre deux individus.
Il y a là-dedans très probablement des considérations
politiques. rattachées aux biens de l'église et sans doute
aussi de ceux des états laïques. Le passage de Casamari dans
l'orbite cistercienne n'a certainement pas été qu'un trait
de plume sur un parchemin. Saint Bernard a fait procéder à
ce changement non pour la forme mais pour y mettre de
l'ordre. Et la manifestation la plus visible du changement
opéré ne peut être que la construction d'une nouvelle
abbatiale. Il nous semble donc que la construction de cette
abbatiale en 1203, soit 50 ans après la mort de son
principal artisan, ne peut être que trop tardive.
Datation
envisagée pour l'abbatiale Sainte Marie de Casamari
à Veroli : an 1150 avec un écart de 50 ans.