La chiesa Santa Maria dell’Ammiraglio de Palerme
Nous avons effectué une visite rapide de
cette église en février 2005. La plupart des mages
ci-dessous a été prise lors de cette visite.
Cette église a fait l'objet d'une description détaillée
écrite par Giovanella Cassata, chargée de mission auprès de
la Soprintendenza ai Bieni Artistici de Palerme, dans
l'ouvrage Sicile
Romane de la collection Zodiaque.
Nous en reproduisons ici des extraits :
« Histoire : Un des
monuments religieux les plus significatifs édifiés à
Palerme au cours de la domination normande est
certainement l'église Santa Maria dell'Ammiraglio ou
dell’Antiocheno (de l'Antiochien) appelée communément la
“Martorana”.
Elle fut construite sur un terre-plein haut, à la demande
de Georges d'Antioche, grand amiral du royaume de Sicile
sous le règne de Roger II, pour rendre grâce à la Vierge
de la protection qu'elle lui a accordée dans ses activités
maritimes. La certitude que Georges d'Antioche a vraiment
été le fondateur de l'église repose sur un document
arabo-grec conservé dans les archives de la chapelle
palatine, sur une inscription grecque figurant à
l'extérieur et couronnant jadis l'édifice (dont il ne
reste aujourd'hui qu'une partie) et aussi sur la mosaïque
dédicatoire conservée à l'intérieur (il s'agit
probablement de la mosaïque de l'image
13). Du
document arabo-grec, on apprend non seulement à qui
revient la paternité de l'édifice, mais aussi la date de
la construction. Il y paraît en effet qu'en 1143,
l'édifice était déjà bâti, et qu'en 1146, après une pause
de trois ans, les travaux reprirent pour se prolonger
jusqu'en 1185. Au terme de ceux-ci, l'édifice se trouva
enrichi d'un narthex intérieur accolé à la façade
primitive, d'un atrium orné de splendides mosaïques, d'un
second narthex extérieur et d'un clocher. Sur ce dernier
(image 15),
des détails nous sont donnés par l'arabe Ibn Gubyer dans
le récit de son voyage en Sicile.
L’église à l'origine présentait une structure en croix
inscrite dans un carré, avec quatre bras couverts de
voûtes en berceau, une coupole reposant su quatre colonnes
(image 7),
une tour-lanterne octogonale, et des voûtes d'arêtes plus
basses sur les travées carrées des angles.
Les trois absides tournées vers l'Est et les fragments de
crénelure ajourée qui devaient couronner l'édifice sont
des éléments qui viennent des églises construites selon le
canon byzantin d'Orient entre le IXe et le XIIe
siècle. Ces éléments, très répandus dans l'Italie
méridionale, se trouvent bien amalgamés avec des
caractères typiquement siciliens, tels les arcs brisés,
les voûtes en berceau, les trompes à gradins à l'intérieur
de la tour-lanterne et les colonnes d'angle. De certains
documents, il ressort qu'en 1221, Honorius III confia le
service de l'église au clergé grec, même s'il semble qu'à
partir de 1226, le clergé desservant l'église fut le même
que celui de la chapelle palatine. [...] »
Commentaire sur le texte ci-dessus :
Dans la phrase commençant par : « La
certitude que Georges d'Antioche a vraiment été le
fondateur de l'église repose sur [...] », un mot
nous gêne. C'est le mot « certitude
». Surtout lorsque ce mot est associé aux mots « fondation »
ou « construction » (dans le cas présent, c'est le mot «
constructeur » qu'on aurait dû utiliser et non le mot «
fondateur » : on construit une église, on fonde une
communauté). En effet, la plupart des textes du Moyen-Âge
sont imprécis. Certains peuvent être des faux. D'autres
peuvent être exagérés. Nous avons d'ailleurs trouvé un
exemple en Sicile à Monreale. Selon le texte, on pourrait
croire que Guillaume II a construit la totalité de la
cathédrale alors que l'image
56 de la page consacrée à la cathédrale montre
qu'il n'en a construit qu'une partie.
La notion d'incertitude, bien connue et très utile en ce qui
concerne les sciences physiques, devrait être appliquée en
histoire. Dans le cas présent, les renseignements sont bien
minces. Et surtout ils induisent des contradictions.
L'auteur du texte nous apprend « qu'en
1143, l'édifice était déjà bâti, et qu'en 1146, après une
pause de trois ans, les travaux reprirent pour se
prolonger jusqu'en 1185. Au terme de ceux-ci, l'édifice se
trouva enrichi d'un narthex intérieur accolé à la façade
primitive, d'un atrium orné de splendides mosaïques, d'un
second narthex extérieur et d'un clocher. ».
Reprenons les informations telles qu'elles nous sont
données. L'église « fut
construite, à la demande de Georges d'Antioche,
[...] sous
le règne de Roger II [...] ». Roger II ayant été
roi de Sicile en 1130, on en déduit qu'elle est construite à
partir de 1130 et selon l'information suivante, elle est
terminée en 1143. Trois ans plus tard, on attaque la
construction d'un narthex intérieur. Attention ! En
construisant ce narthex interne, on modifie le plan du
bâtiment qui était carré, donc centré. Un bâtiment à plan
centré a une signification symbolique forte : il manifeste
la centralité de celui qui l'occupe ; il est au centre du
monde. Donc en construisant ce narthex, on nie la centralité
du donneur d'ordres précédent. Puis il y a la construction
de l'atrium et du narthex externe. Ne voyant pas sur le plan
de différence entre ces deux corps de bâtiment, nous pensons
qu'ils ont dû faire partie d'un même projet de construction.
Mais ce projet est différent de celui du narthex interne.
Lequel est différent du projet initial. Et à cela, on ajoute
encore la construction du clocher.
Si donc, d'après ce texte, on date de 1135 le début des
constructions et de 1185 la fin des constructions, on a la
réalisation d'un monument en 4 phases bien distinctes. Avec
des plans différents pour chacune des phases. Et ce monument
est une église ! C'est à dire quelque chose qui doit être à
l'image de la perfection. En résumé : avant 1135, rien !
Entre 1135 et 1185, une boulimie de constructions ! Après
1185, rien !
Notre hypothèse est que les constructions se sont un peu
plus étalées dans le temps.
Concernant la construction initiale, la suite du texte de
Mme Cassata, « Les
trois absides tournées vers l'Est et les fragments de
crénelure ajourée qui devaient couronner l'édifice sont
des éléments qui viennent des églises construites selon le
canon byzantin d'Orient entre le IXe et le XIIe
siècle.», nous donne l'information selon laquelle
des églises à nef à plan centré carré et trois absides
pourraient remonter au IXe siècle. Nous ne savons
pas comment Mme Cassata a eu connaissance de cette
information mais nous la retenons comme possible. Et du même
coup, nous en déduisons que s'il existe des églises ayant ce
plan particulier datant du IXe siècle, elles
pourraient caractériser un style créé au IXe
siècle. Et, du coup, toutes les églises ayant la même
configuration dateraient du IXe siècle !
Commentaires
de quelques images
Image 2 : Scène
de chasse à l'intérieur de pampres de vigne. On distingue un
cerf.
Image 8 : À
droite, scène de la Nativité, à gauche, scène de la
Dormition.
Image 9 : Scène
de la Dormition ? Ou scène de la Mort de la Vierge Marie ?
Nous ne sommes pas des théologiens. Il nous est donc
difficile de décider sur ce point. Les théologiens sont-ils
d'ailleurs d'accord entre eux ? L'affaire semble a priori
simple : pour certains théologiens, la Vierge serait morte
et serait directement montée au Ciel. Pour d'autres, la
Vierge serait seulement endormie, prête à se réveiller. Nous
ne doutons pas que l'affaire soit plus compliquée et qu'elle
ait pu partager des communautés chrétiennes. Nous pensons
qu'elle doit être en relation avec les consécrations
d'églises à Notre Dame de l'Assomption. Cette église Santa
Maria dell’Ammiraglio était d'ailleurs peut-être
initialement dédiée à Notre-Dame de l'Assomption. Nous
attribuons le grand nombre de dédicaces à Notre-Dame de
l'Assomption au fait que ces églises étaient les sièges
d'évêchés primitifs indépendants de l'église de Rome. Les
évêques de ces évêchés primitifs se déclareraient, à l'égal
des Apôtres, successeurs de la Vierge Marie, au moment de
son Assomption, et non de Saint Pierre, premier évêque de
Rome. À remarquer sur cette image
9 le nombre de personnages (dont deux femmes)
entourant la Vierge : aucun n'est auréolé alors que la
Vierge et le Christ le sont.
Images 10 et 11.
C'est la scène de l'Annonciation mais il y a dedans tout un
symbolisme. Dieu le Père est représenté par la main divine
sortant du Ciel. Le Saint-Esprit l'est par la colombe. Et
enfin, le Christ est présent dans le sein de la Vierge
Marie.
Image 12 : Le
Christ couronnant le roi Roger. Remarquer que la couronne
est différente de celle de la page précédente (cathédrale de
Palerme).
Image 14 : Cuve
baptismale. Sa présence confirme l'idée selon laquelle cette
église pourrait être une cathédrale primitive. Il pouvait y
avoir dans une même cité plusieurs évêques. Il y avait
diverses communautés, et donc des évêques animant ces
communautés. On le sait en ce qui concerne les églises de
Rome. Dans le cas présent, la communauté pourrait être des
byzantins (de rite grec). Remarquer le décor de la cuve :
feuillages, croix pattée aux bras en forme de feuille
étalée.
Datation envisagée pour la chiesa Santa Maria
dell’Ammiraglio (pour l'église primitive à plan carré) : an
900 avec un écart de 150 ans.