L'abbatiale Saint-Cassien de Narni 

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La page écrite en italien du site Internet intitulé « I Luoghi del Silenzio », relative à cette église, est très documentée. Nous en conseillons la lecture à toute personne qui pourrait la visiter. Nous-mêmes n'avons pu le faire, les images ci-dessous sont extraites d'Internet. Voici des extraits de cette page très détaillée, traduits de l'italien par un programme automatique, traduction éventuellement corrigée par nos soins :

« [...] L’abbaye de San Cassiano est nommée pour la première fois avec certitude dans un document de l’abbaye de Farfa de 1081, mais la découverte d’une inscription lors des dernières restaurations effectuées dans les années 70 indique une datation très antérieure : en effet, l’inscription était placée sur un sarcophage de l’époque romaine, donné au probable premier abbé de San Cassiano (le bienheureux Ours) par Crescenzio de Teodorada (Crescenzio, mort en 984 D.C, a été enterré dans l’église de Sant’Alessío sull’Aventino). On peut en déduire que l’abbaye existait déjà plusieurs années auparavant et que, par conséquent, la datation doit certainement être fixée au moins à la seconde moitié du Xe siècle.

On n’a guère d’autres informations que celle de l’année 1334 concernant la modification de l’installation du bâtiment, de la forme de croix grecque à celle du modèle basilical à trois nefs, avec l’abattage des extrémités des bras transversaux.
[...] »

Le texte réel est nettement plus long. Il revient en particulier sur les deux inscriptions qui permettent d'affirmer, selon son auteur, une datation de l'abbaye antérieure à l'an 984. Au vu de l'insistance de l'auteur, il semblerait que cette datation ne se soit pas facilement imposée, les historiens précédents restant attachézs à la datation de 1081.

Toujours est-il que même si la date de 984 est acceptée, elle demeure restrictive comme le montre la phrase : « On peut en déduire que l’abbaye existait déjà plusieurs années auparavant et que, par conséquent, la datation doit certainement être fixée au moins à la seconde moitié du Xe siècle. ». La « seconde moitié du Xe siècle » correspond à l'intervalle de temps [950, 984], soit 34 ans à comparer avec les 6 siècles ([350, 984]) depuis les réformes de Constantin et l'an 984.

Le texte témoigne aussi de l'étonnement des chercheurs suscité par l'emplacement ce cette abbaye isolée en pleine montagne. Des auteurs tentent de justifier cet isolement par l'action de Bélisaire, général byzantin qui a vaincu les Goths et qui aurait voulu fortifier cette zone. Nous pensons que, sauf justification détaillée, l'explication est un peu courte. Les exploits de Bélisaire nous sont connus par les écrits élogieux de Procope, un de ses officiers. Fort occupé à conquérir unze partie de l'Italie, il a certainement pris très peu de temps à s'efforcer de construire des églises ou des monastères. Nous pensons que, comme cela arrive fréquemment, la rareté des documents oblige les historiens à surexploiter les rares dont ils disposent.


Essayons à présent d'estimer la datation de cette église après avoir examiné l'explication qui nous est donnée dans le texte ci-dessus : « On n’a guère d’autres informations que celle de l’année 1334 concernant la modification de l’installation du bâtiment, de la forme de croix grecque à celle du modèle basilical à trois nefs, avec l’abattage des extrémités des bras transversaux. [...] ».

Que nous apprend ce texte écrit par un italien désireux de mettre en valeur le patrimoine de sa région ? Il nous apprend que les italiens de l'époque (1334) étaient nuls ! Arriérés ! Rétrogrades ! Parce qu'au même moment, à 1000 km plus au Nord, on construisait des églises deux fois plus hautes, deux fois plus larges, cinq fois plus lumineuses : les églises gothiques, des églises qui existaient depuis 150 ans.

Disons-le tout de suite ! Nous ne le croyons pas ! Les italiens de l'époque n'étaient pas des arriérés. Nous pensons par contre que la date de 1334 proposée ici pour des travaux de rénovation n'est pas la bonne. Les travaux dont il est question seraient antérieurs.

De quels travaux s'agit-il ? Ils apparaissent clairement sur les images 3 (la nef vue en direction du chœur) et 4 (la nef vue en direction du fond). Considérons l'image 4. On y voit une nef à 3 vaisseaux charpentés, avec, à partir du fond de l'églis,e trois travées portées par des colonnes cylindriques et des arcs à un seul rouleau. Puis, au milieu, une travée de grande largeur portée par des piliers cruciformes avec un arc de grand diamètre. Et enfin, deux travées de chœur analogues aux trois travées du fond de l'église. Les travaux apparaissent dans les différence entre ces deux types de travées : les travées avec un arc de petit diamètre et l'unique travée avec un arc de grand diamètre. L'apparente incohérence entre ces deux systèmes fait envisager qu'il y a eu deux étapes bien différenciées de travaux.

Mais quelle est la succession de ces travaux ? Le texte ci-dessus avalise l'idée selon laquelle, initialement, le plan de l'église était à croix grecque (croix à branches égales). Ultérieurement, la partie à plan basilical à trois vaisseaux aurait été ajoutée.

Nous contestons radicalement cette idée, pour des raisons bien simples. En architecture, pour édifier des arcs, on a commencé à construire des petits arcs avant d'édifier les grands et non le contraire. Si l'église avait eu primitivement un plan en croix grecque, il resterait de celle-ci deux arcs, côté Ouest (arc triomphal) et côté Est (arc absidal). Il y a aussi le fait que les piliers cylindriques ou rectangulaires précèdent les piliers cruciformes. Et il y a encore le fait que les premières églises paléochrétiennes étaient des basiliques à nef à trois ou cinq vaisseaux. Les églises à plan en croix grecque sont apparues plus tard, aux alentours de l'an 800.

En conséquence, nous estimons que l'église primitive était une basilique à nef à trois vaisseaux. Il subsisterait de cette église au moins les trois premières travées côté Ouest. Ultérieurement, on aurait décodé de construire un transept en remplacement de plusieurs travées de cette nef (au moins deux). Il est possible que les deux travées du chœur n'aient pas été modifiées par ce changement.

L'image 6 de la vue par satellite du monastère est orientée (le Nord est en haut). Elle fait apparaître, en bas de l'image, les 4 pentes du clocher. On remarque que le sens est inversé : le chœur est à l'Ouest et le fond est à l'Est. Le tracé du transept est bien visible sur cette image. Il s'agit d'un transept haut. C'est-à-dire de même hauteur que la nef. Il n'existe pas de tour de croisée de ce transept. Nous estimons que les transepts hauts apparaissent tardivement, au XIIe siècle.


Datation envisagée

Pour l'abbatiale Saint-Cassien de Narni (la basilique) : an 750 avec un écart de 150 ans.

Pour l'abbatiale Saint-Cassien de Narni (le transept) : an 1150 avec un écart de 50 ans.