L'église San Giorgio Martire de Petrella Tifernina
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La page écrite en italien du site Internet Wikipedia,
relative à cette église, nous apprend ceci :
« L’église
dédiée à Saint Georges martyr, patron de Petrella, date du
XIIe siècle. L’église de style roman a été
déclarée monument national en 1901.
Le portail principal et les deux côtés présentent un
important appareil décoratif sculptural.
L’intérieur de l’église est divisé en trois nefs fermées
par leurs absides respectives. Les allées sont divisées
par deux colonnades asymétriques, les chapiteaux sont
décorés de motifs similaires à ceux présents à l’extérieur
de l’église. À l’intérieur de l’église, se distingue la
cuve baptismale monolithique, hémisphérique, richement
décorée. Plusieurs autels et une crypte dédiée à Saint
Georges sont également présents.
À côté du complexe monumental, se trouve le clocher
d’environ 30 m de haut. »
Par ailleurs, nous conseillons la lecture du site Internet
intitulé Luoghi
Misteriosi. Ce site s'efforce d'expliquer le
symbolisme de la plupart des scènes sculptées. Les auteurs
de ce site développent une analyse comparable à la nôtre. Un
regret toutefois : confrontés aux mystères suscités par les
représentations sculptées (la traduction en français de
Luoghi misteriosi est Lieux
mysterieux) les auteurs du site ont émis l'idée que
l'église Saint-Georges avait appartenu aux Templiers. Il
semblerait qu'aucun document écrit ne confirme cela.
L'hypothèse est cependant plausible. Saint Georges martyr,
représenté en cavalier, est le saint patron d'ordres de
chevalerie. Par ailleurs, des croix hospitalières (ou
pattées) orneraient des piliers de cette église. Cependant
il n'y a là aucune certitude. Ces indices ne permettent pas
d'affirmer que cette église a appartenu à un ordre de
chevalerie, et que cet ordre était celui des Templiers.
Quant aux « mystères » de cette église, ils nous semblent
moins importants que ceux de l'église voisine Santa Maria
della Strada de Matrice. Les chapiteaux de Saint Georges
développent des thèmes déjà vus ailleurs. Cependant, l'idée
qui nous est ici offerte d'associer des thèmes symboliques à
des ordres de chevalerie suscite une réflexion que nous
engagerons à la fin de cette page.
Commençons par l'étude de l'architecture
de l'édifice. Sa nef est à trois vaisseaux charpentés (images 4, 5, 6 et 7).
Les piliers sont rectangulaires de type R1111.
Cependant, par rapport à ce que l'on voit dans des pays plus
septentrionaux comme la France, ils ne ressemblent pas à des
piliers cruciformes car ils sont presque cylindriques. De
plus, les arcs reliant les piliers sont simples. Tout cela
est en contradiction avec ce que nous avons vu en France et
qui a permis la rédaction des pages sur l'évolution des arcs
et des piliers de notre chapitre « Datation ». On a vu en
effet dans ce chapitre que les piliers de type R1010, R1110 et R1111
portaient systéma-tiquement des arcs doubles. Il y a dans
cette construction de l'église San Giorgio Martire de
Petrella Tifernina un aspect anormal, anachronique. On a vu
en effet dans notre étude basée sur les monuments
septentrionaux que la construction de piliers de type R1010, puis R1110,
puis R1111
répondait à des nécessités successives : arcs doubles,
voûtement des collatéraux, voûtement du vaisseau central. Or
ici, rien de tel : les arcs sont simples et les vaisseaux ne
sont pas voûtés. Tout se passe comme si les constructeurs de
l'église San Giorgio Martire s'étaient vus imposer un cahier
des charges qu'ils ne comprenaient pas : construire avec des
piliers de type R1111
et voûter les vaisseaux de la nef. Ils ont fait ce qu'ils
avaient l'habitude de faire : ils ont construit des piliers
presque cylindriques et ils n'ont pas voûté la nef.
D'après les images 1, 2
et 3, l'église est dépourvue de transept, ce qui
est un signe d'ancienneté. Autre signe d'ancienneté : le
chevet est formé de trois absides situées dans le
prolongement des vaisseaux de la nef. Ces absides sont
décorées d'arcatures lombardes.
Le décor extérieur
D'après les observations que nous avons faites ci-dessus,
nous estimons que l'église est de peu antérieure à l'an
mille. Mais certaines parties de cette église pourraient
avoir été construites plus tard. Nous pensons que ce
pourrait être le cas de la façade occidentale (images
1, 2).
Le portail de la façade Ouest est richement décoré (image
10). Ses voussures sont sculptées d'entrelacs ou de
pampres de vigne encadrant des lions affrontés ou des
rosaces. Le tympan (détail en image
11) décrit une scène énigmatique que nous
traduisons ainsi : ce serait l'histoire du prophète Jonas.
On connaît cette histoire de la Bible : le prophète Jonas
aurait été dévoré par un monstre marin qui l'aurait recraché
trois jours plus tard. Cette histoire a été réinterprétée
par les Pères de l’Église ; ce serait l'histoire de Jésus,
mort sur la Croix, ressuscité trois jours plus tard. Et ce
serait aussi l'histoire de chaque homme qui, dévoré par le
monstre de la Mort, doit ressusciter au Dernier Jour. Et
dans les traditions celtiques anciennes, c'est aussi
l'histoire du cheval solaire ou du dragon qui chaque soir
tue le soleil, en le faisant plonger dans la mer et chaque
matin le fait revivre.
Nous avons ici toutes ces histoires regroupées dans un seul
tableau. En haut, à droite, un homme est engouffré la tête
la première dans la gueule du dragon. Au-dessous, à gauche,
il ressort vivant les bras levés dans l'attitude de l'orant.
Le dragon bienfaisant qui l'a sauvé piétine une autre bête
malfaisante. La scène se déroule en présence de l'Agnus Dei,
porteur d'une croix pattée hampée. Ce qui confirme le sens
religieux de cette scène.
Un autre portail (situé dans la façade Sud ?) est richement
décoré (image 12).
On y retrouve les pampres de vigne, les entrelacs et les
rosaces. Le tympan est, quant à lui, difficile à expliquer.
On y voit, de gauche à droite, un lièvre dressé sur ses
pattes, un dragon tirant une énorme langue, un lion à queue
feuillue, lui aussi tirant la langue. Et au dessus, un loup
montrant ses crocs et un oiseau se retournant pour frapper
son corps (peut-être l'image du pélican se sacrifiant pour
ses petits). Il est probable que cette scène traduise un
symbolisme religieux mais nous sommes bien en peine de
savoir lequel.
Terminons la visite des sculptures extérieures par l'image
13 de Saint Georges terrassant le dragon.
Le décor intérieur
On commence par la très belle cuve baptismale monolithe de
l'image 9. Dans sa
partie supérieure, une liane ondulée porte des feuilles.
Elle est censée représenter l'eau. Dans la partie
inférieure, une autre bande ondulée encercle des rosaces à 6
ou 8 pétales, en alternance. Pour une raison que nous
ignorons, les figures géométriques à plan centré à 6 ou 8
côtés sont symboliques dans la liturgie du baptême chrétien.
Ainsi il est assez fréquent de voir une cuve baptismale à
plan hexagonal, installée au centre d'un baptistère à plan
octogonal.
Image 14. Une
figure formée de deux rosaces à huit pétales superposées est
encadrée par deux feuilles de chêne. Le zigzag situé
au-dessous symbolise l'eau, source de vie.
Image 15. Ici la
rosace à 6 pétales est encadrée de 2 svastikas. Au dessus,
des feuilles dressées (ou feuilles d'eau).
Image 16. Chapiteau
aux « acrobates ». Nous pensons que ce type de décor de
chapiteau est, tout comme celui de la sirène à deux queues
(qui serait visible dans cette église), issu d'un seul
modèle, « l'homme émergeant des feuillages » que l'on peut
voir à Saint Bénigne de Dijon. Une tête de taureau est
visible entre les acrobates. C'est peut-être une
réminiscence du culte païen dédié à la déesse Mithra.
Image 17. On
parlait auparavant de « l'homme émergeant des feuillages ».
On le voit ici apparaître.
Image 18. La
figure représentée est-elle un atlante soutenant le monde ?
Ou un orant élevant sa prière vers Dieu ? Il semblerait que
ce bloc soit le reste d'une pièce plus importante sciée en
deux.
Nous avons dit auparavant que
l'attribution de cette église à une communauté de Templiers
était peut-être erronée. Cependant le fait qu'on retrouve en
des endroits différents, parfois fort éloignés les uns des
autres, des scènes identiques comme la sirène à deux queues,
l'acrobate, les lions affrontés, l'aigle impérial et
d'autres scènes encore, pose question. De plus, ces scènes
apparemment très profanes sont installées dans des lieux
religieux. Enfin, on constate que certaines de ces scènes se
retrouvent sur les blasons de chevaliers du XIVe
siècle. D'où l'idée qui nous est venue : ces églises ou ces
monastères peuplés par des gens pacifiques avaient besoin
d'une protection par des hommes armés. Ces hommes pouvaient
être regroupés en confréries. Le sigle de la confrérie
apparaissait sur les chapiteaux.
Datation envisagée
pour l'église San Giorgio Martire de Petrella Tifernina : an
950 avec un écart de 100 ans.