Conclusions sur les édifices de la région Bourgogne- Franche-Comté
1.
L’art roman en Bourgogne
La première des conclusions que l’on peut apporter est de «
tordre le cou » à une légende selon laquelle il y aurait un
« art roman en Bourgogne », un art roman spécifique
différent de « l’art roman en Auvergne » ou de « l’art roman
en Languedoc». Et bien sûr, un art roman bien spécifique à
la région, parfaitement identifiable.
Les images 1, 2, 3 que
nous produisons, mais aussi toutes les images suivantes
montrent bien la variété des édifices de la région
Bourgogne- Franche-Comté et la difficulté, voire
l’impossibilité, de définir un style commun à toutes.
Cette légende d’un « art roman bourguignon » découle en fait
de l’idée simpliste que tous les édifices sont postérieurs à
l’an 1000. Voire même un peu plus : 1020-1030. Comme par
ailleurs la nef de Vézelay, considérée comme parfaitement
représentative de l’art roman, est datée par les
spécialistes des années 1120- 1130 (nous estimons plutôt
1100), tous les édifices sont estimés construits en un seul
siècle entre 1020 et 1120. Ce qui suppose qu’il n’y aurait
qu’un style commun à tous les édifices.
Notre position est toute différente, car nous estimons que
les constructions ne se sont pas étalées sur un seul siècle
de 1020 à 1120, mais sur 8 siècles de l’an 350 à l’an 1150.
Si l’ensemble de constructions s’effectue sur un siècle, on
peut envisager un seul style, le style « roman ». Mais si
l’ensemble de constructions s’effectue sur 8 siècles, on est
obligé d’envisager 8 styles. C’est justement l’objet de nos
recherches actuelles : essayer de définir l’évolution des
constructions, d’identifier des styles.
Pour bien comprendre cela, nous allons imaginer la situation
suivante. Comme chacun sait, à partir des années 1860, de
très grands travaux ont été faits à Paris sous l’égide du
baron Haussmann. Toutes les habitations se ressemblent et on
pourrait parler à leur sujet « d’art haussmannien ». Jusque
là tout va bien. Mais maintenant, supposons que toutes les
constructions de Paris soient désignées comme
caractéristiques de « l’art haussmannien » : Le Trocadéro :
art haussmannien ; La tour Eiffel : art haussmannien ; Les
gratte-ciels de la Défense : art haussmannien. Mais encore :
Le Louvre : art haussmannien ; Notre-Dame de Paris : art
haussmannien. Un tel discours ne peut que scandaliser tout
homme un tant soit peu connaisseur. Eh bien, c’est l’exact
discours en ce qui concerne les édifices antérieurs à l’an
1200 : tous ont le même qualificatif : « art roman ».
2. Les
nefs charpentées
Lesimages 4, 5 et 6
montrent des nefs à trois vaisseaux charpentés à piliers de
type R000. Sur ce
point au moins, il n’y a pas de nette différence entre la
région Bourgogne- Franche-Comté et les autres régions où
l’on retrouve le même type de constructions.
Nous pensons que ces constructions sont antérieures à l’an
800. Voire même plus.
3. Les
arcatures lombardes
Cela a été une surprise pour nous de constater qu’il pouvait
y avoir dans la région Bourgogne- Franche-Comté des édifices
à arcature lombardes. Nous le savions déjà pour l’église
Saint-Vorles de Châtllon-sur-Seine (image
7) ou Saint-Philibert de Tournus (image
8), édifices au demeurant exceptionnels, mais nous
ignorions qu’il pouvait y en avoir d’autres (image
9). Le fait se révèle exceptionnel. Car les
édifices à arcatures lombardes que nous avions vus
jusqu’alors se trouvent dans le Sud de la France, en
Bas-Languedoc ou dans le Nord de l’Espagne, mais on n’en
trouve plus en région Auvergne-Rhône-Alpes. Et on en
retrouve en Bourgogne à près de 500 kms de l’endroit où on
avait laissé les derniers édifices à arcatures lombardes.
4. Les
passages berrichons
Autre découverte, le Berry n’ayant pas encore été visité
systématiquement. C’est donc en Bourgogne que nous avons
commencé à voir quelques « passages berrichons ». On les
peut voir sur les images
10, 11 et 12. Ce sont les ouvertures placées de
part et d’autre de l’arc triomphal qui font communiquer la
nef et le transept. Nous pensons qu’il n’y a pas de mystère
là dedans. Chacune des trois nefs est unique. Mais
primitivement, elles étaient triples. Et les « passages
berrichons » n’étaient autres que les passages faisant
communiquer les croisillons du transept avec les
collatéraux.
À une date qui pour nous est encore indéterminée, il a été
décidé de supprimer les murs séparant le vaisseau central
des collatéraux. Ce faisant, la nef à trois vaisseaux
devenait une nef unique. Peut-on prouver cette
transformation ? Si cette preuve est difficile à apporter,
du moins une forte présomption existe. Elle se manifeste sur
l'image 12.
Les colonnes demi-cylindriques à chapiteaux accolées
aux piliers du transept sont très probablement les restes
des colonnes supportant les arcs supportant les murs
gouttereaux du vaisseau central de l’ancienne nef.
Quelques questions subsistent : Il semblerait que, d’une
façon générale, les premiers nefs étaient à trois vaisseaux.
Elles ont été remplacées par des nefs à un vaisseau. Pour
quelles raisons les premières nefs étaient-elles à trois
vaisseaux ? Il devait y avoir un rôle particulier associé
aux collatéraux. Lorsque le sens donné au collatéral a
disparu, son utilité a disparu de même et on a décidé de
transformer la nef triple en nef unique.
Les églises à nef unique comme celles que l’on voit sur les images 13, 14 et 15 sont très difficiles à dater. Certaines nefs sont issues de nefs à trois vaisseaux et donc probablement très anciennes. D’autres ont pu être construites à une date beaucoup plus tardive. Elles ont été construites à nef unique parce qu’à ce moment-là la nef triple n’avait plus de sens. Hormis pour les grands ensembles comme ceux-vus dans les images suivantes.
Ces grandes églises sont censées représenter « l’art roman de Bourgogne ». En fait, elles ne représentent qu’elles-mêmes. Leur petit nombre par rapport au grand nombre des autres édifices de Bourgogne- Franche-Comté ne permet pas de les citer comme édifices de référence. Ces édifices sont : la basilique Notre-Dame de Beaune, la basilique Saint-Andoche de Saulieu, le prieuré Notre-Dame de la Charité-sur-Loire, l’église Saint-Étienne de Nevers, la cathédrale Saint-Lazare d’Autun, l’abbatiale Saint-Pierre-et-Saint-Paul de Cluny, la basilique du Sacré-Cœur du Paray-le-Monial, la basilique Sainte-Marie-Madeleine de Vézelay. Soit en tout 8 édifices. Ces 8 édifices sont censés représenter l’ensemble de tous les édifices de Bourgogne. Ce qui n’est manifestement pas le cas.