L'église des Saints-Martin-et-Adèle d'Orp-le-Grand
Nous n'avons pas visité cette église.
Les images ci-dessous sont extraites d'Internet.
Selon Xavier Barral i Altet, auteur du livre Belgique
romane de la Collection Zodiaque
: «
L'église de Saint-Martin et de Sainte-Adèle d'Orp-le-Grand
appartint à un monastère féminin fondé dans l'entourage de
Nivelles et dédié à saint Martin. Vers la fin du VIIe
siècle, Adèle aurait été envoyée par Gertrude de Nivelles
en personne pour fonder un monastère de moniales qui fut à
l'origine de l'agglomération. Après sa mort, son tombeau
fut l'objet d'un pèlerinage important, ce qui explique
que, en dépit de la disparition du monastère au cours du
IXe ou du Xe siècle, les fouilles
entreprises en 1901 aient permis de retrouver, sous
l'emplacement de l'église actuelle, les restes de trois
autres qui l’avaient précédée successivement. Devenue
paroisse, l'église appartint d'abord à Saint-Jean-Baptiste
de Florennes (1026), puis à Tongerlo (1301). […]
La
chronologie de l'église Saint-Martin et Sainte-Adèle
d'Orp-le-Grand n'est pas aisée à établir. On a proposé des
dates allant de la deuxième moitié du XIe
siècle à la fin du XIIe siècle. Sans que l'on
puisse postuler un écart chronologique important,
l'observation architecturale montre que la partie du
transept et du chœur est plus ancienne, en raison de son
absence de décor, de la forme et de la structure de la
crypte et des volumes du transept. La nef, à en juger par
sa plastique murale très élaborée, devait être plus
récente. […] Cette
conception renvoie à des modèles de la fin du XIe
siècle, ou même plus anciens, mais sa réalisation est
certainement plus récente, peut-être même postérieure au
second quart du XIIe siècle. »
Commentaires sur ce texte
Nous trouvons dans ce récit de nombreux points, si ce n'est
de contestation, du moins de questionnement. Ainsi :
— Concernant la phrase «
les fouilles entreprises en 1901 aient permis de
retrouver, sous l'emplacement de l'église actuelle, les
restes de trois autres qui l’avaient précédée
successivement ». Nous n'avons pas eu l'occasion de
voir le rapport de ces fouilles (si toutefois il existe
encore). Mais nous avons de la difficulté à concevoir qu'il
ait pu y avoir en quatre siècles (du VIIIe au XIe
siècle) la construction en un même lieu de quatre édifices
successifs. Surtout en sachant que ces édifices sont des
églises qui, à la différence des constructions privées
censées héberger deux ou trois générations successives,
sont, elles, construites pour l'éternité. Nous pensons que
cela mérite réflexion. Les hypothèses ne manquent pas :
certaines de ces églises trouvées lors des fouilles ont pu
être construites avant la venue de Sainte Adèle ;
l'archéologue qui a fouillé le site a pu interpréter
certains murs comme ceux d'une église nouvelle alors qu'ils
n'intervenaient qu'en réaménagement d'une église ancienne.
— Concernant les phrases « On
a proposé des dates allant de la deuxième moitié du XIe
siècle à la fin du XIIe siècle. ». et «
Cette
conception renvoie à des modèles de la fin du XIe
siècle, ou même plus anciens, mais sa réalisation est
certainement plus récente, peut-être même postérieure au
second quart du XIIe siècle. ». On
retrouve l'idée quasi obsessionnelle qu'un monument ne
puisse pas être antérieur à l'an 1000. Et ce, sans esprit de
comparaison avec d'autres monuments. Car à peu de distance
d'Orp-le-Grand, la cathédrale de Noyon, beaucoup plus
évoluée que cette église des Saints-Martin-et-Adèle, affiche
une datation analogue du second quart du XIIe
siècle.
— Concernant les phrases « Vers
la fin du VIIe siècle, Adèle aurait été envoyée
par Gertrude de Nivelles en personne pour fonder un
monastère... Après
sa mort, son tombeau fut l'objet d'un pèlerinage important
». Ces phrases amènent à la mise au point suivante. Après la
mort de Sainte Adèle qui aurait eu lieu aux débuts du VIIIe
siècle, son tombeau fait l'objet d'une vénération. Et
l'endroit devient un lieu de pèlerinage. Nous estimons que
la création d'un lieu de pèlerinage se fait en trois
périodes. La première période correspond à la création d'une
réputation. Elle est en général courte. Elle se fait souvent
lorsque le saint homme est encore en vie. Et elle est
amplifiée après la mort. Mais si on ne fait rien, la
dévotion finit par s'arrêter. Il faut une deuxième période
de construction d'une grande église pour montrer à chaque
pèlerin qu'il n'est pas seul. Enfin, la dernière période est
celle du déclin progressif de la dévotion initiale. Si la
dernière période peut être très longue, les autres doivent
être, selon nous, plus courtes. Ainsi, un lieu donné atteint
une réputation de sainteté moins de 50 ans après les
premiers signes annonciateurs. Et on ne doit pas attendre 50
ans de plus pour créer une grande église de pèlerinage.
C'est même plus rapide en ce qui concerne les pèlerinages
récents (Lourdes : apparitions en 1858, construction de la
basilique du Rosaire de 1883 à 1889 ; Fatima, premières
apparitions en 1917, l'église Notre-Dame du Rosaire est
terminée en 1953). En conséquence de cette analyse, en
revenant au cas d'Orp-le-Grand, s'il est vrai que Sainte
Adèle est morte au début du VIIIe siècle et que,
peu après, un culte s'est constitué autour de son tombeau,
alors dès la fin du VIIIe siècle ou au début du
siècle suivant, une grande église de pèlerinage devait être
achevée de construction. Alors, soit cette grande église
faisait partie de celles découvertes lors des fouilles, soit
cette grande église est l'église actuelle. C'est cette
deuxième option que nous privilégions.
— Concernant les phrases «
l'observation architecturale montre que la partie du
transept et du chœur est plus ancienne, en raison de son
absence de décor, de la forme et de la structure de la
crypte et des volumes du transept. La nef, à en juger par
sa plastique murale très élaborée, devait être plus
récente... ». Bien que nous n'ayons pas vu d'image
du transept et du chœur, nous pensons le contraire : le
transept et le chœur seraient plus récents que la nef. Les
raisons évoquées par M. Barral i Altet ne conviennent pas.
Ainsi la «structure
de la crypte » : nous ne savons pas exactement de
quoi il s'agit, mais nous avons constaté que, bien souvent,
les cryptes avaient été aménagées dans une construction
préexistante. Les « volumes
du transept » : là encore, nous avons constaté que
bien souvent, les transepts avaient été ajoutés à une
construction précédente. C'est en particulier le cas des
transepts bas comme celui que l'on voit ici. Les croisillons
du transept sont construits en remplacement des collatéraux
d'une ou deux travées de nef. Mais la raison qui semble être
principale pour M. Barral i Altet est le fait que la nef est
plus décorée que le transept et le chevet. Ce décor semble
être la colonnade flanquant les murs supérieurs de la nef (image 4) ainsi qu'une
autre colonnade située à l'intérieur de la nef. Une des
colonnes est en partie et à peine visible a droite sur l'image 8. On voit sur
cette image un pilier de nef montrant sa face côté vaisseau
central. Ce pilier porte une imposte. Sur cette imposte, est
posé un pilastre à section rectangulaire, puis une corniche
et, au-dessus de cette corniche, un fût de colonne
demi-cylindrique. La colonne est vue en entier sur l'image
9. L'auteur déduit donc de ce décor de la nef qu'il
est postérieur à celui du transept. Nous pensons que c'est
tout à fait possible. Nous constatons en effet une
incohérence dans ce décor architectural. Le pilastre est
posé sur l'imposte. Il y a là une rupture de continuité. On
constate aussi une incohérence dans le style par l'usage et
le mélange d'impostes et de chapiteaux : impostes dans la
partie basse, chapiteaux dans la partie haute. Nous pensons
donc que la nef a fait l'objet de deux campagnes de travaux.
Au cours de cette deuxième campagne, on a sans doute voulu
élargir la partie supérieure du mur en ajoutant les
pilastres, les colonnes et les arcs qu'elles soutiennent.
Datation
Nous constatons sur les images
7 et 8 que la nef est à trois vaisseaux
charpentés. Le vaisseau central est porté par des piliers de
type R0000 et des
arcs simples. D'après l'étude que nous avons faite sur la
datation, cette nef devrait être datée aux alentours de l'an
800 (ce qui correspondrait à ce que nous avons vu
précédemment).
Datation envisagée
pour l'église des Saints-Martin-et-Adèle d'Orp-le-Grand : an
800 avec un écart de 150 ans.