L'église Sint-Pieterskerk de Bertem 

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La page du site Internet Wikipédia consacrée à cette église nous apprend ceci :

« Historique : L'église Saint-Pierre de Bertem a été édifiée au XIe siècle.

Au XIIe siècle, ont été ajoutées la sacristie nord ainsi qu'une porte sculptée dite “porte du Paradis”, au sud du chœur
(image 5).

Le plafond de la nef date de 1900 et la sacristie du XXe siècle.

L'église a fait l'objet d'une restauration en 1935
. »

Xavier Barral i Altet, auteur du livre Belgique romane de la Collection Zodiaque, n'est pas beaucoup plus explicite. Tous ces auteurs se rejoignent dans l'attribution de la construction au XIe siècle. Mais ce, sans preuve. Nous avons à présent l'habitude de rencontrer ce genre d'affirmation non étayée de preuve.

Nous n'avons pas visité cette église. Les images ci-dessous sont extraites d'Internet.

L'extérieur de l'édifice (images 1 et 2) fait apparaître une nef à trois vaisseaux terminée par un avant-chœur à plan rectangulaire, puis une abside semi-circulaire. Nous pensons, sans certitude avérée, qu'à l'origine, le chevet était plat : l’avant-chœur était le chœur primitif. L'abside semi-circulaire aurait été ajoutée plus tard. Cette impression est due aux différences de parement et au fait que les fenêtres supérieures de l'avant-chœur sont en partie obstruées par le toit de l'abside (images 2 et 3).

Venons-en à l'intérieur de la nef (image 4). Les trois vaisseaux de cette nef sont charpentés.

Les piliers porteurs du vaisseau central sont de type R1010 (à section rectangulaire avec saillie rectangulaire dans les sens Est et Ouest). Ce type de piliers est en général en relation avec des arcs doubles. Et c'est ce que nous constatons dans le cas présent : les arcs reliant ces piliers sont doubles. Les impostes qui supportent ces arcs sont à chanfrein dans la direction de l'intrados de l'arc. Nous estimons que ce type de construction est antérieur à la pratique du voûtement des nefs. C'est-à dire à la période romane. On serait donc dans le préroman. Mais une période précédent de peu la période romane.

À cela il faut ajouter qu'il n'y a pas de transept. Durant la période romane, toutes les églises de cette importance étaient pourvues d'un transept.

L'image 6 d'une Vierge à l'Enfant « romane » se révèle d'un grand intérêt. Remarquons tout d'abord que l'Enfant n'est pas représenté de face, mais de côté. Un peu comme si la Vierge présentait quelque chose à l'Enfant tout en s'adressant au spectateur. Si le visage de la Vierge apparaît étonnamment moderne (mais c'est aussi le cas d'autres statues très anciennes, comme celle de Sainte-Foy de Conques), son vêtement constellé de pierres précieuses est plus proche de modèles du Haut-Moyen-Âge que du Bas-Moyen-Âge roman. Il en est de même de celui de l'Enfant. Peut-on, par ailleurs, parler d'un enfant ? Ses traits s'apparentent plutôt à ceux d'un adolescent ou d'un homme jeune. Nous avons constaté (nous ne sommes pas les seuls à l'avoir fait) que pour de nombreuses statues de vierges romanes, l'Enfant Jésus n'était pas représenté sous la forme d'un bébé mais d'un adulte de taille réduite. Nous émettons l'hypothèse suivante : dans ces cas-là, la Vierge représentée ne serait pas une Vierge de la Nativité, ou une Vierge de l'Adoration des Mages, mais une Vierge de l'Assomption.


Les cathédrales dédiées à Notre-Dame de l'Assomption

En rédigeant les pages de notre site, nous avons tout d'abord constaté qu'un grand nombre de cathédrales étaient consacrées à la Vierge Marie. Ce n'était qu'une première constatation qui ne conduisait à aucune réflexion particulière, ce choix humain étant estimé normal compte tenu de la dévotion particulière réservée à la Vierge Marie. Cependant, au fur et à mesure de nos recherches, nous nous sommes aperçus qu'une insistance toute particulière était apportée à l'attribution à Notre-Dame-de-l 'Assomption. C'était en particulier vrai pour la Corse et l'Italie où les « Santa Maria Assunta » sont particulièrement fréquentes parmi les cathédrales actuelles ou les anciennes cathédrales. Il n'est pas rare de trouver dans un même diocèse plusieurs co-cathédrales dédiées à Notre-Dame-de-l'Assomption. Cette pratique nous a semblé contraire aux habitudes qui consistent à différencier les paroisses par les dédicaces de leurs églises : si l'une est dédiée à Saint Jacques, sa voisine l'est à Saint Gervais, et la suivante, à Sainte Anne. De plus, nous nous sommes posés la question : « Pourquoi Notre-Dame de l'Assomption ? Car il y a beaucoup d'autres épisodes de la Vie de la Vierge Marie susceptibles d'âtre glorifiés. Nous avons parlé ci-dessus de la Nativité et de l'Adoration des Mages. Mais il y a aussi l'Annonciation, la Visitation, la Présentation au Temple, …

Notre idée est la suivante. Après la scène Biblique de l'Ascension, les Apôtres se sont retrouvés seuls autour de la Vierge Marie. L'Assomption ou Montée au Ciel de Marie a libéré les apôtres, chacun partant évangéliser le monde. Plus tard, les évêques se sont déclarés successeurs des apôtres envoyés en mission par Notre-Dame de l'Assomption. Les premiers évêques étaient responsables de petites communautés. Le nombre de territoires présidés par ces évêques serait donc beaucoup plus important que le nombre de diocèses actuels. Il est donc tout naturel que l'église où se situait le siège de l'évêque ait été dédiée à Notre-Dame de l'Assomption. Au fur et à mesure du temps, les petits diocèses ont été absorbés par les diocèses urbains. Puis ces diocèses urbains ont été affiliés au grand diocèse de Rome. Les liens privilégiés entre le royaume des Francs et le diocèse de Rome ont dû faciliter cette absorption. Ceci expliquerait le nombre important de grandes églises de Belgique consacrées à Saint Pierre : le pape de Rome a exprimé son autorité sur les autres évêques en se déclarant successeur de Saint Pierre, premier évêque de Rome.

Revenons à cette statue de Vierge à l'Enfant.

Si l'hypothèse que nous avons exprimée ci-dessus est avérée, le personnage que présenterait la Vierge ne serait pas l'Enfant-Jésus mais l'évêque du lieu, successeur à la fois de Marie et, peut-être aussi, de Jésus.

La statue ne serait donc pas romane, mais préromane.


Datation envisagée pour l'église Sint-Pieterskerk de Bertem : an 950 avec un écart de 100 ans.