La « Vérité » extraite des textes historiques  

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Il existe une opinion couramment admise : « Hormis la période romaine (jusqu’au IIIe siècle) sur laquelle nous sommes bien documentés, nous ne savons rien du reste de cette période ( du IVe siècle au XIe ) par absence de documentation ».

Nous avons donc essayé d’établir ou de rétablir une vérité à partir des textes produits par les historiens de cette époque. Pour cela, après avoir établi une liste d’auteurs et d’écrits de ces auteurs nous avons téléchargé les textes de l’ensemble des historiens du Premier Millénaire (plus de 80 textes).

Grâce au programme de traitement de textes Word nous avons pu connaître le nombre de mots de chaque texte. Par ailleurs l’étude de ces textes nous a permis d’établir des fourchettes historiques. C’est-à-dire des intervalles de temps (en années) décrits par les historiens. En divisant le nombre de mots par le nombre d’années nous avons obtenu le nombre de mots par année pour chaque période historique décrite par un historien donné. En cumulant l’ensemble nous avons constitué un tableau permettant d’établir le nombre de mots pour chacune des 1100 années (de l’an 1 à l’an 1100).

Avant même d’examiner les résultats il faut se poser la question de leur cohérence. Peut-on en effet déduire la valeur d’un texte du nombre de mots qu’il contient ? Et il est bien vrai que, à la lecture, certains textes sont apparus plus instructifs que d’autres, de dimensions analogues.

Par ailleurs la première courbe obtenue à partir de cette analyse a fait apparaître des « pics » parfois très accentués. Ces « pics » sont le résultat d’années exceptionnellement documentées à l’occasion d’un événement particulier (bataille, voyage, ambassade). Pour une meilleure lecture graphique il a fallu supprimer ou rectifier certains de ces « pics ». Mais malgré ce, les fluctuations demeurent très importantes.

De plus, à l’intérieur même de chaque ouvrage, les disparités peuvent se révéler importantes.

Pour toutes ces raisons l’examen statistique ne peut qu’être superficiel et imprécis. On verra néanmoins que les renseignements qu’il nous fournit sont de nature à ébranler des convictions solidement ancrées. 


  • Commençons par examiner le graphique 1 ci-contre représentant le nombre de mots en fonction des années (courbe en bleu).

    La barre horizontale, en rouge, représente la moyenne (1333 mots par an). Les périodes les mieux documentées correspondent aux parties de courbes situées au dessus de la ligne rouge.

    On constate que le premier siècle est bien documenté grâce aux écrits de Suétone et de Tacite. Mais le deuxième siècle, dit de l’apogée de l’Empire Romain, l’est beaucoup moins. On retrouve des périodes bien documentées au VIe siècle (Grégoire de Tours) et au IXesiècle.

    La courbe fait apparaître une très grande irrégularité dans la documentation. Et il est fort possible que des événements historiques d’une grande importance soient définitivement tombés dans l’oubli.

L’intérêt de cette étude réside surtout dans le fait qu’elle entre en forte contradiction avec une série d’idées très répandues et faisant l’objet d’un très large consensus.
A savoir que la civilisation romaine a eu sa plus forte expansion au IIesiècle de notre ère. Elle a été détruite sous le « coup de butoir » des invasions barbares et l’Occident ne s’est relevé que très tardivement, à partir de l’an mille.


  • Le diagramme du graphique 2, effectué à partir des données extraites des Guides Verts Michelin, (son étude a été effectuée dans la page précédente) illustre cette opinion très répandue.

    Les dates des monuments révélées par ce guide montrent que, après une période d’expansion, au premier siècle suit une légère reprise au IVesiècle puis une longue période de déclin terminée par une progression ininterrompue à partir du milieu du Xe siècle. A remarquer que ce diagramme ne fait qu’illustrer l’idée. Il ne constitue pas une preuve.

    On a vu dans la page précédente intitulée, la « Vérité » extraite des guides touristiques que, de fait, ce serait plutôt l’idée communément admise d’une absence de monuments du premier millénaire qui aurait provoqué la construction du diagramme et non l’inverse. La datation exacte étant pratiquement impossible, les archéologues auraient rangé tous les monuments aux XIe et XIIesiècles en refusant d’envisager l’éventualité d’une datation antérieure à l’an 1000.
  • Dans le diagramme du graphique 3, ont été superposées deux courbes.

    La première, en rouge, n’est autre que la courbe du graphique 2.
    On a seulement ôté la donnée (nombre de monuments identifiés) correspondant au XIIesiècle.

    La seconde courbe (en bleu) correspond à la moyenne des mots (de textes historiques) par siècle.

    Pour chacune des deux courbes les données ont été ramenées à l’indice 100.
    Ce qui permet une meilleure lecture graphique.
    On ne peut que constater l’absence de corrélation entre les deux courbes. La notion de décadence de l’empire romain à partir du IIesiècle n’apparaît pas en ce qui concerne la courbe bleue. Le seul moment où semble apparaître une décadence (par absence de textes historiques) se situerait aux Xe siècle et XIesiècle. Mais c’est juste à ce moment qu’apparaît un début de reprise sur l’autre courbe (rouge).
En résumé, on peut déduire de cette étude statistique concernant les textes historiques que ceux d ‘entre eux concernant le Haut Moyen-âge ont été sous-estimés par rapport à ceux concernant la période précédente de l’Empire Romain.

Il existe bien une période de carence des écrits mais elle est plus tardive que ce que l’on pensait auparavant et coïnciderait avec une période considérée de renouveau et de progrès : le Xe et le XIesiècle.
Remarque : cette carence des écrits aux Xe et XIe siècles ne signifie pas pour autant qu’il y a eu un vrai déclin durant cette période. Il faut bien sûr poursuivre la recherche. Tous les écrits du Premier Millénaire n’ont pas été rassemblés dans cette étude. En particulier ceux des historiens chrétiens dont le témoignage a pu avoir été rejeté par suite d’une vision étroite de la laïcité. Cette étude statistique ne prouve rien. Mais elle tend à montrer que les historiens ont consacré plus d’efforts à décrire les premiers siècles du Premier Millénaire (une description réservée aux seuls romains) que les siècles suivants. Cette constatation permet d’envisager qu’il existe encore des zones historiques en friches. Les pages suivantes vont permettre d’en défricher quelques unes.