Les nouveaux objectifs



  • Les anciens objectifs non encore réalisés. Échec du dialogue et de la confrontation d'idées :

    Nous avons dans le paragraphe précédent décrit les objectifs atteints, voire même dépassés. Mais tous les buts que nous nous étions fixés n'ont pas pu être concrétisés. Il en est ainsi du deuxième objectif : faire en sorte que notre site devienne « un site de dialogue et de recherche ». Nous sommes obligés de constater un échec relatif sur ce point. En fait, la faute vient de moi, auteur de ces lignes. J'ai été influencé par une thèse bien connue selon laquelle il faut se persuader que lorsqu'on croit avoir fait une découverte, dix autres l'ont faite en même temps que vous. Ayant fait quelques petites découvertes concenant le premier millénaire, j'ai cherché, à échanger avec les dix autres collègues qui, j'en étais convaincu, avaient fait des découvertes analogues aux miennes.
  • Il y a eu certes des échanges fructueux, mais seulement sur des points que nous estimions mineurs (croix pattées, églises à chevet carré, etc.). Mais rien sur l'essentiel de la théorie. À quoi attribuer cette carence ? Plusieurs explications sont possibles. La première d'entre elles serait de conclure que ces hypothèses sont fausses. Cependant, on est obligé de constater que plus le site progresse, plus nous nous rapprochons de la vérité. Une deuxième explication m'amènerait à croire en l'inexistence de ces dix personnes ayant des idées analogues aux miennes. C'est peut-être le cas, mais je pense que beaucoup de nos amis lecteurs sont dans l'expectative attendant que nos idées remettant en question des opinions antérieures soient à leur tour remises en question. Le processus de dialogue n'ayant pas été bien enclenché, nous ne pouvons rien faire de mieux que ce que nous avons fait jusqu'à présent.



  • Les monuments restant à étudier :


    Nous avons d'ores et déjà étudié plus de 2500 monuments, principalement des églises. Mais il peut y avoir aussi d'autres types de monuments, comme des édifices en ruine ou des musées. Pour une grande partie de ces monuments, la visite a été superficielle, ne concernant que l'extérieur de l'édifice. Combien de monuments reste-t-il à étudier ? Dans la perspective d'une comptabilité généralisée de ces monuments, nous avons fait une présélection de monuments d'Italie pour 16 régions sur 20 (les Abruzzes, le Balisicate, la Calabre, la Campanie, l'Émilie-Romagne, le Frioul-Vénétie Julienne, le Latium, la Ligurie, la Lombardie, les Marches, le Molise, l'Ombrie, le Piémont, les Pouilles, la Sardaigne, et la Sicile). Nous avons identifié par ailleurs environ 150 monuments des quatre régions restant à étudier pour l'ensemble de l'Italie. Mais ce n'est pas tout car il reste encore des régions de France qui n'avaient été étudiées que partiellement : par exemple l’Île-de-France (au moins 17 monuments à ajouter). Il reste aussi à étudier d'autres édifices en Suisse, au Danemark. Nous avons terminé la Croatie.

  • Dans l'ensemble, le nombre de ces monuments restant à étudier devrait dépasser 300. Mais ce n'est pas tout ! Car il reste les monuments non encore découverts. Il faut comprendre que notre étude s'appuie en grande partie sur les ouvrages de la collection Zodiaque édités par les moines de l'Abbaye de la Pierre-qui-Vire, dans le Morvan. Ces livres écrits par des historiens réputés de l'art roman ont permis d'obtenir un catalogue impressionnant d'édifices antérieurs à l'an mille deux cent. La publicité faite à ces édifices a pu permettre la découverte d'autres édifices de moindre importance. Cependant tout aussi développées soient-elles, ces recherches ont été limitées ; la publication d'un ouvrage consacré à une région de l'Europe nous permet de connaître les monuments identifiés dans cette région ; la non publication d'un ouvrage sur une autre région nous empêche de connaître le même type de monuments.

    C'est le cas en ce qui concerne la Suisse et l'Autriche, pays voisins : grâce à l'ouvrage Suisse Romane nous pouvons identifier une vingtaine de monuments en Suisse. Et toujours , en partie grâce au même livre, ces monuments sont décrits sur Internet, leurs images étant à à notre disposition. Les éditions Zodiaque n'ont pas publié d'ouvrage intitulé Autriche Romane. En conséquence, nous ne possédons pas de liste exhaustive des églises romanes d'Autriche. Et si nous en avions une, il nous serait sans doute difficile de disposer de leurs images sur Internet.
  • Les cartes interactives de distribution des monuments en Europe sont le pur reflet de cette idée : une forte densité de monuments en France, dont les régions sont décrites dans le détail dans les éditions Zodiaque ; une moins grande densité pour la Péninsule Ibérique, l'Italie et l'Allemagne ; une absence quasi-totale pour les pays situés de l'autre côté de l'ancien Rideau de Fer. Cette absence surprend. Car des pays comme la Géorgie ou l'Arménie, éloignés de plusieurs milliers de kilomètres de la Suisse ou de l'Italie, sont bien pourvus en monuments anciens attribuables au Premier Millénaire. D'où l'idée que de tels édifices existent dans les pays
    d'Europe Centrale et de l'Est, plus proches de l'Italie ou de la Suisse (Serbie, Tchéquie, Bulgarie, Roumanie) mais qu'ils n'ont pas encore été trouvés. Une piste déjà envisagée en ce qui concerne l'Italie : nombre de ces édifices pourraient être cachés sous un décor baroque du XVIIe ou XVIIIe siècle.

    D'autres édifices du Premier Millénaire pourraient être aussi découverts dans les pays d'Afrique du Nord. Nous doutons en effet que les diverses invasions des Vandales ou des Arabes aient pu s'accompagner de la destruction totale d'édifices chrétiens. Nous pensons plutôt à une reconversion en entrepôts ou en mosquées. Et si toutefois cette absence de monuments anciennement chrétiens en Europe de l'Est ou en Afrique du Nord se révélait réelle, cette absence se révélerait plus problématique que n'aurait été leur présence.

  • La question de la datation :

    Concernant la datation des monuments, nous n'avons pour le moment effectué que des approches. Les premières évaluations ont porté sur les nefs à trois vaisseaux, puis sur les transepts et les chevets. Nous avons aussi essayé de situer dans le temps les thèmes iconographiques. Mais d'une part, nous avons encore un gros déficit d'informations. En particulier pour les thèmes iconographiques (grande variété de ces thèmes, absence d'explications dans les documents d'époque). Et d'autre part, un document de synthèse est nécessaire. Un tel document n'est pas encore envisageable dans les années qui viennent, le but ultime étant d'arriver à dater une transformation architecturale avec un écart de 50 ans. Ce qui correspond aux estimations actuelles que nous estimons erronées pour la plupart d'entre elles : dire qu'un édifice est du XIIe siècle est, selon nous analogue à l'affirmation : il date de l'an 1150 avec un écart de 50 ans.



  • L'histoire du Premier Millénaire :

    Nous n'avons fait qu'ébaucher une telle histoire, beaucoup plus complexe que celle décrite par les historiens du XIXe et de la première moitié du XXe siècle. Rappelons tout d'abord que ces historiens ont voulu raconter une histoire événementielle. Mais ces historiens n'avaient pas réalisé (ou voulu réaliser) que l'événementiel rapporté par les textes ne constituait qu'une petite partie de l'événementiel réel. De vastes zones d'ombre subsistaient pour des régions entières et pour des périodes de longues durées. Qui plus est, concernant l'Histoire de France - mais le comportement doit être identique pour chaque pays - les historiens n'ont retenu que les événements susceptibles de ne pas nuire à l'identité française. En conséquence, nous estimons que cette histoire événementielle doit être reprise. Mais ce n'est pas tout.

    Car les divers documents que nous avons consultés nous ont permis de comprendre que l'on pouvait écrire une histoire des mentalités. Une histoire des peuples est d'ores et déjà engagée avec l'histoire des Wisigoths. Elle devrait se poursuivre avec l'histoire des Romains, des Gaulois, des Francs, des Bretons. Notre site a déjà largement entamé une histoire du bâti. Le dernier titre, histoire des dépôts alluvionnaires, surprend quelque peu. Nous estimons cependant qu'une telle histoire doit être écrite. Contrairement à ce que l'on croit habituellement, le concept de « mondialisation » n'est pas nouveau. Il existait déjà à l'époque antique. Les peuples pouvaient communiquer entre eux et échanger de grandes quantités de marchandises et ce, sur de longues distances, par des voies terrestres ou maritimes.

  • Concernant ces dernières, certains peuples comme les phéniciens, les grecs, les carthaginois, les romains et, plus tard, les vikings, ayant acquis une plus grande maîtrise de la navigation, se sont imposés dans le commerce international. Mais la création d'une voie maritime exige la mise en en place de ports destinés, soit à abriter les navires en cas de tempête, soit à servir de lieux de dépose ou de transfert des marchandises. Dans le deuxième cas, le port est en général un port d'estuaire sujet à des atterrissements. En fonction des dépôts alluvionnaires, le port peut s'envaser plus ou moins rapidement. Et, à partir d'un certaint temps, le port n'est plus en mesure d'accueillir les navires. En conséquence, un nouveau port est créé plus loin dans l'estuaire. Et ainsi de suite. Si nous imaginons de réaliser une histoire des dépôts d.'alluvions, c'est parce que nous avons constaté une carence sur la question. Des chercheurs, parfois brillants, nous apprennent, documents à l'appui, que, entre l'an 1500 et l'an 2000, c'est-à-dire pour une période de 500 ans, un port a été déplacé de plusieurs kilomètres vers l'aval pour cause d'envasement. Mais ils se révèlent incapables d'extrapoler. C'est-à-dire d'imaginer ce qui a pu se passer auparavant. À savoir que, en remontant le cours du fleuve, on doit pouvoir retrouver les restes des ports qui se sont succédés durant 2500 ans. Bien sûr ces restes peuvent être profondément enfouis, indétectables par les méthodes actuelles et très difficilement exploitables, si toutefois on arrive à les détecter. Mais ils existent et ne pas réaliser cette existence constitue une erreur.

  • Une réflexion sur l'Histoire et l'Historionomie :

    Lorsque nous avons commencé notre étude sur le Premier Millénaire, nous étions bien conscients qu'il fallait inaugurer de nouvelles méthodes mais nous n'avions pas engagé une réflexion profonde sur ces méthodes et sur les objectifs à atteindre. La méthode déjà en partie initiée avec la rédaction du livre sur la Cathédrale de Béziers s'est imposée au fur et à mesure de la rédaction des pages du site. Une méthode « généraliste » consistant à étudier le plus grand nombre d'édifices, et le plus rapidement possible, de façon à avoir une vision d'ensemble. Cette méthode que nous avons en partie perfectionnée n'est pourtant pas totalement au point car il reste à établir des éléments de preuves et à introduire les méthodes en vue de cet objectif. La question est de savoir comment on peut établir une preuve lorsqu'on est en présence d'une logique floue. La preuve ne peut être, elle aussi, que floue. Mais on peut se rapprocher de la vérité par une analyse statistique.


Cette réflexion sur l'historionomie nous a amené à dépasser le cadre très strict du Premier Millénaire. En effet, la vision orientée et partiale de l'histoire que nous avons constatée lors de notre étude peut se généraliser à d'autres périodes de l'histoire. En particulier pour l'histoire relativement récente. Des faits apparemment secondaires mais porteurs d'un message orienté ont été montés en épingle alors que d'autres faits moins glorieux sont minimisés, voire totalement occultés. Nous avons sur ces points des exemples précis.

Nous sommes convaincus que la recherche en historionomie ne fait que commencer. Elle devrait conduire à établir des codes scientifiques de règlement des questions historiques. Et donc des causes de conflits. Bien souvent, les guerres entre deux peuples sont le résultat de la méconnaissance de chacun de ces peuples de sa propre histoire : on se souvient du mal qu'a fait son voisin mais pas du mal qu'on lui a fait. Combien de fois nous avons entendu, visitant un pays, la phrase : « Nous, on a toujours été un peuple pacifique, mais on a toujours subi la puissance de nos voisins ». En conséquence de ces a priori, pour chaque nation il y a deux cartes, l'actuelle et la rêvée, le Grand État considéré comme perdu, amputé par les états voisins mais destiné à être reconquis. De tels raisonnements permettent de justifier les guerres de conquête ou de reconquête. Et la justification de telles positions peut se référer à des dommages survenus plusieurs siècles auparavant. Ainsi, nous avons eu l'occasion de connaître l'argument d'un jeune juif justifiant l'occupation de la Cisjordanie sous prétexte que ce territoire avait été volé à ses ancêtres au premier siècle de notre ère. Il s'agit là d'une question de contestation d'héritage. De telles questions sont en général rapidement réglées à l'intérieur de chaque état : on recherche les héritiers potentiels et, au moins en ce qui concerne la France, un taux d'imposition est affecté en fonction du degré de parenté de chacun. Plus on avance dans le temps et plus la part de chacun diminue. Nous pensons donc que l'historionomie, étude de l'histoire par un raisonnement scientifique et objectif, devrait permettrez de régler des situations sujettes à conflits.


Rédaction des articles :
Norbert Breton
Réalisation du site Internet :
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