L’église Sainte-Sophie de Padoue 

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Nous n'avons pas visité cette église. Les images de cette page sont extraites de galeries d'Internet.

La page du site Internet Wikipédia consacrée à cette église nous apprend ceci :

« Histoire

L’histoire complexe du bâtiment est à la hauteur de l’agencement compliqué des différentes phases de construction qui le caractérisent, phases qui restent encore largement incomprises ou interprétées de manière discordante par les experts. La tradition veut qu’il soit fondé par saint Prosdocimus sur les ruines d’un temple païen dédié à Apollon. La dédicace à Sainte-Sophie
(Divinæ Sapientæ) évoquerait une origine byzantine.

Le premier document dans lequel l’église de Santa Sofia est mentionnée est daté du 19 février 1123 : l’évêque de Padoue Sinibaldo est intervenu pour demander l’achèvement de l’église, des travaux de construction qui avaient duré des décennies, au moins depuis 1109, dans un chantier frappé par d’importantes calamités telles que le tremblement de terre de 1117. La lecture difficile de l’édifice est également liée aux nombreuses découvertes archéologiques (dont de nombreuses remontées entre le IIe et le IVe siècle après J.-C.) qui ont eu lieu dans la région depuis le Moyen-Âge, découvertes qui ont grandement influencé les chroniqueurs et la population. Si l’abside est, selon certains, même datable de l’époque carolingienne, la découverte dans les années 50 d’une crypte sous la zone presbytérale, avec des analogies se rapportant au chantier de construction de la basilique Saint-Marc, a créé de nombreux problèmes de datation.

Certes, l’abside monumentale est le résultat de la première phase de la construction de Santa Sofia, entreprise pour certains au IXe siècle et pour d’autres entre 1070 et 1080, phase qui s’est terminée vers 1106. La deuxième phase a sans doute commencé en 1117 et s’est terminée vers 1179 avec des solutions plus modestes et hâtives, comme l’utilisation massive de la décharge. La structure a subi des embellissements vers la fin du XIVe siècle et des ajustements à la suite des réformes liturgiques approuvées par le Concile de Trente (fin du XVIe siècle). [...]

Description : l’abside

La partie la plus ancienne est l’abside, mue par des arcs aveugles et une galerie, le tout convergeant vers la grande niche centrale (recomposée en 1852). L’imposant bâtiment, dont certaines parties remontent au Xe siècle ou même au VIIe siècle (Pietro Selvatico), semble évoquer la tradition ottonienne et byzantine, avec une utilisation chromatique raffinée de la pierre et de la terre cuite, pour l’agencement raffiné des ouvertures et des équilibres. Certains érudits y ont vu une partie d’un rond-point inachevé, d’autres des similitudes avec le chantier de construction de Santa Maria e Donato à Murano.
[...]

L’intérieur

L’intérieur évocateur est le résultat des interventions radicales des années 50 du XXe siècle qui ont donné à la salle un aspect sévère et harmonieux, auparavant déformé par les embellissements des XVIe et XVIIe siècles. Les piliers et les colonnes soutiennent les nombreux arcs qui convergent vers l’imposant bassin de l’abside, également soutenu par des arcs. Le toit voûté en croisées d’ogives en plâtre remonte à la période des interventions de la fin du XIVe siècle promues par l’évêque Stefano de Carrara. Les nefs latérales se terminent par une sorte de déambulatoire, interrompu par la grande niche à la tête de l’abside, où le tabernacle a été placé.

Les colonnes et les chapiteaux qui alternent avec les piliers et les décorations en pierre sont des matériaux des périodes romaine et byzantine, certains finement travaillés en nielle. »

Par ailleurs, cette église a fait l’objet d’une étude approfondie dans le livre Vénétie Romane de la collection Zodiaque, écrit par Gianna Suitner Nicolini, architecte.


Commentaires divers

On pourrait s’étonner que cette église ait été sélectionnée parmi les édifices romans de Vénétie pour faire l’objet d’une étude particulière dans le livre Vénétie romane. On ne voit pas d’objet particulier tel que chapiteau, tympan, cuve baptismale, susceptible d’attirer l’attention de l’amateur d’art. Nous pensons que l’intérêt est dû à l'existence de la très grande abside qui ferme la nef de l’église côté oriental (images 1, 5, 6 et 7). C’est probablement le caractère exceptionnel de cette abside qui a attiré l’attention des chercheurs. Comme il est écrit dans le texte de Wikipédia, ceux-ci ont échafaudé diverses hypothèses pour expliquer l’existence de cette grande abside.

Une des premières questions qui se posait était sa datation par rapport à la nef. Il est en effet facile de remarquer que la nef et l’abside sont deux constructions de styles différents. Manifestement, l’une a été construite avant l’autre. Dans son livre, Madame Gianna Suitner Nicolini ne semble pas trop se prononcer là dessus mais le livre est vieux depuis plus de 30 ans et il est possible que depuis, des découvertes aient été faites. Le texte de Wikipédia est quant à lui plus formel : l’abside aurait précédé la nef.

Si Madame Nicolini est moins affirmative sur la question de datation, elle utilise son expérience d’architecte pour mettre en doute les affirmations de certains historiens de l’art. Et elle propose une autre hypothèse : « Plus séduisante et peut-être plus crédible semble alors l’hypothèse suggérée par Zuliani (1978), avec le parallèle établi entre l’hémicycle de Sainte-Sophie et cet édifice roman peu connu qu’est la rotonde de la Madonna dele Monte près de Bologne. Et même si Toesca en son temps (Toesca 1927) avait exclu la possibilité d’un espace centré pour l’hémicycle de Sainte-Sophie, les analogies formelles et typologiques (mises à part les dimensions) méritent d’être relevées. [...] ». Et Madame Nicolini poursuit plus loin : « Une telle hypothèse pour la Sainte-Sophie du XIe siècle ne doit pas étonner si l’on songe à la diffusion et à l’importance qu’a connue à l’époque romane (et aussi dans toute l’histoire de l’architecture) le modèle de plan circulaire. [...] ». Madame Niccolini donne ensuite six exemples d’églises à plan centré. Remarque : sur notre site nous en avons identifié 244 … et la liste n’est pas clause.

En tout cas, Mme Nicolini a attiré notre attention sur l’église de la Madonna dele Monte près de Bologne. Nous l’avions ignorée dans notre étude sur les églises d’Émilie-Romagne.

En prenant toutes les précautions d’usage pour éviter de contrer certains de ses collègues, Mme Nicolini semble convaincue que cette abside demi-circulaire (en fait, d’après le plan, elle n’est pas tout à fait demi-circulaire : l’arc serait d’environ 150°).

Nous pensons qu’elle a raison. Il devait y avoir à l’origine un édifice à plan circulaire d’environ 23 mètres de diamètre. Tout concourt à le démontrer. D’abord le fait qu’il ne soit pas à plan centré. Car la plupart des édifices dits à plan centré que nous avons étudiés ne sont pas dans la réalité à plan centré. Il y a toujours un changement au niveau du plan. Cela peut être l’ajout d’une abside à l’Est, ou d’un porche d’entrée à l’Ouest. Et parfois les deux. Il est logique de penser que ces verrues qui modifient le plan sont des ajouts postérieurs car l’architecte qui a construit le plan recherchait la perfection de son modèle et cette perfection, il la trouvait dans la symétrie des formes. Mais une question se pose : pourquoi a-t-on ultérieurement détruit cette perfection ? La réponse est évidente : parce que, entre-temps, les convictions avaient changé. Et comme dans la plupart des cas, le plan centré de l’édifice est transformé : en un plan orienté d’une église chrétienne, on en déduit que l’édifice d’origine n’était peut-être pas tout à fait chrétien mais qu’il l’est devenu par transformation de son plan.

Nous avons envisagé que ces édifices à plan centré pouvaient être des « parlements ». C(est-à-dire des endroits où l'on se parle, où l’on peut échanger des points de vue et éventuellement prendre des décisions. Bien entendu, même si ces parlements font penser à la démocratie, celle-ci ne doit pas être calquée sur celle que l’on connaît actuellement. En fait, les membres de ces parlements devaient former un petit groupe des personnages riches et puissants. Mais comme la pratique a probablement duré des siècles et ce, dans de très nombreuses régions d’Europe, les situations ont été nombreuses et variées et il a pu y avoir des expériences démocratiques authentiques. En tout cas, on sait que certains chefs de légion ont été élus par leurs hommes de troupe.

Dans le cas particulier de Sainte-Sophie, il est possible que cet endroit où devait se développer la sagesse des hommes ait reçu pour cela le nom de « Sainte Sagesse ». Et il est possible qu'à Constantinople, le nom de « Sainte Sagesse » ait été aussi donné à un autre édifice à plan centré pour la même raison. C’est la grande basilique Sainte- Sophie.

Revenons à présent à ce monument en acceptant l’idée qu’il était à l’origine à plan circulaire : quelle pouvait être son architecture ? Nous connaissons seulement deux modèles. Le premier des deux est celui de l’édifice à noyau central porté par une colonnade, le corps central étant surhaussé par rapport au corps extérieur faisant office de déambulatoire. Ce modèle est celui d’Aix-la-Chapelle, de Saint-Donat de Zadar, d’Ottmarsheim (en Alsace). Le deuxième modèle est celui pour lequel les murs extérieurs, à pourtour circulaire ou polygonal, sont porteurs d'une coupole d'un seul tenant (donc pas de noyau central). C’est le modèle du Panthéon de Rome et aussi sans doute du Saint-Sépulcre de Jérusalem. Nous pensons que c’est ce deuxième modèle qui a été utilisé pour l’abside de Sainte-Sophie de Padoue dans sa forme primitive hémisphérique. Il y a plusieurs raisons à cela. La première de ces raisons est liée au fait que si le premier modèle architectural avait été choisi il devrait y avoir des restes des piliers soutenant le noyau central, si ce n’est dans l’église (image 6) du moins dans la crypte (image 22). Or nous ne voyons pas sur l'image 22 de restes de tels piliers. Une deuxième raison est liée au fait que la structure architecturale de ce qui reste s’apparente à celle du Panthéon de Rome (comme à Rome, des niches insérées dans les murs côté intérieur font le tour de l’édifice. De plus, côté extérieur le mur de cette abside (image 5) ressemble plus à un mur de monument romain que de monument roman. Ce mur nous fait penser à celui d’un amphithéâtre romain. Sauf que dans un amphithéâtre, les baies ne sont pas aveugles comme ici. La comparaison devrait être plutôt faite avec le mur de scène du théâtre d’Orange.

À présent, acceptons l’idée que cet édifice primitif obéissait au modèle architectural du Panthéon de Rome. Ce modèle est celui de la coupole à encorbellement. Un modèle que l’on peut analyser sur des cabanes de bergers telles que les bories de Provence ou les capitelles du Bas-Languedoc. Ce modèle s’inspire du principe du porte-à-faux; les pierres sont décalées au-dessus du vide au fur et à mesure que l’on monte les murs. Afin de permettre d’équilibrer l’ensemble les murs sont très épais à la base et ils sont rétrécis en cours d’élévation. La caractéristique de ce modèle est l’absence de clé de voûte au sommet, mais l'exisence d'un grand trou. Il nous est difficile de vérifier cela sur les images que l’on a de Sainte-Sophie, mais, « le parallèle établi entre l’hémicycle de Sainte-Sophie et ... la rotonde de la Madonna dele Monte » par Zuliani et Mme Nicolini permet d’identifier ce dernier édifice comme étant à plan circulaire doté d’une coupole hémisphérique sans clef de voûte. Donc un édifice tout à fait analogue au Panthéon de Rome.

La faible proportion de ce type d’édifice par rapport à ceux à noyau central fait envisager une plus grande ancienneté. À cela s’ajoute le fait que dans le cas de Sainte- Sophie de Padoue, une nef à trois vaisseaux a été insérée dans une rotonde préexistante. Et cela, comme nous le verrons plus loin, en plusieurs étapes de construction. Tout cela met en doute la datation de Mme Nicolini ainsi formulée : « Une telle hypothèse pour la Sainte-Sophie du XIe siècle ». Il suffit pour le réaliser d’utiliser un
« raisonnement par l’absurde » en partant de l’hypothèse qu’au XIe siècle (disons vers l’an 1050), une magnifique rotonde a été construite, et que, à la suite de plusieurs transformations, en 1125 on a obtenu l’édifice actuel. Sur le papier, tout cela est logique. En matière de comportement humain, tout cela est absurde. Il faut bien comprendre que la transformation d’un édifice à plan centré en un édifice à plan orienté nécessite en premier lieu des efforts financiers importants. Mais, plus encore, d’importants changements de mentalité qui demandent des siècles d’adaptation à ces changements.


Les images 11 et 12 décrivent l’intérieur de deux niches situées sur la façade occidentale (images 2 et 4). Celle de l'image 12 est décorée d'une fresque. Ces niches s'apparentent à celles vues sur le chevet de la cathédrale de Murano.


La nef de la basilique Sainte-Sophie

Les images 13, 14 (vues en direction du sanctuaire) et 15 (vue en direction du fond) permettent de voir différents types de piliers. En partant du fond de l’église, deux couples de piliers à section rectangulaire mais flanqués de colonnettes sur les angles côté vaisseau central. Par ailleurs, des édicules formés de deux colonnettes portant un arc en plein cintre sont plaqués contre les piliers côté vaisseau central (images 17 et 18).

On a ensuite un couple de colonnes cylindriques. À l’origine, ces colonnes devaient être monolithes, mais le système a dû subir des contraintes. Certaines colonnes ont été cerclées. D’autres ont été probablement brisées et en partie remplacées. Ainsi l'image 19 montre que la base de la colonne de l'image 18 a été remplacée par un morceau de colonne cannelée pris sur un monument antique.

En poursuivant notre analyse des piliers, on retrouve un couple de piliers à colonnettes d’angle et édicule analogues à ceux du début. Puis un couple de piliers à section rectangulaire de type R1010 (ce qui signifie que des pilastres sont accolés aux piliers cotés Est et Ouest). Puis on a deux couples de piliers de type R0000 portant des impostes à chanfrein. Ensuite un couple de piliers de type R1010, non pourvus d’impostes mais portant des arcs doubles (image 20). Un autre couple de piliers de type R1010 portant des arcs doubles termine la liste des piliers. Il permet la jonction avec l’abside intérieure par l’intermédiaire d’arcs en plein cintre de plus petites dimensions que ceux du reste de la nef (image 21).


Le discours ci-dessus peut paraître long. Et le lecteur pourrait répondre : « A quoi bon un tel discours ? Il suffit de regarder les photos ! » . Mais si nous avons voulu entrer dans les détails, c’est pour montrer la complexité de la situation. Nous venons d’identifier 5 formes différentes de piliers. Cela signifie pour nous cinq étapes différentes de travaux. Car tous les maîtres d’œuvre du Moyen-Âge recherchaient la perfection. Et cette perfection, ils la trouvaient dans la symétrie et la répétition des formes. En ce qui concerne cette perfection, elle existe dans la symétrie (puisque l’on parle de couples de piliers, cela signifie que les piliers situés face à face sont identiques). Mais elle n’est pas dans la répétition (ou la translation) des formes. Les intervenants sur cette église ont été amenés à construire ou à modifier, non des piliers, mais des travées entières. Ces constructions ou modifications n’ont pu se faire en quelques décennies mais sur plusieurs siècles.

Parmi les innovations ayant conduit à l’art roman, nous citons celle de l’arc double : l’arc en plein cintre double est selon nous plus performant que l’arc simple. Nous constatons sur les diverses images que les arcs reliant les piliers des premières travées à partir de l’entrée Ouest sont en plein cintre et simples. Par contre, ceux des deux dernières travées avant le sanctuaire sont des arcs doubles. Nous en déduisons que ces deux dernières travées sont probablement postérieures aux premières.

En conséquence, l’enchaînement possible des constructions est le suivant. Au tout début, une rotonde à plan parfaitement symétrique est construite. Puis on décide de christianiser cette rotonde en la gardant comme chœur de la nouvelle église et en la prolongeant par une nef à trois vaisseaux charpentés. Mais on conserve la rotonde presque intacte en ouvrant des passages de communication avec la nef. Par la suite, la nef est prolongée mais toujours en laissant la rotonde presque intacte. Enfin on réalise que la partie Ouest de la rotonde crée une séparation ente chœur et nef. On décide alors de supprimer cette partie Ouest et garder la partie Est comme abside à trois vaisseaux.

Un tel raisonnement peut paraître trop imaginatif ; Mais nous avons au moins un exemple d’une nef orientée à trois vaisseaux jouxtant une rotonde presque intacte. C’est la basilique Saint-Étienne de Neuvy-Saint-Sépulchre.


Datation envisagée

Pour la rotonde de l'église Sainte-Sophie de Padoue : an 350 avec un écart de 150 ans.

Pour la nef de l'église Sainte-Sophie de Padoue (première étape de construction : la rotonde restée presque intacte devient sanctuaire de l’église ainsi créée) : an 750 avec un écart de 150 ans.

Pour l'église Sainte-Sophie de Padoue (étape finale : destruction de la partie Ouest de la rotonde et fin de construction de la nef) : an 950 avec un écart de 100 ans.